"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L’un de mes derniers achats en librairie, c’est ce titre Diana Filippova paru chez Albin Michel : elle est déjà l’autrice de plusieurs essais et d’un premier roman. C’est un essai pour lequel elle revient sur la difficulté à être russe aujourd’hui en tant que femme issue d’un pays qui a déclaré une guerre à son voisin. Cet essai, tout à fait accessible, peut se mettre en parallèle avec le roman graphique lu il y a peu de temps À quoi pensent les Russes ? Diana Filippova est née en 1986 à Moscou et elle a quitté son pays d’origine depuis longtemps, elle parle comme elle écrit le français, parfaitement, il n’empêche que l’éducation soviétique et russe reste définitivement ancrée en elle. Elle est très active dans la vie politique nationale et parisienne de la gauche, aux côtés de Raphaël Glucksmann et Anne Hidalgo.
Diana Filippova est arrivée en France en 1993, soit à l’âge de six ans, trois ans après que l’union soviétique a disparu, les souvenirs ont commencé à prendre un peu de poussière avec le temps, mais ils sont bien là, la langue est bien enracinée, l’éducation aussi. L’auteure nous explique sa relation avec son pays d’origine, et explique son pays d’origine, surtout la façon dont elle vit cette double nationalité officieuse, officiellement française, devenue un poids avec l’envahissement de la Russie dans son pays voisin. Qui de mieux placée qu’elle pour démonter les mensonges dont sont assommés chaque jour qui passe les Russes par le gouvernement. D’entrée de jeu, elle appuie fort en s’attaquant à Pouchkine, la figure tutélaire de la littérature russe, dont elle rappelle ironiquement le métissage n’en déplaise aux idées du Président et de sa cohorte de sous-fifres. Plus loin, on pourra apprécier le tacle bien senti à Zakhar Prilépine, le littérateur pro poutine, dont on ne voit plus guère les titres sur les étals des librairies.
De tous ces réajustements qu’elle effectue entre réalité et tous les présupposés de ce qu’est la Russie et le citoyen russe, ce premier réajustement, où en tant qu’exilée, elle explique le métissage helléno-russe qui est le sien, le métissage des habitants de la fédération de Russie et de ses républiques, marque le début de son retour sur son passé. De sa russéité, elle l’évoque comme son héritage, et la mémoire familiale, son profil inné face à la vie qu’elle s’est construite en France, tout son acquis. Une identité bicéphale qu’elle a gérée jusqu’ici en laissant de côté tout ce qui constitue son identité russe, mais qui lui est revenu en pleine figure lors de la déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine. C’est l’occasion pour elle de rappeler ce qu’elle partage d’autres, hormis le dépit de partager la même nationalité que leur dictateur de président.
C’est une mine d’information que l’on lit ici, ce qui tourne autour plus ou moins lointain de la discrimination, l’un des arcs de la politique autoritaire de Poutine, ukrainiens et homosexuels, est une tradition ancienne, qui déjà en URSS se nommaient les handicapés du groupe 5, soient les personnes d’origine étrangères. L’un des buts de l’autrice consiste aussi à tenter de faire comprendre le pays qui fut le sien, la façon dont le peuple russe a été malmené et continue d’être manipulé par un Vladimir Poutine démagogue, belliqueux, nationaliste et impérialiste. Son récit est d’une clarté et d’une richesse incroyables et a le mérite de déblayer la vision française que l’on peut avoir aujourd’hui du pays, de ses habitants. Ce récit d’anamnèse et de synthèse fait énormément appel aux références littéraires russes connues : Pouchkine, j’en ai parlé plus haut, mais aussi Dostoïevski, auquel Poutine a emprunté le titre de l’un de ses romans pour manipuler les foules Humiliés et Offensés, quoi en effet de plus fédérateur que l’un des auteurs les plus lus ? Elle explique en effet, qu’en Russie la littérature est politique, elle rappelle que Pouchkine était décembriste, et Ossip Mandelstam, Marina Tsvataieva, son admiration pour la faculté de Vladimir Nabokov à s’être réinventé en anglais, la vision de la capitale russe issue de Le maître et Marguerite de Boulgakov.
Incidemment, je viens d’apprendre l’existence du groupe de rock russe DDT avec le roman graphique de Nicolas Wild, Diana Filippova évoque de son côté l’une des chansons du groupe sortie en 1991 et qui parle de la Russie en des termes pas vraiment glorieux pour le pays, mais franc de collier. Trente ans après le groupe et son chanteur ont encore moins changé leur discours, lequel s’est radicalisé parallèlement avec la politique menée par les gouvernants. Avec toutes les analyses auxquelles on a eu droit sur la Russie, son histoire, son dirigeant et ses décisions, sa politique, avec des experts en tout genre, le mieux c’est encore de lire l’analyse de Diana Filippova. Une exégèse qui se fonde sur son histoire personnelle, de son enfance là-bas à son exil en France, sa longue et difficile intégration, et la double culture qui est la sienne (...)
Le titre illustre bien les deux thèmes récurrents de cette dystopie. L’amour, sentiment puissant et envahissant mais aussi sexe sans limite.
Dans la cité séparée par un mur de la multitude, Valentin et sa mère sont des sans papiers, des sans nom, puisqu’ils y sont entrés par effraction. Mais Valentin nourrit des ambitions autres que celle de ne pas se faire prendre. Il vise le pouvoir. Dans cette société qui revendique l’Ordre et le réel, il tente par toutes les voies possibles de se frayer un chemin pour atteindre son but. Les rencontres l’aident ou l’entravent mais il poursuit sa route.
Le chaos menace, les sources d’information ne sont pas fiables, les mémoires sont inhibées, et la violence sévit partout, justifiée de sauvegarde de l’élite.
C’est un roman sans concession, sans faux semblants. Une immersion dans une société totalitaire, à une époque indéterminée, et les techniques de contrôle de la pensée ne sont pas précisées.
On y vit dans un effroi permanent, avec un doute général sur la probité de ses interlocuteurs. Peut-être un peu trop, de « je le savais mais je n’ai rien dit », qui facilite les retournements.
Construit selon le schéma classique de la Cité protégée d’un peuple ignoré, ce premier roman est assez marquant par son écriture réaliste.
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