Il a traversé le monde pour créer la première communauté de cultivateurs et mangeurs de noix de coco : August Engelhaldt monte en 1902 sur L’Imperium, bateau qui donne son nom au roman de Christian Kracht (Phébus), avec ses mille livres et sa queue de cheval, et un projet fou mais têtu : créer les conditions d’un monde vegan, proche de la nature, où les humains pourraient vivre dévêtus. Un ambitieux décroissant avant l’heure. Le voilà arrivé en Papousie-Nouvelle-Guinée, dans ce qu’on appelle encore alors l’archipel Bismarck.
Cet Allemand déterminé, lettré et dans sa ferme jeunesse, va s’installer parmi une quarantaine d’autochtones sur l’île de Kabakon et appliquer pendant le reste de ses jours ses préceptes cocovores. Il passera en effet le reste de sa vie à manger des noix de coco et seulement des noix de coco. Une sorte de performance artistique qui l’absorbera au point de traverser la première moitié du 20e siècle jusqu’à sa mort, en passant totalement à côté de l’histoire de son temps.
Vous aimerez Imperium (Phébus), de Christian Kracht, traduit par Corinna Gepner
pour trois raisons :
- August Engelhardt a réellement existé, même s’il termine ses jours juste après la première guerre mondiale quand Christian Kracht prolonge la vie de son héros jusqu’après la fin de la deuxième guerre mondiale.
- L’auteur amène à une réflexion passionnante sur les conséquences de dogmes idéalistes et radicaux appliqués pour changer la relation de l’homme avec la nature. Engelhardt nait la même année que Gandhi, il a lu Thoreau et d’autres textes des pionniers du végétarisme. Seulement chez lui, l’idéal de la noix de coco théosophique se transforme en idéologie, un végétalisme compris jusqu’à la folie anthropophage. Kracht a voulu montrer comment le dogmatisme de son personnage va rejoindre les grandes pestes du 20e siècle : la dictature, l’antisémitisme et l’intolérance au sens le plus large.
- Enfin, si le héros du livre n’a pas d’humour, son auteur en a, quant à lui, beaucoup. Et une distance savoureuse et extrêmement réfléchie vis à vis d’un personnage qu’il restitue dans une langue élégante et pleine de reliefs, qui tortille ses phrases comme à la belle Epoque.
Ajoutons enfin que Christian Kracht est l’un des intellectuels germanophones les plus en vue actuellement et qu’il est traduit en 25 langues. Son Faserland, publié en 1995 est à la culture allemande ce que représente Génération X de Douglas Coupland, publié en 1991, chez les anglo-saxons. C’est à dire un livre culte sur la génération des années 80’s et 90’s. Imperium est son avant-dernier roman qui vient juste de sortir aux éditions Phébus. Un petit bijou, roman bref mais très efficace, et un auteur à ne pas oublier.
Un roman d’aventures garanti sans protéine animale. Aucun animal n’a été blessé pendant l’histoire.
Pour les amateurs d’aventures burlesques et horrifiques.