"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les conséquences de la chute de Napoléon et de son exil à Sainte-Hélène ont provoqué le désespoir de ses soldats et officiers. Le capitaine Allard et le maréchal des logis Ventura, deux principaux personnages du roman d’Éric Deschodt, Penjab, vont aller chercher en Inde une sorte d'accomplissement qui est leur est dénié dans le cadre de la Sainte-Alliance qui dresse « les rois contre les peuples ».
En effet, un autre empire ne cesse de s’étendre, il est situé au pied de l’Himalaya entre l’Hindoustan et l’Afghanistan. C’est l'empire Sikh du Penjab, dirigé par Ranjit Singh, maharadjah de Lahore. Ces deux officiers, dont la curiosité intellectuelle est grande vont rejoindre pour parfaire l’organisation de l’armée de cet empire en pleine expansion. Mais qui sont-ils ? Pour le savoir, Allard et Ventura font appel à Baroud Singh Ahluwalia, un érudit local :
« Le mot Sikh vient du sanscrit. Il signifie « disciple ». Nous sommes les disciples du Guru Nanak, né au Penjab en 1469, fils d’un riche négociant. Le message tient en quatre mots : un seul Dieu, égalité, altruisme et tolérance. (….) Sikh et altruiste sont synonymes. Le vrai Sikh n'agit que pour Dieu et pour son prochain. La paix est le bien suprême. »
La réorganisation de l’armée de l’Empire Sikh se poursuit, Allard et Ventura reçoivent des renforts en la personne de Claude-Auguste Court et de Paolo Di Avitabile, également anciens de la Grande Armée. Ils ne se doutent pas encore qu’ils formeront le quatuor qui va transformer définitivement la puissance militaire du Penjab par le renforcement de l’artillerie.
L’un des passages les plus significatifs du roman est celui où Ranjit Singh se pose la question de l’explication de la supériorité de l’Occident .Sans trouver de réponse convaincante ni définitive-il n’est pas un homme dogmatique : « Cette digression abandonnée pour ne pas y épuiser le reste de ses jours, il revenait au fond de la question : hégémonie et christianisme sont-ils liés ? La puissance matérielle dépend-elle du spirituel ? »
Le roman caractérise bien la situation de ces quatre idéalistes, cherchant sur le continent indien une concrétisation de leurs aspirations : « Après 1815, ils refaisaient leur vie de manière à réduire autant que possible le gouffre qui séparait leurs grandes années de la misère présente eue Europe. Misère morale, la seule qui compte. »
Beau roman, qui s’inscrit dans l’esprit des Trois Mousquetaires de Dumas .Il fait partager aussi, et c’est essentiel, les interférences et liens forts entre êtres humains issus de civilisations différentes.
Deux familles, l’une est américaine : les Vanderbibt, l’autre est française : les Lebleu. Iphigénie, fille américaine va épouser Henri Lebleu. De part et d’autre de l’atlantique, beaucoup de réticence pour ce mariage Mme Lebleu a une vision négative des Américaines : « Elles veulent être heureuses du matin au soir. Une fois retombé les premiers élans, elles ne pensent qu’à l’argent. Ne pardonnent rien, ne font grâce de rien. Les hommes sont des vaches à lait. Elles les traient, puis les jettent en réclamant des pensions énormes, qu’elles obtiennent toujours. Je ne te vois pas en vache à lait » dit-elle à son fils Aux Etats Unis pas plus de joies à recevoir un français au sein de leur famille : « Un français ? s’exclama Jack Vanderbilt, c’est impossible, la France a toujours été antiaméricaine. Une nation légère, endettée, incapable de grands desseins, dont l’histoire est une suite permanente d’échecs lamentables et infamants… Voilà le ton est donné. L’histoire commence fin des années 60 avec beaucoup de références sur des événements soient religieux, politiques, culturels…Nous passons de Napoléon à Jeanne Calment, de la mythologie à la guerre au Vietnam, du 11 septembre à Kadhafi…Une rétrospective des deux pays. Un portrait savoureux de Giscard d’Estaing comparé à un arriviste méticuleux, narcissique et réfrigéré. Puis nous arrivons en 2011, « les soubresauts du Président Sarkozy, qui ne semble pas bien où donner de la tête, sans doute s’agit-il d’une ruse…Hélas ses concurrents s’il se présente en 2012, ne paraissent pas savoir mieux que lui comment faire avancer la France et les Français, certes la tâche est surhumaine … » « A Washington, le Président Obama ne semble présider qu’à l’érosion de la puissance Américaine. Le déficit se creuse toujours, la misère ne recule pas, les bénéfices de la finance dépassent les sommets de l’énorme crise que ses maîtres ont provoquée ; la prochaine, qui sera proche, la dépassera paraît-il de loin… » J’ai beaucoup aimé, la comparaison entre les deux pays, l’un étant « le plus puissant du monde » avec une population allant de l’avant mais fort affecté aujourd’hui par les attentats du 11 septembre qui ont mis le doute dans l’esprit des habitants sur leur suprématie et leur invulnérabilité. Et de l’autre côté de l’atlantique, la France dans cette Europe vieillissante, qui stagne voir régresse et ne sait pas trouver des solutions pour avancer… Le jeune couple du départ sera heureux, les aprioris tomberont, leurs enfants épouseront des hommes ou des femmes de différents pays. Voici la dernière phrase de l’auteur : Où s’arrêtera l’expansion de la famille ? Quand sera-t-elle vraiment mondiale et son métissage parfait ? Infinies perspectives… Que de livres à écrire… » Je l’ai ressenti comme un livre nous invitant à accepter les métissages, les différences de culture afin de nous offrir une ouverture inestimable vers les autres, nous comprendre et nous accepter tels que nous sommes.
L'histoire commence à la fin des années 60 par la rencontre d'Henri, un jeune polytechnicien issu d'une famille bourgeoise et Iphigénie, une jeune américaine qui fait ses études à Paris.
Ce mariage est avant tout l'occasion pour l'auteur de dresser une peinture sociale et politique de la France et des États-Unis de cette période à nos jours.
la plume d'Eric Deschodt est fine, perspicace, actuelle et j'aime particulièrement son ton badin et ses réflexions sur la politique, la religion et la bourgeoisie.
C'est un roman dynamique qui laisse une large place aux dialogues et aux références culturelles. Un simple mot et l'auteur digresse pour parler du roman Lolita, de Pascal, de Balzac, de Godard, d'un pape ou d'un empereur romain.
Bien évidemment la rencontre des deux pays est l'occasion de rappeler quelques clichés sur l'Amérique conquérante, invaincue ou sur la France vieillissante et plaintive.
" La France, c'est deux mille ans de combat, l'Amérique deux cents de facilité."
L'auteur évoque la guerre du Vietnam, la lutte contre Sadam Hussein, le terrorisme, le Rainbow Warrior et l'élection de Mitterrand qui vaut un passage truculent sur la réaction à chaud dans le milieu bourgeois.
" Pourquoi pas la Belgique? C'est encore plus près que la Suisse. Le fisc y est amical. On y mange bien, on y boit bien. Ils ont Béjart..."
Certains peuvent regretter tant de digressions au détriment de l'histoire de base des familles Lebleu et Vanderbilt. En tout cas, ce ne fut pas mon cas car la vision de l'auteur reste suffisamment ironique et légère, en étant toutefois efficace et perspicace.
L'épilogue annonce une ouverture sur la politique actuelle et une expansion européenne de la famille Lebleu-Vanderbilt.
Un roman différent à découvrir.
A travers ses deux personnages principaux auxquels il faut ajouter leurs parents, Eric Deschodt raconte quarante ans de l'histoire franco-américaine vue par des bourgeois. Parce que c'est aussi une chronique de la bourgeoisie : ces gens-là ne se fréquentent, ne se marient et ne se reproduisent qu'entre eux. Même les parents d'Iphigénie, moins guindés, moins engoncés dans les habitudes de cette catégorie venues du fond des âges dans la vieille Europe, venant d'un pays aux usages moins vieillots n'auraient pas accepté que leur fille épouse un garçon sans avenir. Déjà, un Français, ils ont eu du mal !
Passons tout de suite aux choses qui fâchent, histoire de finir sur une bonne note : je trouve pas mal de longueurs, sur la fin notamment à ce roman. Peut-être l'auteur aurait-il dû se limiter à la période qui court de 1968 au milieu des années 80 qui fait la plus grosse partie de son livre, la plus intéressante aussi ? Le reste, les 80/90 dernières pages me semblent moins pertinentes, moins développées ; elles se lisent plus vite, voire même en passant quelques paragraphes.
Par contre, les 250 pages qui précèdent sont excellentes ! Une ouverture en fanfare avec un dialogue savoureux
Comme le livre est beaucoup dialogué, vous comprendrez mon enthousiasme. En outre, Eric Deschodt joue sur l'antagonisme entre Français et Américains, les Français, fins et cultivés et les Etats-uniens, plus directs et prosaïques. Jack est en cela un archétype de l'Américain moyen, pas très cultivé, mais ayant réussi dans les affaires, marié à une femme gréco-américaine qui lui offre ce qu'il n'a pas. L'auteur se fait plaisir à leur prêter des propos - à eux, comme à Paul et Anne, les parents d'Henri- à l'emporte-pièce pour mieux ensuite en rire, les démonter ou les démontrer. Parce que ce qui est bien également, c'est qu'Eric Deschodt ne se prive pas d'intervenir dans son roman, donnant ici ou là son avis, son analyse de la situation politique ou économique. Tout le monde en prend pour son grade, surtout les deux présidents qui englobent la plus grande partie de son roman : Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand. Sa manière de raconter la soirée du 10 mai 1981 -l'élection de François Mitterrand, je le rappelle pour les plus jeunes d'entre vous- dans ce milieu bourgeois est un régal
Si je ne craignais pas de faire trop long -et de perdre en route la moitié de mon lectorat, soit en tout deux personnes- je pourrais ajouter que ce roman est fort bien documenté, qu'il est plein d'anecdotes, d'histoires, de références littéraires, historiques qui donnent l'impression au lecteur de sortir de ce livre un peu plus intelligent qu'il n'y est entré (qui a dit qu'avec moi il y avait de la marge ? Pas très charitables les deux lecteurs qu'il me reste !)
Honte à moi, je n'avais jamais lu de livre d'Eric Deschodt avant ! Je ne puis donc comparer, mais ce que je puis dire c'est qu'on sent qu'il est un analyste très fin de la société, à la fois capable d'exprimer des opinions claires et de prendre de la distance pour extraire de son observation énormément de drôlerie, d'ironie, de culture et de malice.
Aux tenants d'une "bonne" littérature qui ne pourrait être que sombre, noire ou triste -j'en connais- j'opposerai tout de suite ce roman drôle, profond, extrêmement bien écrit qu'ils se doivent absolument de lire pour que leurs convictions vacillent voire s'effondrent totalement.
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