Ailey, en 3eme cycle d'histoire, va nous conter l’histoire de sa famille depuis l'arrivée de ses ancêtres en Géorgie
Ailey, en 3eme cycle d'histoire, va nous conter l’histoire de sa famille depuis l'arrivée de ses ancêtres en Géorgie
Merveilleuse histoire de cette famille, mélange de tout ce qui fait l’Amérique (indiens, africains européens). J'ai été captivé par cette histoire de souffrances profondes mais aussi de force de volonté, d'espoirs de changer le destin. Le point de vue de cette auteure noire est très enrichissant car on n'a que très rarement la chance de voir l'histoire a travers ce type de regard . J'ai pu rapprocher ses réflexions avec celles d'un autre très grand livre (Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie, ) sur la conditions des noirs aux états unis mais vu par une femme africaine allant faire ses études la bas et son étonnement vis a vis de la relation entre noirs et blancs et notamment l’importance de la chevelure ou des nuances de la couleur de peau et de son importance dans la hiérarchie sociale. Le livre est très fluide, bien écrit et les allers retour entre le présent et l'histoire de cette famille rendent le récit plus vivant. Un très bon livre pour passer l’été !
« Nous sommes le sol, le territoire. La langue qui se délie et trébuche sur les noms des morts en osant raconter les histoires de la lignée d'une femme. Son peuple et ses souillures, ses arbres, son eau. Nous connaissions cette femme avant qu'elle ne devienne femme. Nous la connaissions avant sa naissance : nous avons chanté pour elle lorsqu'elle était encore dans le ventre de sa mère. Nous avons chanté alors et nous chantons encore. »
Ce sont les magnifiques premières phrases de cet ambitieux roman. Cette « femme » dont il est question, c'est Ailey dont on suivra la quête intime – dilemme : trouver comment se créer une vie belle et accomplie quand on est une femme, noire, qu'on vit en Georgie dans un ancien Etat sudiste, ancrée dans une terre familiale qui est une ancienne plantation, champ de mines de tragédies passées mais où il est possible de dénicher des trésors.
Ce « nous », c'est le choeur antique de Georgie qui va chanter l'histoire des ancêtres d'Ailey, remontant au XVIIIème siècle. L'ascendance est au coeur du roman d'Honorée Fanonne Jeffers. Elle ouvre son roman sur les arbres généalogiques de cette lignée, puis transforme son récit en oscillation entre le passé et le présent, les chants des ancêtres entrecoupant le parcours d'Ailey et des femmes qui l'entourent, sa mère, ses deux soeurs, ses grands-mères notamment.
Le roman est intimidant avec ses 900 pages. S'il y a bien des surplus de détails ou répétitions qui auraient pu être évités, la lecture emporte le lecteur par son énergie et son engagement. le récit offre une vision panoramique de l'histoire américaine à travers le prisme des minorités : arrivée forcée des premiers Africains, violences subies en parallèle par les Amérindiens, esclavage dans les plantations, ségrégation raciale, mouvements des droits civiques et changements culturels qui en découlent. le tout sous le patronage de l'historien sociologue W.E.B du Bois ( 1868-1963 ), dont les très pertinentes citations en tête de chapitre jouent leurs lignes de basses.
L'autrice inspecte les chaînes explicatives d'événements à différentes échelles ( nationale, sudiste, communautaire, individuelle ) à partir de la famille d'Ailey, issue d'une ascendance mêlée composée de Noirs libres, de Noirs asservis, d'Indiens Creeks et de planteurs blancs. Les thématiques sont nombreuses : les abus sexuels sur des femmes et enfants, la lutte des classes, le colorisme, la cupidité.
Et j'ai particulièrement apprécié leur traitement intersectionnel au plus près des nouveaux concepts sociologiques et psychologiques. Par exemple, il est question de la « misogynoire » ( double discrimination à la fois sexiste et raciste vécue uniquement par les femmes noires ) ou le syndrome post-traumatique de honte héréditaire ( l'épigénétique a démontré la transmission de séquelles subies par les descendants d'esclaves ). Honorée Fanonne Jeffers le fait avec une sensibilité superbe qui laisse voir toute la vie intérieure de ces Afro-américains afin d'illustrer comment ils ont traversé et survécu à une histoire douloureuses.
Ainsi nous voyons grandir Ailey - personnage peu sympathique pendant une grande partie du roman, de par son arrogance – et se développer en elle la double conscience d'être femme et noire lorsqu'elle se connecte à son arbre généalogique en se rendant en Georgie, sur les terres familiales de l'ancienne plantation. le personnage évolue énormément à mesure qu'Ailey découvre le passé familial et son cortège de secrets, mensonges, talents, trahisons, ambition, accomplissement dont elle est le creuset.
Honorée Fanonne Jeffers a créé un monde en mouvement qui continue à vivre une fois le livre refermé. Une lecture ambitieuse, riche et profondément humaine.
Avis mitigé sur ce long récit de 900 pages :l'auteure a choisi d'alterner les événements du passé esclavagiste de la Géorgie et le présent, il en résulte souvent des confusions, or de mon point de vue dans ce livre l'ordre chronologique pouvait être respecté tout en montrant le poids de la transmission de génération en génération et un certain déterminisme.
D'autre part, des personnages accumulent les malheurs dont Lydia, Samuel est un monstre+++, le résultat est qu'ils apparaissent plus comme des caricatures que comme des personnages crédibles capables de susciter empathie ou haine.
Trop nuit…
L'auteure déroule dans une fiction historique ce qu'est l'esclavage à travers l'histoire d'une famille afro-américaine du 18ème siècle à aujourd'hui,la fiction permet de rendre plus concrètes par les portraits et la généalogie des personnages la complexité des origines et la barbarie de l'esclavage.
Comme l'écrit l'auteure,Les chants d'amour de Wood Place , est une oeuvre féministe noire également.Elle développe de façon récurrente le combat des femmes meme esclaves contre les hommes ou pour elles-mêmes.
La narratrice est Ailey , elle a deux soeurs Lydia et Coco.Lydia est l'élément fragile plombée par son passé quand ses deux soeurs sont des battantes.
Et l'histoire?
Nous faisons la connaissance d'Ailey et de sa famille qui vivent dans la petite ville de Chicasetta , berceau de la famille de sa mère Belle depuis l'arrivée de leurs ancêtres africains devenus esclaves. Ailey est en 3 Eme cycle d'histoire quand elle se lance dans des recherches sur la famille Pinchard. Elle étudie les journaux intimes de Samuel Pinchard , des photographies également et découvre ainsi qu'Eliza Two Pinchard échappe à l'incendie de 1859 et deviendra son aïeule maternelle directe.
Dans cette longue fresque qui court sur 400 ans de l’histoire américaine, Honorée Fanonne Jeffers retrace le parcours d’une famille dont les sangs mêlés font toute la richesse, pour le meilleur mais aussi le pire.
Avec le commerce d’êtres humains qui fit la fortune de fermiers devenus propriétaires en expulsant les indiens, on perçoit clairement les bases viciées de la naissance de la nation. Les multiples tentatives, politiques ou guerrières de redresser la barre, de l’abolition de l’esclavage (qui donnera les lois Jim Crow), à la discrimination positive, (qui laissera un doute perpétuel même pour les étudiants les plus doués), en passant par les innombrables crimes justifiés de foi ou de légitimité, il est difficile de se sortir de ce cercle diabolique.
Le récit alterne les périodes : de nos jours, on recueille les confidences d’Ailey, enfant curieuse puis étudiante brillante qui, malgré les injonctions familiales de poursuivre la lignée familiale en devenant médecin, préfère se passionner pour l’histoire de son pays, liée à celle de sa famille. L’étude de sa généalogie lui réservera de sacrées surprises.
Les chants d’amour qui s’interposent entre les chapitres contemporains, nous replongent au coeur des siècles qui ont vu la conquête de ces territoires convoités . Quel sera le chaînon manquant de cette histoire ?
Le roman est passionnant, chaque facette du récit offre d’excellentes raisons de s’émouvoir et de compatir avec le sort des opprimés. On admire aussi la combativité d’Ailey , et on frémit quand on découvre son histoire personnelle. Tout concourt dans cette fresque à captiver le lecteur. C’est malgré tout un peu long : on aurait éviter des redites en allégeant de deux cent pages, mais le récit vaut tout de même largement le temps passé.
912 pages Les Escales 7 septembre 2023
Traduction (Anglais) Emmanuelle Aronson
#LeschantsdamourdeWoodPlace #NetGalleyFrance
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