"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une lecture originale: un témoignage émouvant sur la mémoire des lieux, doublé d’une performance artistique inédite.
Carolina E. Santo est une artiste, docteure en scénographie. Elle retrace dans ce livre l’expérience vécue l’été 2015, lors d’une randonnée de plus de 600 km entre la haute Corrèze et les Alpes de Haute-Provence, à la rencontre de deux villages engloutis sous les eaux des barrages de l’Aigle et de Serre-Ponçon. Durant un mois et demi, elle a choisi de parcourir à pied la distance qui sépare Nauzenac en Haute-Corrèze, disparu en 1945, et Ubaye dans les Alpes de Haute-Provence qui a été enseveli en 1960, de façon à s’immerger pleinement dans le paysage environnant. En chemin, elle a écouté une centaine de témoignages oraux d’habitants de la vallée de la Dordogne, où cinq barrages ont vu le jour entre 1932 et 1957, tout en photographiant le territoire et ses multiples transformations pour comprendre ce qu’ont vécu ces nombreuses familles délocalisées. La marche écrit-elle « augmente l’expérience spatiale, territoriale, sociale, culturelle et politique du monde« .
Dans le premier chapitre l’auteure présente les origines de son projet ainsi que sa propre expérience professionnelle; le second chapitre relate son périple, c’est en quelque sorte le journal de bord de son parcours; la troisième partie propose une rétrospective photographique de cette marche, alliant des extraits des témoignages d’anciens habitants écoutés durant le parcours. Inspirée par la beauté de cette expérience, l’écriture de Carolina E. Santo est empreinte de sensibilité et de poésie, et parvient à retranscrire l’ambition qu’elle voue à son projet, et les émotions ressentis au cours de celui-ci.
Cette lecture est très riche: riche de sens, d’émotions et de réflexions. La démarche de l’artiste est originale et émouvante : donner corps par l’implication physique aux paroles et souvenirs d’anciens habitants obligés de quitter leur région natale. En lisant ces témoignages, on peut imaginer combien ces expropriations furent complexes et douloureuses. Imaginez le traumatisme d’un village subitement radié de la carte pour laisser place à un barrage. Ce village n’est pas rasé mais submergé par les eaux : lors des vidanges techniques, tous les 10 ans, le village ressurgit. Comme il doit être à la fois difficile et fascinant de voir réapparaitre un monastère ou une école, des lieux de vie et de souvenirs définitivement abandonnés… A l’instar des pèlerinages des habitants pour célébrer sainte Marie-Madeleine, la patronne de ces deux villages, le périple de Carolina E. Santo se veut une célébration pour résister à l’oubli et pour réconcilier plus de soixante dix-ans plus tard le passé et le présent.
Je remercie Babelio et les Editions Terre Urbaine pour l’envoi de ce livre lors d’une Masse Critique Non Fiction. Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle pour les amateurs de romans policiers avec le livre Surface d’Olivier Norek, où une enquête a lieu dans un village englouti sous les eaux d’un barrage…
03.03.2022 23eme livre
Merci les Éditions Terre Urbaine et Babelio pour l’ouvrage de Carolina E Santo, dans le cadre de l’opération Masse Critique Non-Fiction de février 2022, : Murmures des villages engloutis
J’avais tout de suite mis l’option sur ce livre : une longue marche de 600 km entre Nauzenac en haute Corrèze jusqu’à Ubaye dans les Alpes de Haute Provence, à la rencontre de deux villages engloutis sous les eaux des retenues des grands barrages, réalisée en écoutant les témoignages des anciens habitants des lieux et en prenant des photos du territoire. Une territorialisation sensible, poétique et peu commune.
L’auteure, artiste et docteure en scénographie, a été touchée très jeune, lors d’un voyage au Portugal dans la région de l’Alentejo, par cette préoccupation environnementale. A 20 ans, elle fait escale, par hasard, dans un petit village, Luz, et apprend le méga projet Hydroélectrique qui va prochainement complètement l’engloutir : « programmer la disparition d’un village sous l’eau et organiser le déménagement de toute une population, cela me semblait invraisemblable. »
Treize ans plus tard, elle optera de situer ses travaux de recherche pour la thèse de son doctorat dans ce contexte particulier des grands projets de développement qui transforme profondément le paysage, imposant le déplacement de la population entière d’un quartier, d’un village, d’une ville ou d’une région.
Avant elle, de 2011 à 2015, l’anthropologue Armelle Faure, a recueilli et enregistré les témoignages oraux des habitants de la vallée de la Dordogne où cinq barrages, construits entre 1932 et 1957, ont fait disparaître sous les eaux un vaste territoire et entraîné le déplacement de centaines de familles.
Juin 2015, Carolina E Santo s’est donc lancée en randonnée pour relier ses deux sites, traversant de magnifiques paysages de montagnes et de vallées, tout en écoutant, un casque sur les oreilles, les 100 témoignages enregistrés et en photographiant tout ce qui la marquait dans ce « pèlerinage ».
58 ans après ces expropriations, Carolina E Santo a pu rencontrer quelques « survivants », qui étaient de jeunes enfants à l’époque, mais qui gardent les souvenirs de leurs villages.
Ce petit livre de seulement 130 pages est tellement bien construit et précis. Un chapitre présentant son projet, son expérience, ses contacts, puis un chapitre journal de bord de ses 40 jours et 40 nuits à marcher et enfin une partie avec les photo prises lors de ce périple associés à des extraits des témoignages oraux des villageois…
Il m’a particulièrement touché car sa description de préparation de sa longue marche, ses hauts et ses bas, les problèmes rencontrés, ses humeurs changeantes selon la météo, le paysage qui l’entourait et les témoignages qu’elle écoutait, m’ont fait repensé à mes randonnées de Nantes au Mont Saint Michel l’an dernier (sans les étapes de montagnes !! Quoique ! De Ajaccio à Calvi en mai 2019, m’avait donné des aperçus des chemins parfois à gravir….).
De plus une très forte envie d’aller plonger (est ce autorisé ?) dans ces lacs artificiels pour partir à la découverte de ces villages engloutis, restés relativement intacts (toutefois beaucoup de maisons détruites, la végétation complètement arrachée, les arbres sciés par exemple)…
https://annlitetdonnesonavis.over-blog.com/2022/03/murmures-des-villages-engloutis-de-carolina-e-santo.html
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