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L’on se souvient comment la nature avait aussitôt commencé à reprendre de ses droits pendant la pandémie de Covid-19. Cette vitalité et cette résilience écologiques observables dès que la présence humaine s’efface, Cal Flyn l’a constaté aussi sur chacun des sites à l’abandon, que, pendant deux ans d’enquête, elle a parcourus de par le monde. Fascinant, son récit témoigne de la façon dont, même dans les « endroits où le pire s’est déjà produit », la nature se régénère, pourvu qu’on lui en laisse le temps.
Ce sont parfois des lieux simplement laissés en paix, comme la zone tampon qui déchire Chypre en deux, la ceinture verte qu’est devenu l’ancien rideau de fer en Allemagne, ou la Mer du Nord sans pêcheurs pendant la seconde guerre mondiale. Ceux-ci deviennent des bouts d’éden où la biodiversité prospère, du moins tant que l’homme s’en tient écarté.
D’autres, encombrés de crassiers ou de bâtiments en ruines, ont été abandonnés après épuisement de leurs ressources ou pour des raisons économiques. Qu’il s’agissent des vieux terrils ou des friches urbaines, telles celles, gigantesques, des quartiers fantômes de Detroit, la vie sauvage finit par s’y réensemencer, en un progressif, mais vorace, processus de reconquête.
Et puis, il y a les sites que leur dévastation a rendu inhabitables. Désertifiés, recouverts de cendres volcaniques, irradiés, imbibés de produits toxiques ou minés, ils semblent devenus impropres à toute vie. Pourtant, dans la zone rouge de Verdun et même dans sa lunaire place à gaz intoxiquée par la destruction des obus chimiques de l’armée allemande, à Prypiat en plein coeur de la zone d’exclusion contaminée par les retombées radioactives, ou encore au sein des pires concentrations de polluants héritées des industries du XXe siècle dans le New Jersey, partout la vie s’adapte, mute, invente des stratagèmes pour se maintenir et régénérer les lieux, faisant preuve d’une résilience qui paraît véritablement à toute épreuve.
Souvent lorsque ces lieux ne sont pas - du moins pas complètement - interdits, des êtres humains persistent à y vivre, quitte à en payer le prix fort. Mal relogés, des habitants déplacés se sont empressés, malgré le danger, de revenir dans leurs maisons de Prypiat. En dépit des avertissements, les plus pauvres consomment le produit de leur pêche dans les eaux polluées aux métaux lourds à Newark. A Detroit, sans parler des squatteurs, toxicos et autres marginaux hantant les bâtiments en ruines tels des zombies post-apocalyptiques, ceux qui s’accrochent à leurs quartiers fantômes doivent se défendre de l’insécurité et de la contagion, car l’abandon est une gangrène qui ne cesse de s’étendre, contaminant jusqu’à l’état psychique des résidents. Autant la végétation et la vie sauvage se saisissent du moindre interstice pour incruster leur reconquête, autant il est une adaptation que l’on pressent immensément difficile : celle de l’être humain…
Rigoureux et intelligent dans ses observations, mais aussi vivant et immersif dans ses restitutions des atmosphères et des beautés étranges des sites visités, cet essai étonne, impressionne et passionne si bien qu’il se parcourt des plus avidement. Le lecteur en sortira plein d’espoir quant à la résilience de la vie sur terre. De la vie en général bien sûr. Ce qui ne dit pas dans quelles conditions et pour quelles espèces… Coup de coeur.
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