"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comment une BD peut être à la fois passionnante et défendre des droits fondamentaux ? Cela, Lanceurs d’alerte de Flore Talamon pour le scénario, Bruno Loth pour le dessin et Corentin Loth pour la couleur, le démontre amplement avec le concours de la Maison des Lanceurs d’alerte.
Dans cette BD hors normes, Flore Talamon m’a emmené à la rencontre de neuf lanceurs d’alerte qu’elle a interviewé en les rencontrant ou en visio, à distance.
Avec des questions précises sans jamais être intrusive, elle permet à chacune et à chacun d’exprimer, de détailler ce qu’ils ont initié et conduit jusqu’à son terme. Chaque témoignage ne se fait pas dans le vide car une fiche conseil complète le récit de celui ou de celle qui a conduit courageusement son action de Lanceur d’alerte.
Après une préface signée Irène Frachon qui a joué un rôle décisif dans l’affaire du Mediator, c’est Karim Ben Ali qui témoigne de son combat pour que cesse la pollution des sols par des acides. En Lorraine, ArcelorMittal en est responsable et il faut être très fort pour s’attaquer à une entreprise pareille, premier fabricant d’acier au monde. Traité de balance, se retrouvant quatre ans sans travail, plus dépression, RSA, Restos du cœur… Il obtient enfin des résultats en 2019, après des mois de lutte.
Raymond Arvillier s’est attaqué aussi à un gros morceau : Alain Carignon, maire de Grenoble. Il voulait privatiser l’eau en échange d’avantages personnels. Des années de lutte sont couronnées de succès face à un homme qui était ministre du gouvernement Balladur. Hélas, cet homme a été réélu conseiller municipal en 2020… 7 300 personnes ayant voté pour lui !
C’est dans le Bordelais que Marie-Lys Ribeyran et Valérie Murat se sont battues contre l’emploi intensif de pesticides dans les vignobles, au détriment de la santé des travailleurs et des habitants. Hélas, elles s’attaquaient à un lobby très puissant et, en février 2021, elles ont été condamnées à payer 125 000 euros par le tribunal de Libourne... En attendant, leur alerte a permis une réduction minime de ces pesticides et une meilleure protection des ouvriers agricoles. Elles ont aussi démontré la supercherie des exploitations à Haute Qualité Environnementale (HQE), jamais contrôlées, contrairement à celles qui sont en Agriculture Biologique (AB).
Amar Benmohamed est officier de police judiciaire à la Préfecture de Police de Paris. Il est profondément choqué par l’attitude de jeunes collègues qui sont racistes, privant les prévenus de leurs droits et leur infligeant de mauvais traitements. Comme d’habitude, ce lanceur d’alerte n’est pas soutenu par sa hiérarchie qui s’en prend à lui plutôt que de régler le problème. Ce n’est qu’en alertant les médias qu’il obtient enfin que ces violations de la loi et du droit cessent.
Après ces quatre premiers exemples sur les neufs détaillés par Flore Talamon, je vais tenter d’être plus bref pour les autres.
Mauricio Garcia Pereira et L214, révèlent de mauvais traitements des animaux dans les abattoirs.
Marine Martin et l’APESAC (Association d’aide aux Parents Souffrant de l’Anti-Convulsivant) ont livré un long combat contre un géant de la pharmacie : SANOFI. Ce puissant laboratoire commercialisait la Depakine sans prévenir les femmes enceintes ou susceptibles de l’être des effets causés par ce médicament prescrit contre l’épilepsie.
De son côté, Philippe Toulouse a dû s’appuyer sur la protection syndicale pour dénoncer les agissements des dirigeants d’une association d’aide aux sans-abri. Ils détournaient l’argent à leur profit.
Elliot, nom d’emprunt, a été licencié. Il avait dénoncé de graves failles de sécurité sur les logiciels de son entreprise, a alerté les autorités publiques, les médias, le Défenseur des droits mais tient à son anonymat car il a retrouvé du travail comme développeur.
Enfin, Maxime Renahy a joué gros en s’attaquant à la fraude et à l’évasion fiscale pratiquée par des multinationales et des particuliers.
Le panorama réalisé de façon vivante par Flore Talamon n’est pas exhaustif mais bien représentatif du courage et des risques pris par les Lanceurs d’alerte. Tous, ils se sont attaqués à bien plus fort et bien plus puissant qu’eux. Sans réussir forcément, ils ont mis en lumière de graves dysfonctionnements, des perversités scandaleuses, actions qui ne resteront pas sans lendemain grâce à cette BD unique en son genre.
De son côté, Bruno Loth, l’illustrateur, a livré des planches vivantes, bien dessinées, avec des couleurs signées Corentin Loth, collant bien au récit, s’adaptant parfaitement aux retours en arrière, contribuant efficacement à une lecture jamais rébarbative du texte.
Les fiches récapitulatives et les glossaires ne négligent aucun détail et servent de référence à toutes les personnes scandalisées, révoltées par les agissements de bien fort qu’elles et qui veulent devenir Lanceurs d’alerte.
Je remercie Vincent qui m’a permis de plonger dans une BD ô combien utile, sans jamais être rébarbative.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Karim, Raymond, Valérie, Mauricio, Philippe.. des citoyens devenus lanceurs d’alerte. 9 chapitres pour autant d’éclaireurs rencontrés par Flore Talamon, 9 cas précis, expliqués, mis en lumière et en dessin par Bruno Loth dans cet album que j’ai trouvé sous le sapin.
Ces citoyens ont un jour été face à un cas de conscience : se taire ou parler … ils ont choisi d’alerter, ce qui n’est pas sans risque : vexations, privations, harcèlement… et pire encore. L’album accompagne chaque cas d’une fiche conseil qui explicite ce qu’il faut retenir pour faire un signalement : s’informer, se protéger, accumuler des preuves, ne pas s’isoler, bien s’entourer…
C’est passionnant bien qu’un peu répétitif à la lecture… Tous ces lanceurs d’alerte s’expriment à cœur ouvert et on est forcément intéressé puis touché par leur courage… et on ne manque pas de s’interroger sur sa propre capacité à devenir un éventuel contre-pouvoir.
Au final, un album très intéressant, instructif et utile. Un visage journalistique et documentaire qui sied décidément plutôt bien à la bande dessinée !
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