"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce livre est le témoignage édifiant d’une adolescente de 16 ans, tombée dans la prostitution par le biais des réseaux sociaux. Une réalité crue qui touche 20 000 mineurs en France aujourd’hui. Comment Bao en est-elle arrivée là? Comment notre pays en est-il arrivé là ? Un récit intense, qui démontre les rouages parfaitement huilés des proxénétes, mais aussi les failles de notre systéme médico-social. Si Bao a finalement pu être prise en charge et s’en sortir, elle aurait dû l’être bien plus tôt. Le témoignage de Bao, de sa disgrâce à sa reconstruction, délivre un message essentiel tant pour les adolescents que pour leurs parents. Les faits de société abordés dans ce récit ne sont pas encore suffisamment pris en compte et témoignent d’une société en crise. Bao porte l’espoir d’une avancée dans ce domaine.
D’origine sri-lankaise, Bao grandit en Seine-et-Marne dans une famille modeste. Le viol dont elle est victime à l’âge de cinq ans par un ami de ses parents, est à l’origine de son mal-être : sa scolarité est difficile, elle se passionne pour le dessin et les mangas mais reste en marge des autres. Elle se cherche à l’adolescence puis sombre peu à peu, car les syndromes post-traumatiques du viol apparaissent: crises d’angoisse, scarification, énurésie… Sa parole se libère, mais il ne s’agit pas seulement de parler, mais d’être comprise et écoutée, or ce n’est pas le cas. Les forces de l’ordre ne prennent pas suffisamment en compte son témoignage et sa famille la rejette, refusant d’entendre une vérité qui dérange. Au lieu de croire sa parole, on la diagnostique bi-polaire, l’enfer médicamenteux commence… Les éducateurs de l’ASE se succèdent à une vitesse consternante : pas le temps de nouer des liens, d’avancer, de reconstruire…
Animée par un besoin de reconnaissance sociale, le rapport aux hommes biaisé par l’agression sexuelle subie enfant et fragilisée par le manque de soutien de sa famille, Bao cherche refuge dans les réseaux sociaux. Elle s’invente une nouvelle identité, fait des rencontres, une en particulier, celle d’un jeune homme dont elle se croit éprise. Pour lui, elle accepte de faire des massages tarifés à des inconnus dans des chambres d’hôtel, vite rentabilisées. Toujours par l’intermédiaire des réseaux sociaux rapides et efficaces, ces pratiques se transforment en rapports sexuels qui s’enchaînent et rapportent. Puis l’engrenage vers des sites d’escorting qui sont alléchants: à la clé une vie de rêve, des produits de luxe hors de portée pour une simple adolescente, mais ce n’est qu’un sordide miroir aux alouettes. Les proxénétes veillent et se l’échangent; violence, emprise psychologique, Bao n’a pas son mot à dire… Elle a une santé fragile, est régulièrement battue mais elle tient la cadence à grand renfort de drogues qui viennent remplacer les médicaments. Jusqu’à ce que ses tortionnaires la laissent pour morte sur un trottoir.
Bao livre son récit dans un style simple et attachant, elle ne mâche pas ses mots, emploie un vocabulaire oral qui porte ses fruits car on ressent sa sensibilité et sa sincérité. C’est un acte de bonté de livrer ce témoignage instructif, avec l’espoir d’éviter aux jeunes cette sordide impasse. S’il est aisé de s’improviser proxénéte grâce aux réseaux sociaux ou de tomber dans ce piège en tant que victime, le témoignage de Bao met également en exerce le travail efficace des services de police spécialisés alliés aux services sociaux qui ont finalement permis d’arrêter les coupables. Les difficultés de Bao auraient dû être prises en charge bien plus tôt : dès l’école primaire où chacun, famille comme professeur, pouvait se rendre compte qu’elle était en souffrance. La fracture familiale, le manque de sollicitude et de compréhension de l’entourage ont privé Bao d’un accompagnement psychologique. La question n’est pas de savoir quels actes commet un enfant en souffrance mais la raison pour laquelle il les commet. Il y a encore là matière à remettre en cause toute une institution.
Je remercie l’autrice pour son courage, ainsi que les Editions XO via Netgalley pour cette lecture glaçante mais très instructive.
Je remercie #NetGalleyFrance et les Éditions XO pour la découverte du témoignage de Bao, #16ansprostituée, en service de presse numérique.
Les parents de Bao sont originaires du Sri Lanka, installés en France depuis plusieurs années. Bao et ses deux sœurs grandissent au sein d'un foyer sans histoire et d'une communauté bienveillante mais pleine de tabous, surtout s'agissant de sexualité. Lorsque la toute jeune Bao rentre chez elle avec la culotte en sang, personne ne sait comment réagir "sainement et sereinement" ; elle n'a que 5 ans. Pré-adolescente, Bao est la "mauvaise élève", le "vilain petit canard" de la famille, rien ne l'aide à tenir le coup en classe et elle finit par être déscolarisée. Adolescente solitaire, en quête de reconnaissance, en manque d'affection, elle se laisse entraîner doucement mais sûrement vers le sexe tarifé, sans percevoir aucun "bénéfice" de son "activité", bien au contraire, c'est le début de la descente aux enfers...
Avant toute chose, je tiens à saluer le courage de Bao, à la fois pour ce témoignage intime mais aussi, surtout, pour être sortie de ce cercle ô combien vicieux. Bravo pour cela et bonne chance pour la suite !
J'ai été sidérée par ce récit dans lequel la candeur naturelle d'une jeune fille se confronte violemment à la manipulation et à la perversité des hommes. Je n'avais absolument pas conscience de l'ampleur du phénomène de la prostitution des mineurs en France, facilité par les réseaux sociaux. Le témoignage de Bao ne semble malheureusement pas si marginal... Comme on l'apprend dans les entretiens avec Claude Giordanella et Lénaïg Le Bail en annexe du livre. Je dois avouer que sans un prochain club de lecture ayant pour thème "l'adolescence", je n'aurai probablement pas sollicité ce service de presse, par crainte du sensationnalisme, du scabreux et de racolage... J'aurai eu tort car ce livre m'a ouvert les yeux...
Je n'ai cessé de me poser des questions au sujet de l'écriture de ce livre durant toute sa lecture... Me demandant si Bao en était vraiment l'autrice, ou s'il s'agissait d'un témoignage recueilli et retravaillé. Les remerciements laissent supposer que Marianne Colombier et Rémi Barbet ont beaucoup contribué à la rédaction. Le style est factuel, souvent oral, très simple ; sans fioritures ni concessions. La simplicité de l'écriture - un peu "lisse" même - rend ce témoignage accessible malgré les horreurs racontées.
Si ce livre a été utile à Bao pour l'aider dans sa reconstruction, il peut aussi sensibiliser la population - et en premier lieux les parents - au sujet de l'engrenage de la prostitution des mineurs et ses ravages...
#16ansprostituée #NetGalleyFrance
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