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Qui était la personne mieux placée que Françoise Cachin pour entreprendre le catalogue raisonné de Paul Signac ? Probablement personne. Petite-fille du peintre, elle a commencé, il y a plus de quinze ans, la rédaction de cet épais volume. Je rappelle, pour les distraits, qu’un catalogue raisonné est une sorte d’inventaire, le plus complet possible, de la production d’un artiste (peintre, sculpteur, graveur, etc.). Il peut être de taille réduite (celui de Vermeer) ou carrément monumental (Pablo Picasso). Ce type d’ouvrage représente un excellent outil de travail pour une partie des acteurs de l’art (galeristes, antiquaires, commissaires-priseurs, historiens de l’art). En effet, dans une introduction biographique, Françoise Cachin, également historienne de l'art et conservateur du Musée d’Orsay, donne toute sa dimension à son ancêtre, peintre pointilliste, héritier de Georges Seurat. Elle met en évidence, dans de courts chapitres, ses premières œuvres impressionnistes, sa rencontre avec Seurat, ses expériences néo-impressionnistes aux accents symbolistes, sa théorisation de la couleur, ses rapports avec la bourgeoisie et Vincent Van Gogh, ses voyages vers Saint-Tropez, la Bretagne, Venise et Istanbul, son évolution stylistique. Cachin définit Signac comme étant Stendhalien, libertaire et pacifiste. Pour moi, il est très certainement un des liens entre l’impressionnisme et le fauvisme. En effet, Matisse peignit à ses côtés, sous son regard bienveillant. De plus, il est souvent cité comme étant un des précurseurs de l’abstraction picturale.
Puis vient un cahier d’une soixantaine de pages regroupant des reproductions en couleurs et de belle taille de peintures, classées par ordre chronologique, ce qui permet de rapidement visualiser l’évolution de la technique de Signac. Dans les premières toiles, la touche fragmentée se fait large, superposée. Par la suite, elle se réduit, voisine du point mais appliquée moins systématiquement que dans les toiles de Seurat. Il reste un part d’instinct, d’imaginaire et de rêverie chez Signac, s’éloignant imperceptiblement de la théorie.
Un catalogue raisonné est une véritable recherche dans une époque perdu, dans le temps historique. Il est le fruit du travail rigoureux d’un chercheur, subissant l’austérité des bibliothèques, la frustration des archives incomplètes, l’inconsistance des propriétaires successifs. Il est le résultat de dizaines d’années d’enquêtes et de lectures, car il se veut le plus exhaustif possible, en faisant la somme des œuvres (dans ce cas-ci, les tableaux) et leur histoire. Ainsi dans ce CR Signac, il n’y a aucune notice sur les dessins ou les aquarelles, pourtant incontournables dans l’œuvre de cet artiste.
Chaque notice comporte une description physique, datation et un petit historique. Elle est accompagnée par une petite photographie en noir et blanc. 611 peintures sont ainsi classées chronologiquement. La plus grosse part du catalogue, en fait. Une chronologie et une bibliographie parachèvent l’ensemble. Il est certain que cet ouvrage est davantage destiné aux professionnels qu’au grand public : il reste la référence pour circonscrire la peinture de Signac et afin d’éviter les faux très souvent rencontrés lors de ventes. De plus, il a précédé de quelques mois l’exposition « Paul Signac (1863-1935) » de 2001 au Grand Palais, et participa ainsi à la popularité du peintre. Et du pointillisme également, ce que James Ensor appelait la rougeole picturale.
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