"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Certaines lectures sont parfois tellement contemplatives qu’il est difficile de mettre des mots dessus. Comme cette “biographique” L’Espion d’Orient, qui retrace le voyage de Johann Ludwig Bruckhardt (1794-1817), un Suisse que rien ne prédestinait à redécouvrir une antique cité oubliée de tous, mais également à devenir un autre.
1806, alors qu’il est parti à Londres après ses études universitaires, le jeune Johann se retrouve rapidement sans le sou. Malgré les lettres de recommandations dont il dispose, il n’a plus les moyens de survivre et se trouve aux abois.
C’est alors qu’il propose sa candidature à l’Association africaine, qui est à la recherche d'explorateurs. Celle-ci est acceptée en 1808 et il va suivre, à cet effet, une formation à Cambridge pour préparer son expédition vers des régions encore inexplorées de l’Afrique. Les Anglais sont à la recherche d’informations concernant des territoires dont les richesses sont devenues des enjeux économiques. Le futur explorateur va apprendre l’arabe, ainsi que la minéralogie, mais également modifier son corps afin d'être en mesure d’affronter des conditions de vie extrêmes.
En 1809, Burckhardt quitte l’île de Wight pour rejoindre Alep. Devenu physiquement, mais aussi mentalement, Cheikh Ibrahim Ibn Abdallah, le jeune homme va essayer de passer incognito afin de découvrir un monde qu’il n’imagine même pas.
À chaque étape de son périple, il envoie des courriers à Londres pour détailler son itinéraire : Palmyre, la plaine de la Bekaa , Damas, Tibériade, Nazareth, Kerak, la Mer Morte. En août 1812, sur la route d’Akaba, une merveille va s’ouvrir sous ses yeux, l’antique Petra oubliée depuis plus de cinq siècles.
Plus le voyage de l’homme avance, maintenant vers Le Caire, plus l’Occidental va se muer en Oriental. Sa mission d’information est toujours présente, mais son esprit le rapproche et le lie à tout jamais à cette autre culture qui va le faire rompre avec ses origines pour mieux l’assimiler.
Ce magnifique album, signé Danièle Masse et Alexis Vitrebert, nous entraîne vers le chemin inattendu qu'un homme a voulu emprunter afin de devenir un autre.
Londres, 1806
Johann Ludwig Burckhardt ne mange pas à sa faim et a bien du mal à payer son loyer. Lui qui a quitté sa Suisse familiale en espérant avoir un avenir à Londres est dans l'impasse. Malgré les risques encourus et les chances faibles de réussite, il propose sa candidature à l'Association africaine pour partir à la découverte des régions inexplorées d'Afrique.
Après plusieurs mois de formation, c'est le départ le 3 mars 1809. Danièle Masse raconte ces années d'exploration. Malte, Alep, Le Caire... devenu Ibrahim Ibn Abdullah, il va découvrir la cité oubliée de Petra, les temples d'Abou Simbel....navigue sur le Nil, traverse les déserts pour rejoindre La Mecque. Avant que la fièvre ne s'empare de lui.
Cette biographie historique très documentée est sublimée par le travail d'Alexis Vitrebert. Récompensé par le prix lecteurs.com en 2020 pour "Le château de mon père", il offre ici de somptueuses aquarelles baignées de lumière, fouettées par le sable, habitées par un homme au destin hors du commun.
Ce très bel album mérite le coup d'œil. D'abord pour l'intérêt historique et de ce personnage que je méconnaissais totalement. Ensuite et surtout pour le superbe travail graphique qui m'a littéralement charmé !
Pour ma part,
Que de découvertes !
L'Espion de l'Orient est la biographie de l'explorateur Johann-Ludwig Burckhardt et raconte son extraordinaire périple en commençant par la fin, c'est-à-dire ses funérailles en 1817, car décédé à l'âge de 33 ans... Là dessus, je ne vous en dis pas plus, vous le découvrirez en lisant l'album.
En tout cas, dans un premier temps, nous assistons à la métamorphose du parfait dandy en authentique cheik arabe avant de nous lancer dans un périple incroyable à travers les monts et les sables du désert en passant par des cités foisonnantes dignes des Mille et Une Nuits.
Au fil des pages, j'ai surtout appris une facette plus ou moins occultée de la grande histoire : celle des officier de renseignements, autrement dit des espions. En effet, le récit montre que les pays occidentaux du XIXe avaient pour stratégie d'envoyer des agents spéciaux, formés au terrain dans le cadre de leurs intérêts principalement politiques et commerciaux.
De plus, il est remarquable d'observer l'intégration de certains Européens migrants en terre d'accueil :
"- Et tu n'as jamais essayé de regagner l'Écosse?
- Pour quoi faire ? La vie en Égypte me convient et ma profession de guide me laisse une grande liberté. Je ne suis pas sûr de vivre mieux dans mon pays. (...) Osman Effendi efface chaque jour davantage William Thomson. Tu peux comprendre ça n'est ce pas ?
- Cette rupture avec ses propres origines, l'assimilation à une autre culture, une autre mystique... Une sorte d'ivresse à être différent de ce pourquoi on était né ... Étranger parmi les siens. Je ne comprends que trop bien tout cela Osman !"
En lisant cet album historique, on voyage dans les pas de Johann-Ludwig Burckhardt alias cheik Ibn Ibrahim et l'on fait des rencontres inattendues et des découvertes à couper le souffle comme la splendide cité de Petra. De même que l'on observe la culture et l'hospitalité arabes à une époque où le troc et le marchandage d'esclaves étaient encore pratiqués, en traversant les dangers du désert et les délices des oasis luxuriantes sans compter les villes et les paysages fascinants.
Car cet album baigné de lumière est un sublime hommage aux ambiances du Moyen-Orient. Les couleurs sont vives et contrastées, les détails sont soignés, les expressions sont vivantes. On se croirait dans un film d'aventure, avec des scènes d'action, de suspense, et quelques petites notes d'humour ce qui m'a détournée de cet hiver givré.
Captivant, dépaysant et instructif, c'est un livre réussi que je recommande chaleureusement aux amateurs de biographie et d'aventure.
#LEspiondOrient #NetGalleyFrance
https://www.aikadeliredelire.com/2024/01/lespiondorient-netgalleyfrance.html?m=1
Un bel hommage à Johan-Ludwig Burckhardt, explorateur suisse en Orient pour le compte des britanniques.
1817 - Le Caire – l’enterrement d’Ibrahim, Cheikh Ibrahim
1806 - Londres
La concurrence franco-britannique est à son paroxysme en matière d’expansion. Les anglais craignent les ambitions de Napoléon 1er, souhaitent s’étendre en Afrique et en Orient et recherchent un émissaire.
Un défi dangereux bien connu des dirigeants anglais de l’association africaine : « Qui serait assez fou pour s’enfoncer seul dans des régions peuplées de sauvages, où aucun blanc n’a jamais mis les pieds ? »
Burckhardt sera cet homme. Seule solution : se fondre totalement parmi les autochtones pour recueillir un maximum d’infos sur des contrées ou des sites encore inexplorés.
Pour cela, il se familiarise avec la langue arabe et devient « Cheikh Ibrahim Ibn Abdallah, marchand indien envoyé par la Compagnie des indes Orientales auprès de son agent, consul britannique à Alep. » il réussit en partie car beaucoup ne sont pas dupes et savent qu’ils ont affaire à un occidental.
C’est un explorateur curieux, mais surtout un amoureux du Proche et Moyen Orient. Passionné aux dépens de sa propre sécurité.
Car les dangers sont nombreux pour mener à bien sa mission : pistes dangereuses, conflits entre les tribus, guides peu sûrs, risques de maladies…
Son périple parmi les bédouins, les chefs de tribus, le mène de Malte au Caire, en passant par Palmyre, Damas, Tibériade, Nazareth.
C’est lui qui redécouvre Pétra et les temples d’Abu Simbel, encore enfouis dans le sable. Le premier à faire le pèlerinage de la Mecque.
Un scientifique qui tient à cœur de rendre compte de ses découvertes et qui envoie régulièrement ses notes précises en Angleterre. Ses publications sont nombreuses et détaillées.
Un personnage singulier, passionné, obnubilé par ses découvertes, au point de ne même plus prendre en compte sa vie et celle de ceux qui l’entourent.
Comme le démontre particulièrement bien cet épisode émouvant de l’enfant esclave rattaché au service d’Ibrahim. Un seul objectif : découvrir, ouvrir des voies et rendre compte.
Une histoire réelle particulièrement bien documentée. En cela, elle m’a intéressée et j’ai cherché ensuite à en savoir plus sur internet. Dommage d’ailleurs, de ne pas avoir davantage expliqué à la fin de l’ouvrage, la vie et les apports de Burckhardt.
J’ai adoré le graphisme. Non pas celui des personnages, mais celui des paysages, tant ceux du désert que des villes. Un dessin travaillé, précis dans les tons jaunes, ocre.
Mention spéciale pour la planche de la page 91 sur Pétra. Pour y être allée, j’ai ressenti le même choc, le même émerveillement en découvrant la splendeur, la grandiosité du site par la grande faille rocheuse verticale qu’en étant confortablement assise à lire ce récit.
Pétra, que les autochtones considéraient comme maudite, habitée par des Djinns (esprits malfaisant dans le monde arabe)
Idem pour la planche de la page 114 – Abou Simbel – les monumentales statues d’Osiris, Isis, Horus. Ce site magnifique est sublimé par le dessin d’Alexis Vitrebert.
D’autant plus que ces pages contrastent avec la grisaille londonienne.
Certaines cases sont d’ailleurs de véritables aquarelles. Graphisme somptueux et surtout tellement réaliste !
Un récit passionnant porté par un superbe graphisme.
Merci à Netgalley et aux Editions Delcourt de m’avoir permis de découvrir l’histoire de cet explorateur.
Parution : 17 janvier 2024
https://commelaplume.blogspot.com/
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