"Le Monde libre" d'Aude Lancelin, le Renaudot Essai qui signe la mise à mort de la presse française
Le Monde libre (ed. Les Liens qui Libèrent) est un récit coup de poing qui convoque tout le monde à s’interroger sur l’information, la place de la politique et de l’argent dans la société. Etait-ce marrant de taper sur les journalistes et...
"Le Monde libre" d'Aude Lancelin, le Renaudot Essai qui signe la mise à mort de la presse française
Inspiré d'une histoire vraie, La Fièvre est un croisement de protagonistes dans un contexte historique qui a marqué la France, les gilets jaunes.
Ce livre n'est pas forcément ce que j'ai l'habitude de lire mais je me suis laissée porter par l'écriture convaincante d'Aude Lancelin qui traite de ce sujet sociétal avec profondeur.
Un document roman engagé traitant d'un soulèvement populaire de notre pays. Une sorte de portrait social d'une époque de décomposition morale et intellectuelle qui saura plaire à tous lecteurs.trices curieux.ses d'en apprendre plus sur le sujet.
Aude Lancelin, directrice adjointe d’un hebdomadaire historiquement situé à gauche de l’échiquier politique a été remerciée après quinze années d’expression libre puis de plus en plus d’expression dirigée, ou guidée, puis carrément corrigée.
Elle évoque l’arrivée au journal en 2014 d’un nouveau patron et actionnaire « du Monde libre »: «l’ogre des télécom » allié à celui « qui devait sa fortune colossale à la haute couture » et l’autre , « un banquier d’affaires à l’intelligence très vive », actionnaires « du Monde libre ». Ils régnaient aussi sur le Point et Marianne et ne dédaignaient pas, malgré l’affirmation de leur indépendance, les collusions avec le pouvoir politique dit de gauche pour asseoir leurs colonnes.
Elle confirme alors ce que chacun de nous a pu constater dans l’évolution des contenus de ces grands magazines marqués désormais du sceau de leurs puissants dirigeants, signant chaque édito et chaque article de leur idéologie unique. Cette dénonciation de l’uniformité de l’information a le mérite de rappeler à chacun l’importance de l’indépendance de la presse et de soulever les actions nécessaires pour en maintenir sa liberté et celles des médias en général, soumis à une même gouvernance.
En revanche, la façon dont tout ceci est mis en pâture dans ce livre signe la vengeance pure et dure d’une femme qui a été malmenée parce qu’elle refusait de suivre la ligne. Les paroles sont dures, le verbe fort, cela ressemble à un règlement de comptes, irrespectueux, dénué de toute retenue. C’est précisément en cela que le style quasi ampoulé (ou bien, adressé uniquement au monde du journalisme ?) nuit à l’intérêt que je portais à la sortie de cet essai, par ailleurs récompensé par le Prix Renaudot.
En effet, est-il besoin de ridiculiser le Premier ministre accusé de liaisons avec les traîtres ? « …Ledit Premier ministre, petit homme colérique aux idées simples…devenu l’enfant chéri de l’obsolète » ou dénoncer l’absence totale de solennité qu’inspirait le lieu dès l’instant où François Hollande y pénétrait », et tant d’autres pamphlets qui à mon sens ne crédibilisent pas l’auteur.
Pourtant, j’’ai aussi vu dans ce texte, la personne qui s’était en son temps engouffrée frénétiquement et avec fierté « dans le ventre de la vie parisienne » à la sortie « d’une vie étudiante obscure et monotone » », celle qui était comme disait Balzac « à la veille de devenir une des cent personnes privilégiées qui imposeraient des opinions à la France »,
enfin, celle qui avait une ambition en rapport avec l’idée qu’elle a de sa propre personne.
En conclusion, la dénonciation de l’autre monde médiatique et de ses effets pervers est courageuse, mais pas au prix de diatribes vengeresses violentes qui devraient plus servir à l’auteur dans sa lutte personnelle mais qui à mon sens polluent le récit et en atténue l’intérêt.
Une plongée dans le monde du journalisme écrit dont je suis sortie un peu groggy.
Laure Ancelin, en direct du ventre de l’Obs raconte, témoigne de la lente et inexorable dégradation de la presse écrite, du copinage, des acoquinages des journalistes avec le pouvoir et l’argent.
Qu’un nouveau riche venu du minitel rose s’offre un journal, pourquoi pas.
Qu’un esthète (soi-disant) venu du monde de la haute couture s’offre un journal, pourquoi pas
Qu’un banquier s’offre un journal pourquoi pas
Mais que ces trois lascars se réunissent créent un groupe baptisé « Le monde libre » pour désincarner des journaux comme Le Monde, l’Obs entre autre et, surtout, le mettre à leur service, il y a de quoi rugir. Le nom de la holding prête à sourire jaune après lecture du livre.
Laure Ancelin va plus loin que l’explication de son licenciement, elle décrit le déclin de l’Obs devenu sous sa plume « l’Obsolète » -titre très parlant- et, plus généralement, de la presse écrite.
La collusion entre le politique et la presse, à travers ses journalistes, a toujours existé. A trop se fréquenter, se mêler s’épouser… Amoindrir la liberté de la presse équivaut, pour moi, à amoindrir la démocratie… C’est peut-être le but visé des grands argentiers.
Comme chez les politiques, une fois les spots éteints, les patrons de journaux sont copains comme cochons !! « Les patrons des trois plus grands hebdomadaires, « L’Obsolète », Le Point et Marianne, qui toute l’année faisaient mine de s’empailler sur les tréteaux comme des marionnettes batailleuses, passaient tous leurs Nouvel Ans à festoyer ensemble. Tantôt dans l’hôtel particulier de Saint-Germain-des-Prés qui appartenait à l’un d’entre eux, tantôt dans leurs datchas respectives de la côte normande qu’ils avaient achetées à proximité tant leur symbiose était totale et ne s’embarrassait pas d’obstacles idéologiques. » Mince (remarquez comme je suis polie !)Marianne ! Moi qui croyais en sa liberté pure et dure « La chose était d’autant plus stupéfiante à remarquer dans le cas de Marianne, fer de lance de la dénonciation de la « pensée unique » depuis la fin des années 90. ». Il est vrai que Laurent Joffrin Môquet passe gaillardement du fauteuil de Marianne à celui de l’Obs !
« L’Obsolète » est victime des « amis du journal » dont « Une sénescente poignée d’hommes politiques fermait le ban de cette infernale cohorte, au premier rang desquels un ancien ministre de la Culture, incarnation parcheminée et presque parodique de la gauche incantatoire des années 80, celle-là même que tout le monde était désormais désireux d’oublier. » qui font la pluie et le beau temps pour leur petit entre-soi. Certains intellectuels philosophes dont notre BHL national (« un pitre mégalomane dont chacun riait par-devers soi. »), Finkielkraut font partie de ces gens qui font la pluie et le beau temps à l’Obsolète.
Ce n’est pas qu’un règlement de compte mais la constatation de l’échec du parti socialiste, de sa glissade à droite « La glissade à droite de tout le spectre intellectuel et politique était continue, d’une profondeur inouïe. Et ce qui ne laissait pas d’étonner, c’est que, même parmi les journalistes qui comprenaient la situation, rares étaient ceux qui s’aventuraient à en fournir le saisissant tableau ».
Laure Ancelin envoie non pas des gifles, mais des scuds que j’ai reçus en pleine figure. Avec beaucoup de talent, de calme, elle raconte ce qu’elle a vu, ce qu’elle a supporté. Les lâchetés des patrons de presse, de sa hiérarchie, des collègues, la mainmise de certains intellectuels, d’anciennes gloires du PS, les courtisans genoux à terre, la médiocratie, la fuite des plumes. Elle met à nu la misère intellectuelle du triumvirat, de ses supérieurs hiérarchiques.
Un livre cruel par ce qu’il dévoile, mais un livre nécessaire ; un constat accablant
Combien d’années faudra t-il pour réparer ce formatage, cette descente vers la nullité. J’attends d’un journaliste, d’un éditorialiste qu’il élève le débat, qu’il soit, non pas impartial, cela n’existe pas, mais intelligent et courageux. L’Obsolète n’était plus, depuis plusieurs décennies, le journal de gauche que l’on a connu, mais quand même !!
Notre président de la république actuel est bien un président normal : le fait du prince, il pratique. « Une source élyséenne celle-là, affirmait qu’il y avait plus d’un mois que mon sort avait été scellé lors d’une entrevue ».
Claude Rossignol, fondateur de l’Obsolète l’avait compris « Le danger aujourd’hui est que, n’ayant pas fait les réformes nécessaires et sans moyens financiers, la presse et ses lecteurs tombent entre les mains des pouvoirs de l’argent, du politique ou du CAC40, dont les intérêts sont liés ». Nous avons un immense pouvoir, nous lecteurs : ne plus acheter ces journaux !!
Quelle plume, quel vocabulaire ! « Dans tous les événements qui seront relatés ici, il n’est pas une phrase, pas un fait, qui ait été informé ou même déformé. » écrit Laure Ancelin dans l’avertissement en début de l’ouvrage.
Un livre salutaire à lire, une belle plume.
Une question me taraude : Pourquoi Laure Ancelin est restée si longtemps à l’Obs ? Pourquoi n’être pas partie avant puisque le hiatus augmentait entre sa conception du journalisme et l’hebdomadaire ?
Merci à l'équipe de Lecteurs.com
Forcément, ce livre fait un certain buzz et on en attend beaucoup du coup !
Alors, oui, Aude Lancelin règle ses comptes et dit, à demi-mots parfois, à voix haute souvent, ce qu'elle pense de l'évolution de la presse aujourd'hui en France, pouvoir et contre-pouvoirs, argent et actionnariat, indépendance et soumission.
Même si parfois on a l'impression que ce livre est écrit pour les initiés et tous ceux qui lisent entre les lignes, et au travers de ces noms à peine changés, à peine moqués...
Et pourtant, j'ai eu beaucoup de mal à accrocher à cette écriture que je trouve un peu "hautaine", ampoulée et supérieure, j’aurais aimé un peu plus de simplicité, généralement synonyme pour moi de qualité et de compétence. Mais là, c'est juste une impression très personnelle...
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