"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le renouveau est possible pour tous.
Ali Smith, que je découvre, m'a d'emblée interpellé par son écriture. L'écriture m'a semblé comme sortie de son cerveau quasi comme des boulets de canon tirés les uns après les autres, sans relâche, sans temps mort. Au début c'est plus marquant que par la suite où elle va modifier la structure et le style en y faisant entrer la douceur. Ali Smith a su faire évoluer l'écriture au fur et à mesure de la métamorphose du psychisme de ses personnages, des variations des paysages. C'est subtilement fait.
L'autrice s'empare en connaisseuse de la misère cachée de nos sociétés contemporaines ; c'est indéniablement vécu, éprouvé.
Les cinq personnages principaux partent d'existences très différentes les unes des autres, pour finalement essayer d'atteindre ce que tout un chacun se souhaite, à savoir un monde plus lumineux qu'il ne l'est en apparence. Oui, car pour Smith tout n'est qu'une question d'apparence, la réalité se sculpte.
Je précise que ce roman n'a rien à voir avec un livre type feel good,
Trois mots sur les personnages.
Patricia dite Paddy, meurt bien trop tôt d'une saloperie de maladie, ce qui va entrainer Richard vers un début de dérive. Il quitte Londres et son monde de scénariste pour le nord de l'Ecosse. Sa femme l'a quitté vingt ans plus tôt, emportant sa fille dans la foulée. La mort de Paddy est comme le choc de trop.
Il va croiser Bretagne, dite Bret, surveillante d'un centre de migrants à l'ambiance absolument insupportable.
Puis entre en jeu deux personnages par qui le salut de tous est possible. Florence, la fillette secoue par sa maturité et son élan à vouloir réveiller cette société qui ne sait plus se tenir, qui ne sait plus se comporter en humain.
Alda, la bibliothécaire vivant dans une camionnette à café, arrive à insuffler le changement. Elle les éloignera loin de ce monde trop moche, trop rude pour eux.
J'aurais presque oublié un sixième personnage : les paysages. Personnage noble et somptueux.
Tout est ici au rendez-vous, le social, le sexuel, l'esthétique, la possible beauté humaine, la nature.
Le roman d'Ali Smith est particulièrement déroutant !
Si elle oscille entre un humour noir très british et une forme de poésie très personnelle - on ne sait jamais vraiment où on se situe - elle vise surtout à pointer du doigt les travers de nos sociétés et à réfléchir sur notre condition.
Au coeur des propos : le Brexit, le racisme, l'aliénation administrative, l'art et les rapports hommes-femmes ou multi-générationnels…
Pauline Boty, seule peintre féminine du mouvement pop art, est également au centre de l'attention de nos deux protagonistes : ses tableaux ultra-féministes, son art rebelle et visionnaire, en font forcément une personnalité forte et conflictuelle pour la société des années 60…
Daniel a connu l'artiste, Elisabeth prolonge l'histoire en l'étudiant (Boty est décédée jeune) : peut-être vise-t-elle à mieux comprendre qui est Daniel ?
L'arrière-saison nous dévoilera-t-elle ses derniers secrets ?
Daniel Gluck est un très vieil homme qui vit seul dans une maison de retraite. Il ne reçoit aucune visite sauf celle d’Elisabeth Demand qui vient lui faire la lecture régulièrement.
Daniel était le voisin d’Elisabeth à l’époque où elle était encore enfant. Avec lui elle a découvert le pouvoir de l’imagination, des mots, de l’art, de la littérature. Elle n’a pas oublié cette présence rassurante et ce repère dans sa vie de petite fille qui vivait seule avec sa mère.
Mon avis est très partagé sur ce livre. J’ai littéralement adoré le style de l’auteur, tout en sensibilité et retenue mais à la fois extrêmement fort.
Mais je n’ai pas très bien compris où nous menait l’histoire.
Peut-être faut-il simplement accepter de se laisser porter par les méandres de la mémoire des personnages, par leurs rêves et l’exploration de leurs pensées.
En contrepoint, Ali Smith nous parle de notre société moderne, de la solitude, de la peur de l’autre, du Brexit.
L’ensemble est assez déconcertant et je me suis assez vite sentie perdue au milieu de tous ces morceaux de vie éclatés et qui sont ici rassemblés de manière disparate.
Mais je me suis aussi sentie une grande affection pour le duo insolite que forment Elisabeth et Daniel.
Bref, un livre que je ne regrette pas d’avoir lu tant il a bousculé mon cadre de lecture habituel.
Elisabeth, jeune professeur d’art, n’a jamais oublié le vieux voisin, un peu excentrique mais si gentil et si cultivé, qui, lorsqu'elle était enfant, lui a fait découvrir un monde de rêves, celui de l’art et de la littérature. Elle est la seule à lui rendre régulièrement visite, dans la maison de retraite où, centenaire, il ne fait plus grand-chose d’autre que dormir. Autour d’eux et de leur tendresse, la vie de tous les jours continue, avec ses tracasseries et ses absurdités, au lendemain du Brexit qui divise l’Angleterre.
Très décousu, ce roman ressemble aux collages de l’artiste de Pop Art anglaise, Pauline Boty, qu’il met à l’honneur et m’a fait découvrir. C’est un véritable patchwork d’images et de symboles, tous représentatifs des dérives d’une société confrontée à ses contradictions jusqu’à l’aberration : une œuvre contestataire, destinée à faire sentir le malaise de l’auteur face à l’Angleterre d’aujourd’hui, au travers d’un texte surréaliste, poussé jusqu’aux limites de l’absurde.
Sans doute ce livre parle-t-il davantage aux Britanniques, qui se souviennent sans doute, eux, du scandale de l’affaire Profumo en 1963, provoquée par la liaison entre un membre du gouvernement et la danseuse de cabaret Christine Keeler, elle-même compromise par sa relation en pleine guerre froide avec un ami soviétique ? Aujourd’hui, Ali Smith dénonce les mensonges politiques qui ont conduit au Brexit et au déchirement du pays, la xénophobie et la peur des migrants, les inepties quotidiennes que vivent les citoyens confrontés à une administration tracassière et dysfonctionnelle.
Personnellement, j’ai surtout ressenti un ennui déconcerté et une croissante irritation à essayer tant bien que mal de comprendre un tant soit peu ce livre étrange et déroutant, ce « collage » littéraire à la limite de l’abscons, que j’ai dû me forcer à terminer.
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