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Un cri Lola est une longue lettre d'amour ou un cri d'amour du jeune homme pour Lola. Pour la musique aussi. Le jazz. Principalement, A love Supreme de Jonh Coltrane et Fine and Mellow de Lester Young et Billie Holiday. Je ne suis pas connaisseur de jazz, mais forcément lorsque c'est proposé si gentiment, j'écoute, et donc, en écrivant cet article, j'ai dans les oreilles Billie Holiday et Lester Young en attendant John Coltrane à la suite. Me voici donc dans de bonnes conditions pour écrire.
Auguste Bonel signe ici son premier roman, il avait auparavant publié des poèmes. Et cela se ressent dans son écriture, pas toujours aisée à suivre, mais toujours belle. A l'instar du poète James Noël haïtien, comme lui, et édité chez Vents d'ailleurs, comme lui, A. Bonel fait appel à des images sensuelles, d'autres violentes, dures et crues et d'autres au contraire douces et légères. Il parle de son amour pour Lola mais aussi des images de corps déchiquetés, d'êtres amputés suite aux séismes qui ont ravagé Haïti. Il parle de son corps et de celui de Lola qu'il désire. "La seule possibilité que j'aurais de sentir la chaleur de son corps, de glisser subtilement ma main sur ses hanches fines, ses fesses de fruit ensoleillé, c'est la danse. Mais elle n'aime pas danser, moi, je ne sais pas danser. Quand je danse, mon corps se délivre des mouvements que je conçois dans ma tête. Il me semble que mon cerveau est séparé du reste de mon corps. Soit je vais trop vite, soit je vais trop lentement. Le rythme n'est jamais à ma mesure. Je me sens lourd comme un grand oiseau aux ailes blessées, qui marche péniblement sur la berge. Tandis que la danse, c'est l'envol." (p.24) Je ne voudrais pas plomber mon image, mais je pourrais reprendre mot pour mot cette citation à mon compte, et je crois même qu'elle est en-dessous la vérité me concernant, plutôt que le grand oiseau, je me verrais plus comme un bâton raide qui tenterait de se trémousser sur une piste. Mais laissons de côté mes dons pour l'expression corporelle et revenons à notre sujet.
Les digressions ne sont pas toujours faciles, mais à chaque fois, l'auteur en sort et reprend au passage les lecteurs qu'il a pu perdre pendant quelques lignes et moi qui me suis perdu plus d'une fois, j'ai toujours eu grand plaisir à reprendre un fil littéraire plus linéaire. Pour finir, je voudrais citer un extrait de la déclaration d'amour pour Lola que le jeune homme garde en lui, une sorte de non-déclaration, comme dirait Brassens :
"Je sais que j'aime Lola, je sens qu'elle m'aime aussi, mais c'est un amour muet, il ne sait pas palper, il ne sait pas toucher, il ne sait pas révéler le corps dans la jouissance. Le désir est sans limite. Je n'ose pas garder Lola, je ne peux que la regarder. Je ne peux pas lui demander de se jeter dans le vide de ma vie. Je ne peux pas lui demander de soigner un homme qui saigne de partout. Si je le lui demandais, je me verrais comme un condamné à mort qui demande une femme en mariage et lui promet de beaux enfants. Tant d'autres aimeraient la retenir." (p.47)
Un beau texte qui demande de l'attention, mais qui, gros avantage, est court, 63 pages qui sauront vous retenir, plus efficacement que le narrateur ne retient Lola.
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