"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« L’orage a deux maisons. L’une occupe une brève place sur l’horizon ; l’autre, tout un homme suffit à peine à la contenir. » René Char, Recherche de la base et du sommet. »
Essentiel, une mise en abîme magistrale. Une effusion littéraire époustouflante.
D’ombre et de lumière, nécessaire, Poussières noires est un cri dans la nuit noire. Vibrant, un tour de force. Un regard qu’on ne lâche pas un seul instant.
Ce genre de livre qui ne laisse pas indemne tant il déploie une cruelle vérité.
Catherine Gucher enseigne la sociologie côté ville. Érudite et perfectionniste, son récit est de fait appuyé, précis et juste. N’oublions pas son admirable « Et qu’importe la révolution ? »
« Comment le malheur est -il arrivé ? Je ne saurais le dire. Ce que je sais, je l’ai capté dans la plainte modulée des plaines, jour après jour. »
Hokee est une jeune Navajo. Sang mêlé, sa mère Yanaba, violée par le Général Bouton d’Or. L’irrévocable arborescence ténébreuse et génocidaire. Peuple broyé, les résistances à corps et à cris. Les rituels piétinés par des jeeps en folie. L’appât d’alcool, de billets verts pour les uns, tortures et soumissions pour ceux « dont la nuit est longue et n’en finit pas. »
« Poussières noires » l’enfer noir, naufragés peuple-ombre, « mais n’oubliez pas que cette terre est notre mère sacrée et qu’il faut la protéger. »
On ressent une empathie stupéfiante pour Hokee, fuite survivance, le regard affûté, en partance avec quelques-uns de sa tribu, la vengeance aux abois.
« Combien de temps avons-nous marché ? Combien de jours se sont écoulés depuis que nous avons quitté Big Moutain ? »
Hokee est un symbole. La voie de la renaissance à la vie. Porte-parole d’une ethnie dont le halo fragilisé est de luttes et chaos.
« Poussières noires » éclairant, porte-voix entre l’Histoire et la fiction. L’intelligence absolue d’une sociologue dévorée d’estime pour la narration.
Ce livre bleu-nuit est mémoriel. Un message pour ne pas oublier. Se rappeler de cette femme porte-drapeau au fronton des douleurs. Des intestines soumissions et d’une terre pillée, l’enfer noir. Un jour certain, des femmes témoigneront militantes, amérindiennes, comme le dit si bien Catherine Gucher : un espoir au-dessus de la clôture. Le peuple navajo dans ce cercle de Poussières noires. Inestimable et perpétuel. Publié par les majeures éditions Le Mot et le Reste.
Et qu'importe la révolution ? Tout l'esprit du livre de Catherine Gucher est dans son titre, un récit plein de nostalgie, de réflexions sur le temps qui passe, sur l'amour, l'amitié et la fin des illusions.
En arrière-plan de tout cela, il y a ce sang, ce sang versé par tant d'innocents, toutes ces souffrances, ces vies brisées, impossibles à rattraper. Pourquoi, en fin de compte ?
Au cours de ma lecture, j'ai été touché par le cadre du début de l'histoire, par ce haut-plateau ardéchois où la vie est si rude. Ardéchois moi-même, je ne le connais qu'en été où la vie explose et où la fraîcheur est si appréciable. Ici, Jeanne vit dans un hameau, pas très loin de Saint-Cirgues-en-Montagne, près du Mont Gerbier de Jonc, et elle s'est installée comme quelques autres venus chercher un cadre de vie plus authentique malgré sa rudesse.
Elle a 68 ans. Devant sa télévision, elle apprend la mort de Fidel Castro, le Lider Maximo, à Cuba. Alors, remontent en elle quantité de souvenirs, ses années de militantisme au parti communiste et ce séjour à Cuba, en 1967. Elle avait à peine 20 ans et vivait au coeur de la révolution cubaine : Hasta la victoria siempre !
À partir de là, elle va retrouver Ruben, un amour de jeunesse qui a fui la guerre civile, les troupes franquistes, avec son abuelita, sa grand-mère. Il est à jamais marqué, traumatisé par tout ce sang versé.
L'Espagne prend alors le dessus sur l'Ardèche et Cuba mais c'est pour mieux faire ressentir toute l'ambiguïté d'une révolution, ses grands idéaux et ses ratés, ses échecs difficilement évitables. Jeanne passera par Cassis puis Madrid mais j'ai trouvé bien trop long le temps passé avant son retour, enfin, à La Havane où l'autrice expédie un peu vite le bilan de ces retrouvailles.
Et qu'importe la révolution est un roman mêlant psychologie et Histoire, débat intérieur et déroulement inexorable de la vie. Pour certains, elle est dramatique écourtée, pour d'autres, il est souvent difficile, voire impossible d'oublier le passé.
Reste enfin un peuple, sur une île des Caraïbes, qui s'est battu pour se libérer d'un dictateur afin de tenter d'établir une société idéale. Rien n'est parfait, surtout quand un voisin surpuissant s'acharne à priver ce peuple si attachant de l'essentiel. José Martí, Camilo Cienfuegos, Vilma Espín, Fidel Castro et surtout Ernesto Che Guevara ne sont plus là mais d'autres tentent de poursuivre ce qu'ils ont entrepris. Puissent-ils ne pas oublier les valeurs fondamentales qui ont guidé leurs aînés !
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Jeanne, 68 ans, vit retirée au Revest sur le haut plateau ardéchois. Originaire de la Creuse où toute jeune, elle a laissé ses parents et la ferme familiale pour le lycée et s'engager pleinement dans les jeunesses communistes, engagement qui la conduira jusqu'à Cuba durant l'été 1967, fêter la Révolution et rencontrer Fidel.
Lorsque ce 25 novembre 2016, elle apprend la disparition de Fidel Castro, El Commandante, à l'âge de quatre-vingt-dix ans et que retentit dans le poste " hasta la victoria siempre ", c'est pour elle comme un nouvel appel à la révolution, le besoin de repartir, avant qu'il ne soit trop tard.
À quelques jours d'intervalle, lui est parvenue une lettre inespérée de Ruben, son ancien amour qui lors de son départ pour Cuba n'avait pas voulu la suivre, bien qu'épris de liberté, ne supportant pas le sang versé quelle qu'en soit la cause. Celui-ci, ancien réfugié espagnol qui a fui le franquisme avec sa grand-mère, arrivé à Argelès puis à Oran, Paris, vit maintenant à Cassis. Il est resté traumatisé par cette violence et est obnubilé par le sang. Dans sa lettre, il lui écrit son amour toujours vivace et lui propose de le rejoindre. À ce moment-là, elle sait que son départ ne saurait tarder. Elle décide de passer Noël au Revest avec ses amis Madeleine, Marcel, Paul, Justine et les autres ainsi qu'avec Manuel, ce fils qui s'était éloigné d'elle. Elle partira le 3 janvier.
L'amour a survécu aux années et les convictions également.
Dans ce roman, la description des paysages est magnifique et l'auteure nous fait respirer la nature à plein nez, que ce soit avec la burle sur le haut plateau de cette belle Ardèche sauvage ou avec l'air marin de Cassis et ses environs. Catherine Gucher réussit à nous faire ressentir la rudesse de l'hiver ardéchois que la solidarité permet de bien supporter et à nous faire déambuler avec Ruben dans les ruelles de Cassis. Dans les deux cas, Jeanne et Ruben ne sont pas seuls et les attentions qu'ils portent à leurs voisins ou amis nous touchent énormément. Cette solidarité qu'ils pratiquent vis à vis des autres et qui est leur vraie nature est touchante mais ne les empêche pas de ressasser le passé. Pour Ruben surtout, ce passé très traumatisant le hante et il ne parvient pas à oublier. Cette guerre d'Espagne pour lui et cette révolution cubaine pour elle sont les deux pivots du roman et l'union de ces deux êtres pourrait peut-être bien les aider à surpasser ces peurs et les apaiser.
En entremêlant ces événements historiques au récit de la vie de ses personnages, Catherine Gucher nous livre un roman passionnant nous permettant de revenir et de réfléchir à ces luttes passées qui ont malmené des peuples et laissé des cicatrices et de vivre une magnifique histoire d'amour, d'amitié, de liberté où la nature est un personnage à part entière.
J'ai été emportée dès le début du roman par ces personnages qui ont gardé toutes leurs convictions et leurs retrouvailles leur montreront que tout reste à vivre.
Et qu'importe la révolution ? est un roman original, émouvant, politique, poétique, rythmé et aussi un beau roman d'amour que j'ai eu le très grand plaisir de lire grâce aux éditions Le mot et le reste et à Babelio lors d'une masse critique privilégiée. Je les remercie sincèrement.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Touchant, saisissant, « Et qu’importe la Révolution ? » est un roman à apprendre par cœur. Sa qualité première soulève un vent d’humilité et de fraternité. Sa beauté est vertu. On peut rester courber des heures devant l’harmonie de la trame. La puissance verbale, signifiante, affirme, sa dignité. L’envolée du sens, de la forme, du donnant, enclenche une histoire sentimentale, engagée, existentialiste. Catherine Gucher est douée. Elle sait, peint une œuvre généreuse, vivifiante dans une intimité hors norme. Ses personnages sont nos alliés, salvateurs combattants de cette intériorité dont il ne faut pas craindre l’ombre. « Jeanne sait que ce qui la sépare de son fils, une vision du monde, les voix des exilés, les dénonciations des militants des droits de l’homme. Elle comprend le refus du vieux monde, d’un ordre trop établi qui, ne laisse aucune place à ces trentenaires désabusé… » « Leurs regards ne se portent pas au même endroit. » Ce récit est la mappemonde des idéaux écartelés. Un chant grave et pur, l’ode, des amours vrais enracinés dans les différences et la constance du nostalgique. Ruben, l’ubiquité entre l’Espagne et les oppressions sous l’ère de Franco, l’Algérie l’accueillante et ses orangers altruistes, le sud de la France et ses douceurs chaleureuses. Jeanne qu’il aime en résilience d’un passé qui aurait pu joindre les mains de ces Héloïse et Abélard. L’éternel retour à flanc de montagne. « C’est dans la clarté qu’il retrouvera Jeanne, elle le reconnaîtra à l’odeur d’argousier qu’il porte sur sa peau lorsque l’ombre est absente. » Cette histoire est l’enivrant de l’existence. Ce qui se passe dans ce diapason où les regrets sont un solfège de lumière. Faut-t-il dire ici ce qui va advenir de ces êtres qui se retrouvent, gerbes de blé en regain dont ils ne veulent pas bouger un seul grain ? Ruben le cosmopolite, Jeanne la Cubaine. Taire le furtif, le délicat, le doigt glissant subrepticement sur un bras nu. Taire l’embrasement des retrouvailles. « Hasta la victoria sienne » « El pueblo unido jamàs serà vencido » « Ces mots sont ceux de Jeanne à jamais. » Jeanne, solennelle, libre va célébrer la liturgie du crépuscule de ses jours. Ouvrir les rideaux et quêter la splendeur du retour en soi. Ce récit publié par Les Editions « Le mot et le reste » trouve sa voie dans la ligne éditoriale si intuitive. Le mot : dire, le reste : assembler. « L’homme est toujours plus qu’il ne sait de lui-même et que les autres ne savent de lui. » A méditer. En lice pour le Prix Hors Concours 2019 Gaëlle Bohé , c’est une grande fierté, enrobée de chance.
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