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Désormais écrivaine, Wang Chi-fang entreprend de raconter son enfance à Lucheng, une ville taïwanaise. Fille d’un fin gourmet, ses premiers émois sont gastronomiques. Aves ses amies, elle joue à la dînette, avec son père, elle goûte les mets les plus extraordinaires, parfois cuisinés secrètement dans le jardin familial. Au gré des soubresauts de l’Histoire, la cuisine de l’île se diversifie. Les Chinois continentaux, les Japonais, les Américains, tous viennent ajouter leurs spécialités culinaires et enrichissent ce patrimoine gustatif cher à Chi-fang qui décryptent les rapports entre les mythes, la politique et la cuisine.
C’est sous l’angle gastronomique que l’autrice Li Ang a choisi de nous faire découvrir l’histoire mouvementée de son île. En trois services, -entrée, plat, dessert-, elle brosse le portrait d’un pays qui a connu la guerre, la colonisation, la dictature et bien d’autres déboires. Mais Taïwan a de la ressource et a su se construire en s’appuyant sur ses traditions et en restant ouvertes aux influences extérieures. Du pangolin cuisiné en cachette, en passant par le curry japonais, les nouilles au bœuf offertes aux prisonniers politiques et jusqu’au moderne bubble tea, Li Ang décrit par le menu les habitudes culinaires de ses concitoyens en les associant à un moment de l’histoire de son pays. De quoi en apprendre un peu plus sur cette île assez méconnue sous nos latitudes.
Si l’écriture de l’autrice ne s’encombre pas d’un style particulier, son concept historico-gastronomique est une façon originale de raconter Taïwan. Certains chapitres sont plus intéressants que d’autres, celui consacré aux mets aphrodisiaques est un peu long et très sexualisé. Mais il entre parfaitement dans le cadre d’un roman qui fait appel à tous les sens.
Pas forcément littéraire mais très instructif, Le banquet aphrodisiaque se révèle surprenant, original et très intéressant. A découvrir.
Li Ang parle de son pays, de ses traditions, de ses coutumes, de son histoire à travers sa protagoniste, d'abord petite fille, Wang Chi-fang, et sa famille, sa mère et la cuisinière Mandarine et son père devenu fin gastronome qui ne trouve rien meilleur que la cuisine traditionnelle de son pays. "Si les ingrédients d'un plat -le riz, les légumes, le porc, le poulet proviennent du même terroir, le goût sera comme il faut puisque c'est le terroir qui depuis des siècles travaille à harmoniser leurs saveurs." (p.68) Un retour à cette simplicité serait sûrement souhaitable de nos jours, même si la cuisine métissée me manquerait terriblement et notamment le curry dont je suis un adepte bien que j'aie connu ce mélange tardivement : "Comme sa famille en consommait peu, Wang Chi-fang avait longtemps cru que le curry était une plante dont on récoltait les feuilles ou les racines qu'on faisait sécher avant de les réduire en poudre." (p.67)
Ce roman construit comme un menu avec ses entrées, ses plats et ses desserts pourra mettre mal à l'aise les végétariens ou végans notamment dans ses premières parties consacrées à des animaux que l'on n'a pas l'habitude de consommer par ici, et notamment certain devenu célèbre malgré lui pour son origine soupçonnée dans la COVID, le pangolin. Ces préparations culinaires sont un biais pour parler de l'histoire du pays, de la colonisation japonaise jusqu'à nos jours. Li Ang semble faire allusion à des personnages connus et la postface de Gwennael Gaffric, le directeur de la collection Taïwan fiction chez L'Asiathèque permet de mettre des noms sur des personnages esquissés et de préciser certaines notions évoquées qui pourraient faire défaut au lecteur -qui m'ont fait défaut- donc merci M. le postfacier pour vos éclairages.
J'ai bien aimé également le fait que, en fonction des chapitres et du thème abordé, le champ lexical change, parfois imperceptiblement comme notamment dans le chapitre Gourmandises aphrodisiaques, où les mots ou expressions choisis jouent sur leur double sens -ou alors, c'est moi qui suis un obsédé, mais je préfère croire que c'est l'autrice qui a su user des bons vocables et la traductrice, Coraline Jortay qui a su retranscrire l'atmosphère, les jeux de mots.
Bref, tout cela pour dire que ce roman, très original, non dénué d'humour, de sarcasmes est une jolie découverte. Aisé à lire, il ne faudra pas néanmoins négliger de lire la postface pour en augmenter la saveur.
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