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J’ai aimé Anna, au début, jeune femme tout juste sortie de sa fac de philo et qui se retrouve chez Pôle Emploi.
J’ai aimé le regard qu’elle porte sur la société, toutes les citations de philosophes et les concepts qu’elle utilise, sans que cela lui serve à grand chose.
J’ai aimé que son premier job consiste à faire des signes au public d’un show télé, comme si le public avait besoin qu’on lui dise comment réagir.
J’ai moins aimé ma lecture à partir du moment où son petit ami crache des billets : Anna devient alors complètement matérialiste, trop. Et elle m’a énervée.
J’ai eu de la peine pour son amie qui prépare le CAPES et qui l’appelle à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour lui demander des éclaircissements sur le Dasein ou La Phénoménologie de l’Esprit.
En refermant ce roman, je dois dire que j’ai aimé ce qu’il dit de l’Amour et de notre société moderne.
L’image que je retiendrai :
Celle du gimmick du père d’Anna qui lui fait des crêpes quoi qu’il se passe (bonheur ou chagrin).
Anna a eu une note canon à son mémoire de fin d’étude. Son master philo en poche, elle peut rechercher un emploi. C’est la consternation quand sa conseillère Pôle emploi lui annonce que ses études et son diplôme de philosophie ne valent rien sur le marché du travail. « Elle déployait une énergie folle pour chercher un poste ne nécessitant aucune compétence. » Résultat : la conseillère lui propose un emploi de chauffeuse de salle sur le plateau d’une émission télé. Anna est alors chargée des gestuelles pour commander le rire ou les applaudissements du public. Son copain Lulu est smicard lui aussi, défiant fièrement la société de consommation. Tout change quand Lulu se met subitement à vomir des billets de banque. Anna est très tentée par la nouvelle vie qui se présente à eux. Ils s’offrent des restaurants, des objets de luxe et déménagent dans un nouvel appartement spacieux. Anna est ravie d’être maintenant considérée et de côtoyer l’élite. Ces vomissements répétés altèrent la santé de Lulu mais comme il aime Anna, il accepte l’étrange situation... Jusqu’au jour où le flux se tarie et que des tensions apparaissent dans le couple.
Le gentil et modeste Lulu, réparateur pour trois fois rien d’appareils en panne, vomit des billets de banque… Bien pratique quand on a une copine diplômée de philosophie qui souhaite réaliser ses rêves de reconnaissance sociale, bien plus compliqué pour lui. Cette trame du roman pourrait être risquée mais l’autrice passe sans problème la barre du réalisme, elle m’a entraîné facilement dans cette épopée. Il faut avoir une sacré écriture pour attirer le lecteur dans cette folie (volontairement je ne dévoile pas le cours de l’histoire et ses surprises). Emma Tholozan a ce qu’il faut de ce côté là. Elle invente des mots – interphoner par exemple –, des associations d’idées, fait se rencontrer le banal et des idées philo captivantes, ça part fort et monte encore jusqu’à la fin. J’en aurais bien lu davantage.
Les personnages sont attachants et drôles : Sophie, la copine qui demande de l’aide à Anna pour passer le capes – au moins son diplôme de philo sert à quelque chose, aider les copines ; Adam Lesieur, le gars dont elle tombe amoureuse ; Véronica et son mari à Tahiti ; Marc et Bertrand à l’émission de télévision ; Vladimir et Estragon, des oiseaux inséparables, comme le sont Anna et Lulu...
Le texte est parsemé de citations de philo décalées. On a un grand écart incroyable entre philosophie, société actuelle et calembours. C’est une magnifique fable sur l’argent et son pouvoir d’addiction revisitant La Poule aux œufs d’or de Jean de La Fontaine. J’ai aussi pensé à La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac. Parsemé de références actuelles et sous cette jolie plume, c’est délicieux !
Emma Tholozan a vingt-six ans. Elle est écrivaine et assistante d'édition aux Éditions des Femmes. J’ai eu le plaisir de découvrir ce premier roman Le rire des autres dans le cadre des sélections pour le Prix Orange du livre 2024 et ce fut une très belle rencontre ! On sent l’urgence de l’écriture, une avalanche d’idées, l’impertinence de la jeunesse sans suivre un mode d’emploi pour accéder au succès. Elle revendique ses propres valeurs, utilisant l’humour pour frapper fort, indirectement. Elle ne fuit pas le réel mais l’affronte : conditions de travail indignes, mépris de la culture, classes sociales privilégiées, glorification de l’argent partout.... D’ailleurs elle a vécu en grande partie ce qu’elle décrit ayant elle même suivi un cursus de philosophie.
J’ai adoré, riant aux éclats devant mon livre tout au long de la lecture. Un conseil, mettez le dans vos bagages pour les vacances ! Et vous, quels romans vous ont fait rire aux éclats ces derniers temps ?
L’homme qui vomissait des euros
C’est vers le fantastique que penche le premier roman d’Emma Tholozan. En imaginant un jeune homme crachant des euros, elle nous offre un conte saisissant sur le statut social, la soif de réussir, le pouvoir de l’argent.
C'est à Pôle emploi, rebaptisé aujourd'hui France travail, que commence ce roman vif et joliment construit. On y croise Anna, diplômée en philosophie, face à une conseillère qui lui explique que sa formation ne l’aidera pas dans sa recherche d’emploi. Le mieux qu’elle puisse lui proposer est un poste de chauffeuse de salle pour une émission de télévision. Sans vraiment savoir de quoi il en retourne, elle se présente aux studios d'enregistrement et comprend qu'elle doit faire applaudir et rire le public de l'émission. Une tâche épuisante – on enregistre quatre émissions à la suite – mais dont elle s’acquitte avec assez de talent pour conserver son job.
C’est dans les bras de Lulu, son compagnon, qu’elle va pouvoir se consoler. Le jeune homme d’un naturel optimiste avait emménagé chez elle et mettait un point d'honneur à payer la moitié du loyer, même si son travail ne lui rapportait pas beaucoup. «Il réparait un tas de bidules hétéroclites. Autoentrepreneur de la débrouille. Le matin, après avoir pris son café, il mettait de la musique classique et je voyais ses grandes mains s’agiter. Pince. Mozart. Tournevis. Schubert. Perceuse. Beethoven. Ponceuse. Mahler, C'était un vrai arsenal. Lulu n'avait pas de spécialité. Un touche-à-tout. Aucune machine ne lui résistait. Parfois, il rapportait un truc qui n’avait plus d'apparence. Méconnaissable. J’allais me doucher et quand je revenais, je m'apercevais que c'était un grille-pain. Comme neuf.»
Une situation précaire, mais qui va brutalement changer quand une chose insensée se produit: Lulu a craché un billet de banque. Une fois séché et contrôlé quant à son authenticité, ledit billet va offrir de nouvelles perspectives au couple. Car il suffit à Lulu de vomir pour que les euros s’accumulent. Anna ne se pose pas trop de questions et encourage Lulu à rendre des sommes de plus en plus importantes afin de pouvoir céder aux sirènes de la consommation. Autant profiter de cette aubaine tant qu’elle dure!
Ce conte sur la place de l’argent dans un couple vire alors de la comédie au drame. Entre les envies d’Anna et les interrogations de Lulu, entre des besoins de plus en plus importants de l’une et la peur d’un problème de santé pour l’autre.
Emma Tholozan a construit son premier roman comme un conte fantastique qui nous offre de réfléchir à la place de l’argent et au-delà, aux valeurs qui guident – ou pas – notre existence. Avec humour, elle raconte ce délitement progressif, ce fossé qui se creuse entre les aspirations d’une jeune femme qui entend se prouver qu’elle est quelqu’un – une intellectuelle – qui mérite sa place dans les hautes sphères de la société et un jeune homme pragmatique – le manuel – qui se satisfait parfaitement de ce qu’il a et de ce qu’il construit de ses mains. Deux conceptions qui, jusqu’à l’épilogue, vont s’affronter avec des arguments plus ou moins convaincants. Un premier roman réussi.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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Premier roman découvert via le Prix Orange, « Le Rire des Autres » nous conte l’histoire d’Anna, qui cherche un emploi après des études de philosophie. Sa conseillère Pôle Emploi lui propose un curieux travail : chauffeuse de salle pour des enregistrements d’émissions de télé. Dans une soirée, elle rencontre Lulu, qui gagne sa vie en réparant des objets. Tous deux tombent amoureux et emménagent ensemble, vivant petitement avec leurs salaires modestes, mais heureux. Mais un jour, Lulu se met à vomir… des billets de banque. L’heure est venue de changer de vie …
J’ai été agréablement surprise par ce livre frais et original, qui pose des questions que l’on peut tous se poser : jusqu’où irait-on pour de l’argent facile ? Surtout quand celui-ci est produit à foison et permet d’accéder à « tout ce qui brille ». Un dilemme auquel est confrontée Anna, elle qui a un job payé des clopinettes dans un monde de paillettes, elle qui a été élevée avec le goût du paraître, elle qui, via ses études aurait pu être un transfuge social et se retrouve avec des fins de mois difficiles …
Le livre oscille entre plusieurs genres (quelques scènes sont même un peu gore …) autour d’un duo attachant: Lulu, un être sincère qui tente de garder les pieds sur terre, et Anna, agaçante, mais dont on peut comprendre le comportement.
Ce court roman a été une belle découverte, Emma Tholozan est une autrice à suivre !
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