"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Aurore, au crépuscule de sa vie, écrit à son fils pour revenir sur les grandes étapes de sa vie.
Jeune niçoise, qui à la libération tombe amoureuse d'un américain, et qui le rejoint en 1947 ; il ne l'aura pas attendu.
Nous voilà partis pour plusieurs dizaines d'années de la vie d'une femme libre ; elle paiera cher cette liberté.
Il est question de patriarcat, de féminisme, d'amitié, de ségrégation et d'émancipation.
Aurore sera confrontée à une grossesse non-désirée, aux impacts d'avortements, au harcèlement sexuel et au déshonneur.
L'écriture de l'auteure rend parfaitement cette vie faite de labeur, de difficultés, de chagrins mais aussi d'un peu d'amour, de vent de liberté, d'accompagnement du féminisme, de lutte pour les droits civiques.
Cette Amérique puritaine, ségrégationniste mais aussi parfois avant-gardiste est dépeinte avec précision.
Ce retour en arrière sur toute une vie est certes empreinte de nostalgie mais se lit malgré tout d'une traite et avec plaisir.
Nous sommes en 1947, Aurore vit à Nice avec ses parents, elle tombe amoureuse de Martin, beau soldat américain, qu'elle va suivre jusqu'au États-Unis, pays plein de promesses. Ce qui devait être un rêve américain, s'avère être une désillusion. Aurore persistera, elle tentera de lutter contre ses peurs, notamment face à la discrimination raciale, et en pleine bataille pour le droit des femmes. A plusieurs reprises, elle s'effondrera, jusqu'au jour où elle se relèvera pour elle-même.
Un beau portrait de femme amoureuse.
Émilie Houssa s’empare d’un personnage secondaire du film de Blake Edwards, Victor Victoria et décide d’inventer une vie à Squash Bernstein, ce garde du corps que l’on voit à peine dans le film, si ce n’est sur des arrière-plans ou lors de cette scène où il patiente sous la neige sur un balcon.
« Ce personnage garde les corps des autres mais ne sait pas se garder lui-même »
L’auteur change une lettre au prénom et fait naître Squatsh Bernstein dans une ferme française en 1942, là où la famille s’est cachée chez Marie-Josée.
En 1945, les Bernstein s’installent à Belleville. Simon, le père ouvre un commerce de toiles cirées aidée par sa femme Martha. Ils ont trois enfants, Ludovic, Squatsh et Marie.
Depuis la mort en couches de Marie-Josée, Squatsch est mélancolique. Il aime s’isoler, surprotège sa petite soeur. Il fait de la danse puis de la boxe et surprend son corps à réagir anormalement face aux beaux garçons.
Mobilisé en Algérie, Ludovic confie sa fiancée, Geneviève à Squatsh. Il sera le porteur de nouvelles et le témoin de sa descendance. Mais, on ne peut pas être mère célibataire à cette époque. Geneviève se marie et quitte le quartier. Squatsh invente une vie pour protéger son frère.
Protéger les autres pour ne pas penser à soi-même, voilà son objectif. Malheureusement, il n’empêchera pas la mort de jalonner sa vie.
« Il ne s’agit pas de s’en remettre
Non, il s’agit de vivre, c’est bien plus compliqué. »
Oui, la vie est compliquée pour Squatsh Bernstein. Altruiste, émotif et déterminé à la fois, il porte son monde pour oublier ce qu’il ne comprend pas chez lui, ce qui lui fait peur.
Ce qu’il conseille à sa sœur est la façon dont il doit lui même envisager sa vie. Même si il peine à vivre son homosexualité.
« Tu seras toujours ici dans cette tristesse et cet amour, mais tu seras ailleurs aussi. Et tu seras forte de ce décalage, ce sera ton histoire. »
A défaut de comprendre son corps, il sera garde du corps.
Emilie Houssa s’inspire d’un personnage de comédie, en débutant par le monde de l’enfance. Son ton reflète la naïveté de la jeunesse et l’humour de son personnage. Dans un style fluide et narratif, elle nous entraîne dans le quotidien perturbé de cette famille sous l’œil d’un jeune garçon en proie à la compréhension de son corps et de la vie. L’auteur insiste peut-être un peu trop sur la force du destin en fin de roman mais la sensibilité et le sourire, toujours présents m’ont fait oublier cet acharnement.
Un premier roman original agréable à lire.
Un petit bijou de premier roman.
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