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Frédéric Schiffter vit à Biarritz. philosophe, il a longtemps enseigné et a publié pas mal d'essais sur la philosophie et des livres de chroniques. Journées perdues est plutôt dans la seconde case mais avec beaucoup de réflexions autour de son thème de prédilection. A moins que ce thème ne soit simplement lui-même, ou bien ses journées à contempler et faire la sieste... Il est question de tout cela dans cet ouvrage qui est son journal des années 2015 et 2016.
Inégal comme souvent ce genre de livres qui recueillent les pensées du jour, les réflexions et les remarques sur tout sujet. J'ai été emballé dès le départ, et puis mon enthousiasme est retombé au fil des pages. Deux ans, c'est long, j'aurais préféré moitié moins ou dix-huit mois. L'humour et la légèreté qui ouvrent le livre ne le referment pas, il est devenu plus grave, mais il est vrai que les deux années évoquées furent malheureusement riches en actes meurtriers perpétrés par des extrémistes religieux. Frédéric Schiffter en parle beaucoup, d'une manière peu entendue ailleurs : "Une fois de plus, et sans doute pas la dernière, la France a été attaquée par ce que Wilhelm Reich appelait des "petits hommes " atteints de "peste émotionnelle". Ces jeunes pestiférés portent en bandoulière des bombes mais en eux un mélange explosif de hontes : honte de leurs pères, honte de leur situation sociale, honte de leur origine d'ex-colonisés, honte de leur frustration sexuelle, honte de leur religion même -ayant conscience que l'Islam est antinomique avec toute forme de glamour. Comme la voie de la délinquance ne leur a pas donné satisfaction, il leur restait l'option de la vengeance terroriste. Sans cette peste émotionnelle qui les ronge, les sergents recruteurs du djihad n'auraient aucune emprise sur eux. Quand le ressentiment aspire à la grandeur héroïque, ou au martyre, l'ère des carnages commence." (p.79)
Il est aussi beaucoup question de philosophie, et là, je décroche un peu, ce n'est pas le sujet que je préfère, sûrement par manque de culture, je ne vais donc pas en faire plus dessus, sauf citer sa définition du nihiliste qu'on lui reproche parfois d'être : "Je ne dis pas que rien n'existe mais que rien (nihil) n'a d'être, c'est-à-dire de permanence ou de solidité ontologique parce que tout ce qui existe est voué au hasard, au temps, à la mort." (p.103).
J'évoque plus volontiers, la paresse, la flemme, le farniente -ça me parle plus- élevé à un art : "Ce que les embesognés appellent paresser n'est qu'une séance de repos bien mérité avant d'entreprendre la moindre tâche." (p.17) Ce philosophe balnéaire tel qu'il se nomme lui-même aime ne rien faire -et je partage sa passion- non pas par fainéantise mais par goût de la tranquillité, du calme, d'un rythme différent. Il aime aussi les repas entre amis, la littérature, les arts en général.
Le livre de Frédéric Schiffter est à la fois futile et profond, inutile et indispensable. Drôle aussi : "Dimanche, la Schiffterina reçoit un "SMS" de Khadidja, notre femme de ménage, qui lui fait part de sa décision de démissionner. Motif : "Votre mari est toujours dévêtu à la maison et cela m'empêche de travailler." Réponse de la Schiffterina : "Je vous comprends. Ça me fait le même effet." (p.66) Il est l'oeuvre d'un auteur que j'imagine dandy, snob, mais prenez ces termes dans un sens positif, décalé, intemporel, un petit côté désuet qui sied parfaitement à un intellectuel qui, même en prenant position sur des faits actuels se met toujours de côté et exprime une opinion à part, soutenue par ses connaissances et ses lectures des philosophes et des romanciers classiques.
Récréation philosophique ... sympathique ...
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