Karine Tuil, écrivain : romancière de la vérité.
D’emblée elle avoue un penchant pour les anti-héros, ceux qui refusent les compromissions. « Dans mes livres, j’aime les gens qui échouent ». Karine Tuil est avant tout un écrivain qui se laisse traverser par le monde alentour, qui en catalyse les questionnements et qui prend le temps de sentir, goûter et vivre, avant de prendre la plume. « Cioran dit qu’un livre doit être dangereux, qu’il doit donner à réfléchir, explique-t-elle. Je crois aussi qu’un livre ne doit pas seulement divertir. À ce titre, un succès est une sorte de malentendu : un écrivain ne cherche pas à toucher le plus grand nombre ». Karine Tuil ne cherche pas à plaire, mais tant pis : son premier livre paru en 2000, Pour le pire, est plébiscité par les libraires français, quand son deuxième, Interdit, la quête identitaire d’un vieux juif traité sur le mode burlesque, est cité sur la liste du Prix Goncourt l’année suivante. Elle a une langue, ses lecteurs le savent, les critiques et les libraires attendent ses livres. Et c’est ainsi de ses six romans suivants : dans la veine tragi-comique qu’elle dessine si bien, avec notamment Quand j’étais drôle en 2005, ou dans une langue qui alpague le lecteur au col, celle de Douce France en 2007 qui dit la réalité du fonctionnement des centres de rétention, ou de Six mois, six jours en 2010, son dernier roman à ce jour.
Pour Karine Tuil, la littérature a commencé avec sa mère. « Elle me donnait à lire tout ce qu’elle lisait, et elle adorait la littérature. J’ai ainsi lu des textes de Bukowski ou d’Henry Miller avant l’heure. La littérature était un espace de liberté totale ». Dans son panthéon littéraire se croisent Kafka, Faulkner, ou encore Philip Roth, Camus, Bataille, les figures tutélaires d’Albert Cohen et Saul Bellow qui résonnent en contrepoint de la langue puissante de Gombrowicz. Des admirations littéraires qu’elle côtoie désormais comme écrivain. « J’ai toujours voulu écrire. Je suis solitaire et j’ai choisi un métier qui correspond à ma nature. Non sans avoir au préalable étudié le droit pendant huit années pour rassurer mes parents ».
Actuellement, Karine Tuil travaille sur le manuscrit d’un livre, mais aussi sur un film, tout en s’investissant activement dans son rôle de juré du Prix Orange du livre. « J’ai tout de suite dit oui même si j’ai beaucoup de travail en ce moment. J’aime ce travail de juré parce que je lis beaucoup et que je m’intéresse au travail des écrivains ». Se réjouissant des nombreuses réunions entre jurés jusqu’aux délibérations, et de l’implication d’Erik Orsenna, le président du Prix, Karine Tuil remarque avec justesse la principale différence du Prix Orange avec les autres prix littéraires : « Nous sélectionnons les cinq challengers et c’est le public des internautes qui les départage ». Le point de vue des autres jurés l’intéresse, « car tous semblent très investis dans ce prix et c’est important pour moi : la littérature est une affaire sérieuse ».