"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« La force des femmes » est un récit fascinant et bouleversant sur le viol et ses conséquences dévastatrices. Dénis Mukwege est un gynécologue et chirurgien qui consacre sa vie aux victimes de violences sexuelles du Congo. Il nous raconte tout, il y a de nombreux témoignages déchirants mais tellement utiles pour comprendre( il faut quand même avoir le cœur bien accroché!) mais il nous informe aussi sur l’état des violences sexuelles partout dans le monde. Plusieurs fois victime de tentatives de meurtre, il continue malgré tout à lutter. Un homme féministe courageux a l’image des femmes qu’il soigne sans répit. A lire absolument!
Dénis Mukwege retourne au Congo « belge » pour réparer les femmes violees et abîmées par des hommes soutenus par le gouvernement Malgré de nombreuses interventions auprès des autorités du pays et internationales ce médecin très concerné ne réussit pas à tout faire !
Livre fondamental écrit par le Docteur Dénis Mukwege , prix Nobel de la Paix en 2018.
L'auteur est congolais, la République démocratique du Congo très riche en minerais est paradoxalement un des pays les plus pauvres du monde car la corruption y est généralisée.Dans les zones riveraines du Rwanda et du Burundi, les conséquences des guerres ethniques sont vécues à travers des invasions et des massacres. Nombreuses sont les femmes congolaises atrocement violees par des soldats rwandais pour qui le viol est une arme de guerre.
Les victimes sont stigmatisées , rejetées , répudiées car au Congo, le système patriarcal façonne tout y compris les politiques menées,
Dans son livre en grande partie autobiographique, Dénis Mukwege relate ses expériences et son cheminement vers une conscience féministe qui le conduit à « réparer « de façon de plus en plus complète les femmes.
L'auteur naît en 1955 à l'époque où l'accouchement est « une grande loterie « , dans une colonie belge, largement ségrégée.La gouvernance belge prend fin en 1960 mais l'époque coloniale a détruit les structures anciennes , en particulier le troc géré par les femmes.La monétisation des échanges sera le domaine des hommes et ils prendront alors le pouvoir.
Soutenu par sa mère, l'auteur part faire ses études de médecine au Burundi, s'oriente vers la gynécologie obstétrique à Angers et n'a de cesse de retour au Congo de « réparer « des femmes violées dans un hôpital construit grâce aux fonds versés par des missions religieuses.
C'est une prise en charge globale des victimes qui se met peu à peu en place, les femmes osent briser le silence.
Le médecin intervient à La Tribune de l'ONU mais depuis 2013 il vit au Congo sous la protection des Nations Unies car sa prise en charge des femmes , la libération de leur parole,est une menace pour des puissants..,.
C’est une analyse maîtrisée, argumentée de la condition des femmes au Congo que nous propose le docteur Mukwege, gynécologue-obstétricien dans la maternité de Panzi.
Une analyse intellectuelle, basée sur son expérience professionnelle, sa recherche de rapports documentés et chiffrés mais aussi une analyse par le cœur, les émotions, l’empathie. C’est pour cela qu’il nous touche autant.
Le témoignage est vibrant pour célébrer en effet, la force des femmes. Qui se relèvent, retrouvent des objectifs de travail, de vie après des viols collectifs, des blessures qui font frémir le lecteur, sans compter la honte et le rejet de la famille : « Souffrir d’une fistule (perforation à l’intérieur de l’appareil génital) équivalait souvent à subir la honte et le rejet. »
Denis donne beaucoup d’exemples, et à chaque fois, on est admiratifs. Comment vivre après des agressions aussi graves où la femme est considérée comme un outil sexuel ?
C’est un féministe, et il l’indique dès les 1ères pages : « il n’est pas courant qu’un homme fasse campagne pour les droits des femmes. J’en ai bien conscience. J’ai eu l’occasion de ressentir ça dans des conversations entre amis, des rassemblements sociaux ou des réunions à caractère professionnel. J’ai bien vu les regards perplexes et les mimiques d’incompréhension. De temps en temps, je rencontre même de l’hostilité. Certains jugent mes choix suspects, voire menaçants. »
Le Congo, appelé « la capitale mondiale du viol » : « je vous encourage à voir le Congo, parfois encore appelé « la capitale mondiale du viol » comme une fenêtre sur les pires extrémités de ce fléau mondial que sont les violences sexuelles. »
D’autant plus que les médecins formés ne pratiquent pas au Congo. Ils s’expatrient dans des contrés plus facile. Dans les pays européens, le ratio est de 1 médecin pour deux cents habitants, au Congo, il est à peine de 1 pour dix mille.
Il pose aussi une question qui pourrait être banale : pourquoi les hommes violent-ils ?
« La guerre menée contre le corps des femmes au Congo n’a pas été perpétrée par des psychopathes qui arpentent la jungle pour réaliser les fantasmes sexuels d’esprits dérangés. Les maladies mentales sévères existent, bien sûr, et peuvent expliquer certains cas. Mais il faut considérer le viol comme un choix conscient et délibéré qui est la conséquence d’un mépris pour les femmes, car l’origine se trouve là. »
Le viol est aussi un instrument de guerre, souhaité par les hauts dirigeants.
« Il devient tactique militaire. Il est planifié. Les femmes sont délibérément prises pour cibles comme moyen de terroriser la population. Son adoption dans les conflits en Asie, en Afrique, et en Europe au cours du XXème siècle peut s’expliquer par le fait qu’il est peu coûteux, facile à organiser et malheureusement, terriblement efficace. »
Le viol prémédité est désormais considéré comme crime contre l’humanité. Un petit progrès, mais quand les dirigeants restent passifs, cela ne sert pas à grand-chose.
Glaçant, le témoignage des enfants-soldats où toute humanité a disparu.
Environ dix mille enfants ont été kidnappés et enrôlés par les troupes rwandaises en 1996.
Glaçant pour ces hommes perdus, glaçant pour ce qu’ils font subir aux femmes, sans se poser des questions. Normal, banal.
Les propos d’un jeune homme de 20 ans : « il a expliqué être devenu accro à la vie de rebelle. Les attaques nocturnes, les armes, l’action, les massacres, les cris. La vie au campement était dure et inconfortable, alors il attendait avec impatience les opérations. « C’était comme une drogue, je ne me posais même pas de questions. J’ai aimé faire du mal. »
Il répond ensuite à la question de Mukwege « Pourquoi mutiler quelqu’un ? »
« Quand on tranche la gorge d’une chèvre ou d’un poulet, c’est pareil, on ne se pose pas de question. Une femme, c’est pareil, on fait ce qu’on veut avec. »
Il n’oublie pas non plus, le rôle de la religion. Et il parle en tant que chrétien, pasteur et fils de pasteur : « Le changement doit venir du sommet pour donner de l’impulsion à la base. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, les violences sexuelles sont la résultante d’une hiérarchie entre les genres qui considère que la vie des hommes est plus importante que celle des femmes. Il faut admettre le rôle de la religion dans la domination masculine et la soumission féminine. »
Il n’occulte pas non plus la politique du président Kabila, son immobilisme, sa docilité envers le Rwanda et les agressions rwandaises au Congo.
Sans oublier tous les autres pays qui ont pratiqué le viol, « Qui se souvient des centaines de milliers de femmes qui, elles aussi, ont été victimes de la guerre, violées sous la menace d’une arme, par des allemands, des russes, ou des membres des troupes alliées ? »
Et beaucoup, plus proches de nous, les agressions de Daech contre les Yézidis en 2014.
Sans oublier les pays, au XXIème siècle, qui reconnaissent plus ou moins le délit du viol.
Un témoignage à mettre entre toutes les mains
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