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« Le son du daf vient de la fenêtre du quatrième. Je bats des ailes, je tourbillonne, le regard rivé à cette fenêtre qui ne ressemble plus à aucune autre. (Daf : instrument iranien).
« Un oiseau migrateur » a reçu les Prix Yalda, Golchiri et Ispahan. Un oiseau migrateur - traduit en italien, anglais, allemand, turc, kurde et arménien -, est pour la première fois traduit en français.
« Un oiseau migrateur » déploie ses ailes voluptueuses dans ce récit magistral. L’auteure Fariba Vafi est iranienne. Ce livre est donc à l’Iran, à la narratrice (dont on ignore le nom) qui conte sa vie. L’idiosyncrasie qui écarquille ses prunelles. L’écriture est une voix qui s’élève et prend le lecteur (trice) à bras le corps. On est en plongée dans la magnificence d’une langue en l’occurrence cette de Fariba Vafi qui attire l’universelle entre les lignes, à l’instar d’un voile qui se retire subrepticement. C’est déjà le majeur qui se dévoile. On est happé par la lecture, sa maturité et sa transmutation. La capacité hors norme de ressentir en vérité l’histoire d’une famille, d’elle, de son mari Amir et leurs deux enfants. Le sublime d’une cartographie des intériorités, des désirs, des rêves et des sentiments.
« Amir est tourné vers l’avenir. Seul l’avenir le passionne. Il n’aime pas le passé. Surtout pas celui d’une femme qui n’a jamais sauté le mur, fait du vélo, ni joué au foot dans le quartier. »
« Moi non plus, je n’aime pas le passé. Ce qui est regrettable car le passé m’aime bien. »
La narratrice pressent les fissures. Amir rêve du Canada comme d’une carapace à briser. Il est dans le versant d’une quête chimérique qui va vite devenir incontrôlable. La narratrice est pourtant bien plus loin que lui dans cette volonté d’émancipation. La sienne est personnelle, brûlante et féministe. Elle puise en elle, les battements d’aile d’un colibri. L’envol le plus fervent du monde dans cette volonté d’étreindre encore pour un temps la chaleur d’Amir. L’homme qui agit pour le foyer, opératif, courageux mais désespéré.
« Il a fallu des années pour que s’efface dans son corps les traces douloureuses des barbelés à la frontière gréco-turque. Ah ! bénis soient ces barbelés ! Que je les traverse une fois encore et c’est gagné, je ne jette même pas un regard en arrière ! »
Amir est d’ubiquité, d’inconstance. Les regards ne sont plus que des apparences mensongères. Elle : la narratrice devine la fin. Amir n’est plus. Elle voudrait ressentir les frissonnements d’antan.
« Je me réveille en désespoir de cause, et remue toute ma tristesse avec le lait. »
« Mais les nuits tardent à venir et les jours ne savent pas comment finir. Amir poursuit l’avenir. »
« Un oiseau migrateur » est un huis-clos époustouflant. La narratrice est tenace et volontaire. Un fleuve parfois tumultueux, gorgé de colère, un courant d’angoisses. Sa lucidité est une prière, déchirante et contemporaine, « je sens que cette vie s’est mise à trembler » est un pays entier qui bascule sous les affres de l’impondérable des existences meurtries. C’est une femme que l’on aime de toutes nos forces. Son exemplarité est un honneur. Fariba Vafi parle le langage d’un peuple dans un foyer spartiate où les survivances émigrent avant la belle heure théologale. Les fragilités sont les écorces des épreuves.
« La photo revient vers moi. Je pose deux doigts sur la figure du grand échalas pour observer Mahine à nouveau. Elle a les cheveux noirs et frisés. Ses bras sont nus et elle porte des bermudas serrés. J’approche et je recule la photo. Maman me regarde avec étonnement. -Tu ne reconnais donc plus ta sœur ? »
« L’oiseau migrateur » est poignant, sublime. Un grand roman sur le piédestal de la littérature à ne rater sous aucun prétexte.
Elle, l’inoubliable, qui étonne et illumine chaque page. Traduit avec perfection du persan (Iran) par Christophe Balaÿ.
Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.
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