"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Coup de cœur pour ce premier roman !
Il semble que l’heure ait sonné pour Teresa, qui depuis dix ans, a perdu la parole, ne peut plus se mouvoir et vit alitée. Sur son lit, installé au milieu du salon de la maison au figuier dans la plaine du Pô (Italie), sont attachés toutes sortes de gri-gri et autres porte-bonheur.
Vont alors la rejoindre cinq femmes qui lui sont très proches. Durant plusieurs jours, elles vont veiller Teresa et tenter de faire émerger du passé de la vieille dame aimée un secret de famille bien enfoui. L’occasion semble idéale pour chacune de passer sa propre vie au peigne fin…
Dès le début de son livre, Arianna Cecconi nous avertit du monde dans lequel elle va nous emmener, celui des oracles, des secrets, de l’invisible et de ses signes, et ce à travers un huit-clos exclusivement féminin. Le seul mâle est un chat, animal mystérieux par nature !
Elle nous met donc au parfum, plantant les prémices de son décor.
Oyez braves lecteurs, vous embarquez pour une étrange croisière, il vous faut donc accepter les règles du bizarre en général si vous souhaitez monter à bord.
Le Larousse dit que « l’oracle est la réponse d’une divinité au fidèle qui la consultait ». Par extension, « il désigne aussi l’intermédiaire humain qui transmet la réponse » (wikipédia).
On comprend rapidement que Teresa sera (ou pourrait bien être) cet intermédiaire. Du moins ces cinq femmes qui l’aiment tendrement lui ont attribué ce rôle.
Mais alors dans quel but, et pourquoi toutes les cinq semblent si attachées aux signes de l’au-delà – et leurs interprétations– et aux rituels ?
Il semble donc qu’un secret de famille doive être percé à jour… « Certains souvenirs se cachent à l’intérieur des choses, ou à leur surface... Toutes les choses ont une mémoire et un savoir. »
Mais alors, si Teresa déjà n’a plus l’usage de la parole, comment les objets vont-ils nous révéler ce qu’ils savent ?
Une des pistes sera la suivante : « quand quelqu’un a peur, son âme sort de son corps et reste prisonnière du lieu où il a eu peur : c’est là qu’il faut retourner ».
Grâce à ce temps étrange qui s’est comme arrêté, chacune va suivre son chemin intérieur et s’auto-analyser en revisitant son passé.
C’est alors que des synchronicités vont apparaître. Je fais là un clin d’œil au psychanalyste Jung, père des synchronicités : « occurrence simultanée d’au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit».
Une odeur suave de mystère émane de ce roman bien construit, fluide et extrêmement tendre.
Quelques histoires de pythie ou de Sybille viennent valider le réalisme de ce qui aurait pu passer de prime abord pour des extravagances, des croyances surnaturelles ou culturelles importées du Pérou natal de Pilar (Pilar est l’employée de maison amie, adepte des signes et de l’instinct qu’elle nomme petite voix).
L’autrice, avec douceur et bienveillance, a imaginé un voyage préparatoire que l’âme entreprendrait pour récupérer les traces de sa vie dans le but de partir en paix.
En langage informatique on parlerait d’un nettoyage de la mémoire du disque dur et d’une bonne mise à jour.
Et au sein de cette étrange famille, dans cette « maison au figuier », j’ai compris que « si quelqu’un n’écoute jamais sa petite voix, elle ne parle plus », et je me suis sentie tout simplement…bien, en phase avec la vie ces femmes et leur quête, plus que jamais prête à faire confiance à ma petite voix.
Je vous avoue maintenant avoir consulté la pythie de Delphes avant lecture pour savoir si ce livre était bon pour moi ou non, et une fois le feu vert obtenu, je l’ai dévoré ! À vous de voir si vous ferez de même… ou si vous vous fierez à cet avis… et plus encore à votre petite voix.
AVIS DE LA PAGE 100
Un huit-clos familial et exclusivement féminin ! Cinq femmes sont réunies autour de Teresa, la grand-mère dont on craint désormais la mort imminente, et qui, ayant perdu parole et mémoire depuis dix ans, passe ses nuits et ses jours dans son lit
Une odeur suave de mystère règne depuis le début. Une tension sous-jacente permanente me promet la révélation d’un secret de famille. De nombreuses allusions au monde de l’au-delà et à la mythologie m’intriguent beaucoup.
Et dans cette atmosphère étrange, je me sens pourtant très calme et à l’aise avec ces femmes, presque en famille !
Ce roman nous propulse dans une histoire de famille intense. Teresa, qui est la grand-mère de la famille, est entrain de décéder. Toute la famille se réunit alors pour l'accompagner dans ses derniers instants. Toutes ces femmes se remémorent les souvenirs de leurs vies. Chacune à leur tour, elles se dévoilent un peu, avouant des secrets en faisant émerger d'autres. Chacune se penche sur Teresa et lui livre son âme. Teresa se montre une oreille attentive. Au fil des heures, les liens entre ses femmes se soudent et l'on voit comment leurs vies se sont entremêlées. Cette histoire est vraiment très touchante et j'adore les histoires de famille. Cette dernière est vraiment émouvante car toutes ces femmes n'ont pas eu des vies faciles notamment d'un point de vue amoureux.
Les personnages sont admirables d'humanité. Chaque femme a sa personnalité, son propre parcours et ses cicatrices qu'elle traîne inexorablement derrière elle. J'ai particulièrement apprécié l'habileté de l'autrice à nous dévoiler des pans de ses protagonistes. Toutes ces sensibilités s'entrechoquent et tout cela crée une atmosphère spéciale autour du personnage de Teresa. Car, même si cette dernière ne parle pas et ne bouge pas, elle est au centre de tout. Toutes les histoires convergent vers elle, pour in fine, raconter sa vie.
Stylistiquement parlant, j'ai trouvé cela très riche. Arianna Cecconi alterne les histoires de vie avec habileté. Certains passages écrits en italique mettent en avant des moments clés de la vie des protagonistes. J'ai beaucoup aimé la sensibilité dans l'écriture et les mots choisis avec délicatesse.
Les oracles de Teresa est donc un roman terriblement émouvant mais également rempli de poésie.
http://aufildesplumesblog.wordpress.com
Les explorateurs de la rentrée :
Teresa, personnage éponyme est la Mamée de la maison du Figuier, l'aïeule d'une famille de filles. Rusi, sa cousine, Pilar son aide et amie Péruvienne veillent sur elle depuis qu'elle a cessé de parler et de marcher. 10 ans que tout s'organise autour de son lit médicalisé installé dans le salon. Elle vit ses derniers jours et réunit autour d'elle ses filles, Flora et Irene, sa petite fille Nina. C'est naturellement cette dernière qui raconte ces quelques jours et nuits de huis clos, cette attente de la mort pendant laquelle remontent au grand jour les souvenirs.
Le roman relate un moment intime et pourtant universel d'une famille : une veillée funèbre. Dans cette période particulière d'avant la mort, la nostalgie, le chagrin mais aussi la joie s'alternent chez les personnages. L'atmosphère de cette veillée est particulière et surtout active : c'est le temps des confessions et des confidences. Sorcière ou magicienne, malgré sa situation, Teresa envoie des signes à celles qui la veillent. Et comme les gris-gris accrochés aux barreaux de son lit tels autant d'ex-voto, les objets, le vent prennent vie et participent de cette ambiance mystérieuse, ésotérique qui enveloppe les femmes. Des objets, symboles du passé réapparaissent et changent de mains, se transmettent de femme à femme. La nature même participe de mystère : le vent, les papillons, les feuilles du figuier... Cette atmosphère quasi magique m'a envoûtée. D'autant que ces signes lèvent le coin d'un secret, dénouent les situations, libèrent les femmes de leurs peurs : peur de vivre pour soi même. Chacune des femmes se confronte à sa relation avec Teresa et avec les autres. Chacune évoque un secret ressorti d'outre-tombe, de ce long moment de silence imposé par la Mamée.
Dans ce roman, il est question de la mort, de l'âme par le biais de prêtresses : Rusi, fervente chrétienne et Pilar, croyante Péruvienne, décryptent pour les profanes les us et coutumes du passage vers la mort. Mais l'âme de Teresa en explorant son passé et ses peurs permet d'évoquer la vie et surtout l'amour. Teresa a eu une vie difficile : mariée à Antonio, un taiseux, un mariage sans amour apparent aux yeux des autres, un secret à garder pour soi. Sa trajectoire devient un modèle à suivre ou à éviter pour les femmes de sa famille et oriente leur destin. Malgré la gravité du moment, le roman allie l'émotion, gravité mais aussi de l'humour. Pilar se révèle avec ses réflexions et références à son pays d'origine un personnage atypique, qui amène un regard original. Un personnage auquel on s'attache.
Le roman est un assemblage passionnant d'histoires personnelles de toutes ces femmes réunies autour de Teresa, d'aveux, de confessions de secrets omis, cachés enfin déterrés qui ouvrent la perspective d'un avenir individuel pour chacune, d'un retour aux sources de la vérité. "L'histoire se recoud toute seule, c'est comme un tissu, l'histoire." C'est un enchevêtrement savant de destins que j'ai aimés découvrir en même temps que ces femmes. Découvrir grâce aux révélations des femmes de cette famille le secret de Teresa mais aussi le secret de chacune des personnages, leurs espoirs cachés m'a vraiment plu. Les oracles de Teresa est un roman intimiste qui invite à entrer dans l' histoire familiale de femmes et de participer à la transmission. Qu'il m'a été agréable de ressentir la tendresse et l'amour entre ces femmes.
Page 100 Les explorateurs
Quatre femmes autour de Teresa, la Mamée qui depuis 10 ans, muette et inerte, transformée en statue antique, ne vit plus réellement dans ce monde; l'aïeule qui va mourir "c'est une question d'heures". Un temps d'attente pour se retrouver dans la maison familiale, pour se souvenir, pour rêver, pour se trouver et se re-construire. C'est ce que font ses filles, Irene et Flora, sa petite fille Nina, leur cousine Rusi et Pilar, l'aide-amie...Et comment attend-on la mort ? Avec des histoires de femmes, de famille, de destin...avec des récits de vie comme je les aime : secrets, non-dits, doux et amers.
Arianna Cecconi est anthropologue, elle a étudié le sommeil, ses rêves, entre les Andes, la Toscane et Marseille, un sujet de recherche qu'elle a d'ailleurs eu à cœur d'instiller à l'intrigue de son roman. Je ne sais pas si ce titre sera un des romans remarqués de la rentrée parmi les cinq cents et quelques ouvrages qui seront publiés car c'est un récit tout en finesse et discrétion qui ne satisfera peut-être pas la curiosité avide de rebondissements, retournements de situation ou de suspens insoutenables. Point de tout cela, ici, en effet, le pouvoir de suggestion du langage et des sens est davantage mis en avant, langueur, calme, retenue et délicatesse. J'ai passé personnellement un agréable moment de lecture avec cette histoire de famille, où les hommes ne sont présents que par intermittence ou par le prisme de la mémoire ou des photos. Peut-être aussi que Teresa me ramène à mes propres souvenirs avec ma grand-mère, italienne, elle aussi.
C'est un récit empreint d'une certaine suavité, un charme discret mais certain, celle d'une attente qui n'en finit plus, celle de cette grand-mère qui se meurt lentement tandis que les souvenirs remontent au sein de cette drôle de famille, constituée de trois générations de femmes, dont Nina, la narratrice. Il n'y a pas vraiment de surprises au menu, on se doute effectivement que l'annonce de la mort de l'aïeule va provoquer quelques remous, on attend patiemment de savoir. J'ai été intriguée dès le début par cette absence d'hommes dans ce qui reste de cette famille : comme si les hommes n'avaient pas d'avenir ou ces femmes étaient par avance destinées à vivre dans une solitude certaine, perpétuant ce sort de génération en génération, féminine bien entendu.
Ce n'est pas tant le langage que j'ai apprécié dans ce paisible roman, c'est au contraire ce qui n'est pas dit, le silence dont chacune des protagonistes s'entoure et se meut, qui a levé au fil des années comme la pâte crue et collante d'une brioche chaude et sucrée, réconfortant, mais qui va devoir être rompu, forcément, à la mort de Teresa. Et pourtant, lorsqu'elles le font, ces quatre femmes parlent chacune d'un langage différent, la cousine Rusi par la piété dans laquelle elle s'est réfugiée, Flora par les mots de la littérature, Irene par son envie d'ailleurs, Pilar par ses mots, improbable mélange de quechua et d'italien, et Nina. Et naturellement, le silence de Teresa qui dure depuis dix ans, ou depuis toujours. Lectrice, j'ai compris les choses par cette focalisation omnisciente qui vagabonde de femme en femme, remuant le passé, les non-dits qui resteront des non-dits pour l'éternité certes, mais que chacune d'entre elle a compris. Car les quelques jours passés ensemble au chevet de la mourante ont fini par tisser des liens plus profonds entre elle, au-delà même des liens du sang, qui parachève cet embryon de famille qui a fini par en avoir le titre finalement. Ce que j'ai aimé, profondément, dans ce roman, c'est la façon dont l'auteur évoque en douceur, avec délicatesse, finesse et élégance les tréfonds les plus reclus du passé, les personnalités les sombres, les relations les plus difficiles, les secrets les plus lourds.
Teresa s'efface peu à peu, laissant place aux cinq femmes qui restent : ce roman, ce drôle passage de témoin, d'une vie qui n'a rien d'un sprint suffoquant mais d'une course d'endurance, est à la fois tristesse, la mort d'une personnalité forte et aimée comme celle de Teresa ne peut laisser personne indifférent, et nous ramène chacune et chacun à nos propres séparations, mais la sérénité qui entoure ces adieux sont empreints d'une sagesse et d'une tendresse peu communes.
Pas de sensationnel dans ce roman, juste une façon particulière de dire, d'évoquer, des silences évocateurs, des non-dits plutôt que des paroles en l'air, des mots pour ne rien dire, l'essentiel est tu, mais dévoilé : le secret de Teresa se devine peu à peu. Le silence, maître mot de ce roman plein de délicatesse et de finesse, est celui de Teresa depuis dix ans, des femmes, qui s'observent, mais n'échangent pas vraiment, les rêves, les apparitions, les images, les photographies parlent pour elle. La mort de Teresa la matriarche, à l'image du reste du roman, se fait dans la douceur, est forte en symbolique, clôt un cycle ou Les hommes sont les grands absents de ce roman. Chacune des femmes va devoir se réinventer après elle, les rôles se réattribuer, la famille prendra une nouvelle forme, pour lui redonner un équilibre en laissant sa place et sa chance au sexe masculin. Un peu de douceur ne fait pas de mal, j'ai apprécié celle de ce récit ou la famille se fait et se défait au rythme du pouls de ces femmes qui s'accélèrent ou ralentissent au gré des évènements.
Lecture P100
Je suis tombée sous le charme de cette famille un peu particulière, pas totalement italienne, et totalement matriarcale. La complexité des sentiments qui lie toutes ces femmes entre elles, dominée par une grande tendresse, rend cette famille, sur le point de dire Adieu à l'une des leurs, très émouvante. L'auteure prend son temps, sensibilité et douceur, pour percer les vérités de ces mères, sœurs, filles, tantes, amies, enfermées dans le silence héréditaire de cette famille. J'ai hâte de connaître la teneur du secret de Teresa, mais avant tout de poursuivre ma lecture de cette très agréable narration.
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