"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bass rock est un roman historique contemplative en Écosse, sur une période du XVIIIème siècle à nos jours, entre observation de la folie des hommes et vie des femmes. Plusieurs destins de femmes, Sarah accusé de sorcellerie, Ruth vivant dans une étrange communauté avec un nouveau mari et une nouvelle maison mais aussi Viviane, toutes ont des choix limités mais la solidarité et l'espoir.
Une lecture compulsive, avec des femmes refusant de se soumettre à la violence des hommes.
Une lecture féministe et féroce. Une lecture captivante et fascinante.
"Ce que toi, tu as fait de plus sensé, dans le cadre de l'idiotie suprême qu'est le mariage, c'était de choisir un époux qui n'avait pas de famille élargie. Bien joué, ma puce."
"Pourquoi toutes ces femmes essaient de ressembler à des cerfs éblouis par des phares ? Pourquoi tous ces hommes veulent se donner l'air de rire trop fort en public ?"
Quand une traduction parvient à rendre diaphane la finesse d'une écriture anglaise, donc à la fois audible et intégrée, le parfum qu'on en retire est à la fois si discret et si envoûtant qu'une fois de plus on regretterait de ne pas aimer lire.
Après Bass Rock, j'avais hâte de retrouver la plume d'Evie Wyld et je n'ai pas été déçue ! J'ai trouvé ce roman très différent de Bass Rock mais tout aussi envoûtant.
Jake s'occupe de ses moutons sur une île en Grande-Bretagne. Qui est-elle ? Comment est-elle arrivée là ? Qui s'attaque à ses moutons ? Que fuit-elle ?
Autant de questions dont les réponses arriveront petit à petit, entraînant parfois d'autres questions.
J'ai retrouvé dans Tous les oiseaux du ciel une atmosphère qui s'infiltre en vous pour ne plus vous lâcher. Il se dégage de ce roman une odeur de soufre, une impression prégnante de doute et de peur, à l'image de l'état d'esprit de Jake.
Cette sensation ne m'a pas quittée de toute ma lecture et m'a poursuivie encore plusieurs jours après.
Le cheminement du roman, au fil des souvenirs de la jeune femme, nous emmène d'Australie à une île isolée de Grande-Bretagne ; les recoupements et liens nous interpellent, attirent notre attention. C'est peu dire que j'ai aimé me laisser prendre dans cette construction brillante et tortueuse.
Pour terminer sur une impression très personnelle, le dernier tiers du roman a éveillé en moi le souvenir de Débâcle de Lize Spit, un roman qui m'a marquée durablement.
Un vent noir souffle sur les côtes déchiquetées du North Berwick en Ecosse.
Le paysage fascinant et troublant des falaises de Bass Rock a le goût des embruns et de la mort. Et quelle étrange coïncidence, je commence ma lecture en apprenant qu’un projet de loi sera déposé cet été au Parlement écossais pour innocenter les milliers de femmes accusées de sorcellerie et condamnées au bûcher entre le XVI et le XVIII ième (en Ecosse mais partout aussi dans l’Europe actuelle). Un féminicide généralisé qui ne dit pas encore son nom.
North Berwick justement. C’est le paysage sauvage, particulièrement déroutant où nous emmène Evie Wyld , c’est aussi le siège malheureux de la première chasse aux sorcières en 1590.
Comme un château hanté sur ces siècles d’histoire, la demeure victorienne des Hamilton est le fantôme d’une lignée de femmes appelées à se soulever des violences domestiques et sexuelles qu’elles subissent.
C’est un roman très fort, il bouscule les repères et les liens du sang pour suivre Ruth après la deuxième guerre mondiale et Viviane aujourd’hui liées toutes deux à la demeure comme Sarah au 18ième siècle.
J’ai beaucoup aimé ces allers-retours abrupts entre passé et présent, qui s’entrechoquent et bravent les années et les siècles à n’en plus savoir où l’on est et qui parle.
Un roman choral mais qui parle d’une seul voix de la farouche ardeur des femmes à dire non, à faire valoir leurs choix malgré les risques d’enfermement et de de mort, à se défaire d’une culture qui pèse sur leurs épaules de génération en génération comme le lot des « chatouilles ». Un héritage que les femmes ne veulent plus transmettre.
Un roman hanté par le sort des femmes. Il parle des femmes sorcières d’aujourd’hui dans le sens noble du terme mais il n’est pas contre les hommes pour preuve les beaux portraits de Michaël et de Christopher. Christopher est le seul à pouvoir donner quelques clefs de compréhension et de sagesse en parlant de Ruth à Viviane. Michaël est l’homme qui répare et réconcilie, il est le lien du sang et du cœur, le grand-père de Vanessa.
J’ai vraiment aimé ce roman à la fois gothique et moderne. C’est un mélange diablement attirant par son côte historique ancré dans une maison et par son regard sur la femme d’aujourd’hui dans une mise en scène haletante comme un thriller.
Un roman qui distrait sans oublier la guerre en Ukraine.
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