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Dans ce premier roman graphique, Bérénice Motais de Narbonne qui est passée par la section animation des Arts Décos de Paris, creuse l'univers construit dans son court-métrage de fin d'étude « Astrale ». Magda, son héroïne, y tient de nouveau le premier rôle. Agée de 14 ans, elle sèche le collège pour fuir le harcèlement dont elle est victime, n'arrive pas à communiquer avec sa mère et déprime terriblement depuis le départ de son frère, Carmen, et de leur ami, Gael au lycée de la grande ville d'à côté. Quand les garçons reviennent brièvement pour les vacances, ils découvrent un environnement qui a changé. A leur contact, Magda n'a plus qu'une obsession : « quitter la baie » à son tour…
L'autrice nous dresse le tableau des possibles de l'adolescence à travers ses trois personnages : Magda celle qui prend conscience que son corps comme son environnement se métamorphosent et demeure impuissante ; Gaël celui qui joue avec le feu par peur de l'avenir et esprit de révolte ; Carmen celui qui est déjà résigné et presque adulte… Ils sont en pleine transition et constatent bouleversés les changements qui les assaillent : celui de leur corps tout d'abord, de leurs sentiments les uns pour les autres ensuite, et de leur environnement enfin puisque la petite ville balnéaire dans laquelle ils ont grandi est en voie de bétonisation. Gael et Magda éprouvent dans cette découverte une détresse psychique et presque existentielle liée aux bouleversements de l'environnement qu'on nomme « solastalgie ».
On a l'impression que Bérénice Motais veut nous transmettre le même sentiment que Greta Thunberg lorsqu'elle s'adressait aux décideurs politiques : « je veux que vous paniquiez, je veux que vous ressentiez la peur que je ressens tous les jours ». Et elle y parvient grâce à son magnifique dessin servi par un papier au fort grammage. Elle utilise en effet la technique de xylogravure qui donne à son album des accents du « Cri » de Munch et fait aussi penser aux labyrinthes à la Escher. Ses planches en noir et blanc aux accents dramatiques font ressentir à la fois angoisses, échappatoires et transformations et fondent les différents états dans lesquels se trouvent les protagonistes. On passe sans transition de pages presque documentaires à des rêves nocturnes ou des hallucinations. L'ensemble devient alors nimbé d'une atmosphère cauchemardesque et claustrophobe.
« Quitter la baie » a été sélectionné pour Angoulême dans la catégorie jeunesse 12-16 ans. Il me semble que son lectorat va bien au-delà de cette tranche d'âge. Il permet une évocation des bouleversements écologiques et surtout un portrait d'une adolescence à vif. Un ouvrage difficile, exigeant, et marquant tout à la fois.
« Quitter la baie. » Une obsession pour Magdalena, âgée de 14 ans, qui sèche le collège pour fuir le harcèlement de ses « camarades », qui déprime terriblement à cause de la solitude, et qui attend désespérément le retour de son frère, Carmen, et de son amour secret, Gael.
Pour ces trois adolescents en pleine transition existentielle, tout est en train de changer : leur corps, leur amitié, leur rapport au regard des autres, et même la ville au sein de laquelle ils ont grandi, où les champs sont détruits et remplacés par de vastes zones industrielles. Alors même qu’ils sont obsédés par l’idée de s’échapper de l’endroit qui les a vus grandir et où ils se sentent emprisonnées, Magda, Carmen et Gael peinent à accepter le fait que le paysage de leur enfance soit en pleine mutation, tout comme ils peinent à accepter le « passage à l’âge adulte ».
Si Carmen réussit plus ou moins à s’en accommoder, Magda et Gael sont particulièrement heurtés par ces changements, et, pour eux, tous les moyens sont bons pour tenter d’échapper à la pression omniprésente qui s’efforce de les intégrer à une société consumériste et dénaturée dont ils ne veulent pas.
Tous deux cherchent alors à s’évader dans des endroits qui n’appartiennent qu’à eux : en écoutant de la musique, en découvrant leur sexualité, en s’opposant à l’autorité parentale, en consommant de la drogue, parfois…
Tous les moyens sont bons pour alléger l’ennui et à la morosité de leur quotidien.
Les personnages sont à vif, et personne ne semblent prêter attention à leurs cris de désespoir qui ne demandent pourtant qu’à être entendus, ce qui les rend particulièrement touchants. La colère de cette jeunesse en mal de repères et d’affection est rendue plus vive encore par leur impuissance à changer ce qui se passe autour d’eux, en eux.
En définitive, cette révolte intérieure impérieuse détonne d'autant plus qu'il ne se passe pas grand chose dans ce (long) roman graphique.
Ce désordre intérieur et ce mal-être adolescent sont d’autant plus renforcés par le crayonnage noir et dense de Bérénice Motais de Narbonne, qui illustre à merveille les aspects sombres de ses personnages.
Ce roman graphique est un cri désespéré lancé à la face du monde, et ce sont surtout les adolescents qui se reconnaîtront dans les problématiques ici exposées.
L'ensemble comporte quelques longueurs, surtout que le récit en lui-même est surtout centré sur l'introspection des personnages en quête d'eux-mêmes plus que sur des séquences événementielles marquantes.
Néanmoins, malgré un propos général un peu trop pessimiste et redondant à mon goût, Bérénice Montais de Narbonne, en conciliant la présence de la nature au malaise de l’adolescence et aux effets planants de la drogue et de la musique, nous offre un cocktail détonnant entre rêve et réalité, qui affirme toute la particularité de son univers onirique.
En lisant le résumé, j'ai trouvé que l'histoire avait un potentiel très prometteur avec les thèmes de l'adolescence, du déracinement, de l'urbanisation, du rapport à la nature, etc. Le trait m'a beaucoup plu et j'ai trouvé certaines planches sublimes. Seulement, le livre est rempli d'épisodes plus ou moins psychédéliques, que ça soit avec des esprits dans la nature ou bien dans la tête des personnages. Ces moments là m'ont totalement sorti de l'histoire de base, et à la fin, on se rend compte que pas grand chose (voire rien) n'a bougé depuis la situation initiale. De plus, les thèmes que j'ai évoqué précédemment se confondent tous et on a du mal à saisir le propos que l'autrice a voulu porter. Je ne dirai pas que c'est un mauvais livre car j'ai tout de même apprécié la lecture, mais on reste sur sa faim.
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