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La lutte est le sport le plus populaire au Sénégal, bien avant le football. Ce livre raconte le combat entre trois lutteurs de génie qui se disputent le titre de « roi des arènes » :
Tyson, Yékini et Balla Gaye 2. Chacun incarne une facette bien particulière de la lutte.
Originaire d'une petite île où la lutte puise ses racines, Yékini représente la tradition pure et résiste au système médiatique, politique et financier, au grand dam de ses sponsors.
Cette BD des éditions FLBLB intitulée Yékini le roi des arènes est une plongée dans le Sénégal d'aujourd'hui, par le biais du sport et plus précisément du sport national, la lutte, qui supplante largement le football. Yékini est un lutteur vertueux qui s'est élevé à force de travail et d'abnégation. Ce personnage réel est un des principaux protagonistes de cette BD, en effet il partage l'affiche avec deux autres lutteurs, tout aussi réels, Balla Gaye 2 et Tyson. Ces trois personnages occupent l'espace de la BD qui lorgne vers le documentaire tout en resserrant le propos en une réelle fiction.
J'ai lu avec plaisir cette BD, intéressante à plusieurs points de vue : l'aspect documentaire évident, l'humour présent surtout dans les échanges entre les personnages et une façon de mélanger les styles. L'album est plutôt inclassable du fait de ces mélanges de genre. Le sport est évoqué bien sur mais à travers lui, les dérives issues du marketing et de la publicité sont aussi présentées.
Les planches accueillent aussi l'ex-président Wade, ainsi que son fils, et sa façon de diriger le pays, plutôt dictatoriale. Les rapports entre la jeunesse désorientée et les plus âgés sont aussi présentés, à travers les trois lutteurs précédemment évoqués. Les jeunes sont avides d'un dieu à vénérer, au choix Tyson l'admirateur des Etats-Unis, Yékini le partisan des coutumes ancestrales ou Balla Gaye 2 le rebelle...
Les deux jeunes auteurs Lisa Lugrin et Clément Xavier sont inventifs dans leur façon de construire leur BD. A quatre mains, ils insèrent des articles de presse, des photos et même des planches de BD à la gloire de Yékini... Les dessins sont plutôt simples voire naïfs, en noir et blanc. Pas de fioritures, pas de réel style, ce qui semble important ici sont plutôt les faits évoqués, les coutumes du Sénégal, un peu comme un reportage. Ils orientent leur travail vers le documentaire, en évoquant notamment la guerre civile en Casamance, mais ne s'interdisent pas l'humour, ce qui rend cet album très attachant. J'ai moins aimé le manque de liens entre les différents parcours des personnages présentés. Mais globalement, Yékini le roi des arènes est un bel album, différent, frais et novateur. A découvrir.
Le 1er Janvier 2006, Tyson, jeune lion affamé de la nouvelle génération des lutteurs sénégalais, affronte la légende Yékeni, 14 victoires - 0 défaites, 1,92 m et 140 kilos au travail. Le titre de "Roi des Arènes" est remis en jeu. Cette rencontre au sommet dûment exploitée par les promoteurs et les sponsors de tout ordre est un spectacle à la hauteur de l'affiche. Un mélange de tradition millénaire et de grand show à l'américaine. Les spectateurs sont extatiques. L'affrontement des colosses est une délivrance, le dénouement, une consécration. Le nouveau Roi des Arènes est intronisé. Yakhia Diop alias "Yékini" terminera sa carrière avec un palmarès inédit 21 combats, 19 victoires, 1 nul (probablement truqué) et 1 défaite contre l'impétueux Balla Gaye 2 (« don’t care ») qui scellera la fin de ces quelques 15 années de carrière. De ce destin hors du commun, Lisa Lugrin et Clément Xavier tirent une belle fiction, mi-reportage, mi-biographie et profite de ce voyage pour nous faire découvrir les mutations de ce sport traditionnel africain.
Car la tradition, c'est le moule de Yékeni. Sur l'île de Bassoul, on subsiste de la pêche et l'on joue avec ce ballon rond qui éclipse peu à peu la lutte africaine. C'est d'ailleurs pourquoi le jeune Yakhia, fan de foot, adoptera comme pseudonyme le nom du célèbre attaquant nigérien. La lutte requiert "sérieux et discipline" loin des paillettes du star-system du sport-business. Les cachets se négocient souvent en nature : ciment, tôle ondulée.
Un sport poussiéreux où les entraîneurs s'effacent le jour des combats devant les marabouts. Il faut se parer du talisman et des gri-gris les plus puissants, rivaliser de sortilèges, éviter les attaques mystiques de ses adversaires. Dépoussiérer ce sport, c'est l'affaire des promoteurs, des sponsors, des médias. Comment exploiter l'image de ce colosse terne et droit ? Comment déboulonner de son piédestal ce lutteur incorruptible dont le talent lasse une audience avide de scoop et de suspense ? Un vrai casse-tête pour les businessmen de tout ordre qui exploitent ce filon avec avidité. Heureusement que la jeune génération éduquée et arrogante (et qui sait lire les contrats) est capable de faire monter et les cachets, et les tirages. Yekini, lui, est en lutte ; en lutte contre ces " ennemis puissants, qui peuvent changer la réalité, prendre ses victoires et en faire des matchs nuls et pourquoi pas des défaites tant qu'ils y sont !". Un acte de résistance au système économique, politique et financier. Un « one-shot » réussi mêlant mangas, comics, incrustation médias et photos sous un trait simple et nerveux. A découvrir pour le voyage qu’il nous fait faire.
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