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Sans qu’il y paraisse, sauf dans ses dernières pages, Eaux lentes sur Venise est un roman crépusculaire – ce qui, peut-être, explique le titre. La République de Venise est, pour l’éternité, la Sérénissime mais au XVIIIe siècle elle n’est plus la Dominante : les lanternes brillent toujours mais les vaisseaux ne règnent plus. Les lanternes brillent sur la vie artistique et la fête : Casanova forge sa légende, Goldoni fonde la comédie italienne qui succède à la "commedia dell’arte", Vivaldi fait triompher la musique baroque, Rousseau secrétaire d’ambassade assiste ébloui à ses concerts (« Quel exotique Monsieur ! On dit que tous les Français sont comme cela »)…
Cette musique est au cœur des activités "della Pietà" (Pio Ospedale della Pietà), institution publique vénitienne – donc religieuse, qui recueille et éduque les orphelin(e)s de la cité. Vivaldi, prêtre (sic), en est le maître de violon ; parmi ses élèves, deux jeunes filles fusionnelles très douées, l’une pour le violon, l’autre pour le chant. Leur journal intime articule le récit, traversé de notes, de transports amoureux, de masques, de mariages et de drames. Françoise Cruz fait revivre avec talent et d’une plume "allegro vivace", la merveilleuse cité « une sorte de labyrinthe où la folie se plaît à vous perdre, à vous guider vers nulle part, seulement vers vos propres obsessions. » Comme tous ceux qui « [se sentent] noués aux tréfonds de Venise comme les pieux dans la vase », j’ai apprécié cette valse lente empreinte de nostalgie.
Une certitude, Venise inspire Françoise Cruz. La Venise rêvée sur fond de carnaval et de musique côtoie une Venise plus sombre. Dans un théâtre d’ombres surgissent Leona et Clemanzia deux orphelines musiciennes liées par une amitié amoureuse.
Que cachent les masques, que savons-nous des uns et des autres et de leurs secrets? Toutes les questions gravitent autour du thème de l’illusion : l’instrument de musique peut-il donner la maîtrise du monde, Vivaldi est-il le plus grand maestro de son temps, les Vénitiens peuvent –t-ils maîtriser l’eau, en résumé vit-on la vie qui nous convient ? Tout ne serait-il pas qu’un carnaval avec son mélange de comédie et de vérité ?
François Cruz amène délicatement ces interrogations au fil des pages comme si elles étaient déposées par la marée.
« Eaux lentes sur Venise « est une belle aventure à partager. La nostalgie persiste lorsque le rideau tombe. Servi par une écriture magnifique, ce livre est à l’image de la vie, une course muable, folle et acrobatique du début à la fin. Le parfum de ces belles émotions vénitiennes est à conserver le plus longtemps possible.
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