Rentrée littéraire, de Vincent Van Gogh à Claude Monet, de Blaise Cendrars et Erik Satie
A la suite d'une confusion, c'est avec la dépouille d'un inconnu qu'Isabelle Rimbaud fait le trajet de Marseille à Charleville.
Déjouant les pronostics des médecins, Arthur, lui, se remet.
Et ce sont les journaux qui lui apprennent sa mort...
Jadis poète, naguère marchand, Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud sera-t-il capable de s'inventer un troisième destin ?
Relancé dans la tourmente de l'histoire, de l'affaire Dreyfus aux tranchées de la Première Guerre mondiale ; assistant stupéfait à l'élaboration de son propre mythe, à la construction de sa légende littéraire, celui qui écrivit « Je est un autre » avait-il imaginé à quel point cette phrase se révélerait prophétique ?
Rentrée littéraire, de Vincent Van Gogh à Claude Monet, de Blaise Cendrars et Erik Satie
Les chroniques sont en ligne ! A découvrir pour avoir des idées de lecture...
Plus que quelques jours avant les premières chroniques de nos #explolecteurs, venez découvrir les avis de la page 100 !
Ceux qui suivent la carrière de Thierry Beinstingel ne seront pas surpris de voir l’auteur s’emparer de la vie d’Arthur Rimbaud. «Faux Nègres » était un titre emprunté à l’auteur des Illuminations et cette plongée dans les Ardennes était déjà l’occasion pour lui d’évoquer le poète et, sans doute, de poser les jalons de ce roman qui imagine ce qui se serait passé si le jeune homme n’était pas mort à l’hôpital de la Conception de Marseille le 10 novembre 1891 d’une tumeur au genou.
À la suite du fâcheux concours de circonstances, la dépouille d’un pauvre hère est confondue avec celle du poète et sa sœur Isabelle se voit confier le cadavre d’un inconnu qu’elle va accompagner jusqu’à sa dernière demeure.
Pendant ce temps Arthur Rimbaud se remet de sa maladie et voit là l’opportunité de commencer une nouvelle vie. Il s’appellera Nicolas Cabanis et, s’il a une jambe en moins, il a aussi une vie à rattraper.
Il prend la direction du nord, veut se rapprocher de ses terres natales mais rester fidèle à sa promesse de ne plus écrire de poésie. Par étapes, il va devenir un entrepreneur respecté sous le pseudonyme de Nicolas Cabanis. Il seconde d’abord un horloger, avant de s’associer avec l’exploitant d’une carrière de marbre.
De sa vie antérieure, il ne veut rien retenir, si ce n’est une dette envers Djami qui l’a accompagné durant ses expéditions. En se faisant passer pour un ami africain d’Arthur, il va prier sa sœur Isabelle de lui faire parvenir une somme d’argent. Cette dernière sera du reste la seule à connaître le subterfuge et à rendre visite à Nicolas, à partager quelques instants de cette nouvelle vie.
Si elle croise Marie, l’épouse de Nicolas, suivra la naissance de leurs enfants et comprendra la douleur de son frère quand sa jeune épouse mourra, elle mettra davantage d’énergie à faire vivre l’œuvre du poète. On la voit contacter éditeurs, journalistes, écrivains pour reprendre point par point ce qui se publie. Elle souligne les erreurs, les contresens, argumente, va chercher des informations et corrige. Un acharnement qui ira jusqu’à énerver Verlaine, mais permettra aussi de ne pas oublier les merveilleux textes qu’il a laissés. Son beau-frère, Paterne Berrichon, sera lui aussi un ardent défenseur et illustrateur de sa vie et de son œuvre, lançant par exemple la souscription au monument à Arthur Rimbaud et rassemblant écrivains et artistes.
Nicolas lui a choisi de tirer un trait sur ce passé. Et si, en parcourant la presse, il découvre ce qu’on dit de lui, il n’en retire qu’amertume et incompréhension. Ses exégètes font tous abstraction des quinze années en Afrique qui l’avaient profondément changé. Il était devenu «un homme courageux qui construisait sa vie dans ces contrées inhospitalières.»
Tout juste peut-il esquisser un sourire en découvrant le texte de son ancien professeur de rhétorique Georges Izambard retraçant les facéties de son élève. Les hommages et même les rééditions de ces textes ne l’intéressent plus. Les poètes sont « maudits car on décide pour eux, on parle en leur nom, mais toujours derrière eux, toujours en retard.»
Il s’intéresse davantage à l’économie, aux progrès des techniques. Il n’a de cesse de développer son entreprise, d’installer des machines, d’associer des compétences.
Pour Thierry Beinstingel, cet engagement total apporte la preuve que l’homme n’a pas changé. Il a déjà été meneur d’hommes en tant que poète, en «traînant à sa suite les rimailleurs hésitants», puis en tant que négociant en Afrique où il a su s’entourer des «caravaniers les plus hardis» et désormais en tant que gérant, en dirigeant «cent métiers».
Mais cette belle carrière va se heurter à la folie des hommes. La Première Guerre mondiale va le plonger de un grand dénuement, victime et témoin, seul et entouré de centaines de morts et de blessés.
Pourtant l’auteur du Bateau Ivre saura une fois encore rebondir et se glisser «avec entrain et sans regret dans sa troisième vie».
S’il apparaît que l’exofiction – un genre littéraire qui crée une fiction à partir d’éléments réels – marque une tendance lourde de cette rentrée littéraire, alors on peut se réjouir. Surtout si tous les romans sont de la veine de celui-ci, à savoir solidement documentés. Car ce n’est qu’ainsi que l’uchronie prend tout son sens, en crédibilisant le scénario imaginé. C’est le cas ici et c’est pourquoi je vous conseille la découverte de cette vie prolongée.
http://urlz.fr/41O9
Les 100 premières pages
On est un peu déstabilisé au début de cette uchronie , Arthur Rimbaud qui ressuscite , ça surprend , surtout quand on éprouve une passion pour le poète .
Alors voilà : à la suite d'une erreur d'un employé ivre , c'est le cadavre d'un clochard qui s'en va rejoindre le caveau familial des Rimbaud à Charleville .
Quant au poète , contrairement à ce que pensait la médecine , il guérit , il est unijambiste certes , mais il part de Marseille sous un nom d'emprunt .
Il n'a alors de cesse de se rapprocher de ses Ardennes natales , sans toutefois désirer revoir de près sa famille , à l'exception de sa sœur qui l'a veillé à Marseille .
Il finit par trouver un travail dans une carrière de pierre en tant que gestionnaire .
Malgré quelques réticences au début , je me suis laissé embarquer dans cette histoire complètement rêvée .
Et puis , heureux hasard , le jour où j'ai reçu le livre , je portais un T-shirt à l'effigie de Rimbaud ...
Chronique complète
Ce roman est bien conçu , il est bien écrit , les lieux et les sentiments des personnages sont bien décrits .
On sent qu'il y a un travail de documentation important sur les conditions de vie fin 19ème siècle , aube du vingtième , et sur l'environnement culturel de l'époque , on découvre au passage un spécialiste de l'œuvre de Rimbaud , Paterne Berrichon .
Et puis on devine aisément une bonne connaissance de la poésie rimbaldienne , le livre est truffé de citations extraites de ses poèmes . On prend vraiment plaisir à se plonger dans ce roman .
Ce qui me gêne un peu , c'est le titre du roman , plutôt rebutant , pourquoi pas "la deuxième vie d'Arthur Rimbaud" ?
D'une certaine manière , ce livre est un hommage rendu à l'œuvre de Rimbaud , mais surtout au personnage , "l'homme aux semelles de vent" . Sa vie est déjà un roman à elle seule .
Et pour finir , je ne résiste pas à cette anecdote à propos de Charleville et du musée consacré à Arthur Rimbaud : en 2011 , après avoir donné un concert solo (avec deux danseuses de ballet ) dans le cadre du festival du Cabaret Vert (autre hommage au poète) , Peter Doherty a fait réveiller le conservateur du musée à trois heures du matin pour s'imprégner de la poésie de Rimbaud .
Je crois qu'Arthur Rimbaud aurait adoré ...
Rendez-vous de la page 100
C’est avec réserve que j’ai commencé ce roman. Je me méfie des biographies inventées de personnes célèbres qui sont souvent extrapolations sans intérêt.
Ce roman est une bonne surprise. Tout d’abord parce que l'auteur ayant imaginé qu'Arthur Rimbaud a changé d’identité, le personnage historique ne vient pas faire écran au personnage littéraire.
De plus, l’auteur arrive à mélanger habilement l’épopée de Nicolas avec le destin et les écrits d’Arthur Rimbaud. Il se sert de ce qui a existé pour créer du nouveau. Il ancre son roman dans la France de la fin du dix-neuvième siècle. Réalité et imagination concoctent un texte très intéressant.
Pour l’instant, je lis avec plaisir ce roman, en espérant qu’il ne s’essouffle pas dans les trois cents pages qui restent.
Chronique :
Pourquoi vouloir prolonger la vie d’Arthur Rimbaud, lui qui a déjà eu deux vies distinctes et riches ?
Thierry Beinstugel nous donne sa réponse : « Honorer, c’est figer et c’est toujours trahir. Ca commence par les difficultés de la représentation, l’infidélité des arts, mieux vaut l’abstrait, la fiction ou le roman pour imaginer et rendre. »
Il imagine donc une fiction : Rimbaud ayant survécu à sa maladie, vit sous une fausse identité pendant trente ans. Il se marie, a trois enfants, réussit professionnellement. Et grâce à cette histoire, il nous dresse le portrait d’une époque, il nous cite l’œuvre du poète, il nous raconte sa vie (la vraie), il nous parle de l’acte de créer, il nous décrit une légende qui s’ébauche.
Et tout cela par petites touches, intégré dans l’histoire, dans un style élégant au vocabulaire riche et précis.
En refermant le livre, j’ai eu l’impression de mieux comprendre la complexité d’Arthur Rimbaud dont on a dit tout et son contraire. Les citations, toutes placées habilement en résonnance avec cette troisième vie de Rimbaud m’ont rappelé des lectures d’adolescence, m’ont permis d’entrer dans ces textes pas très faciles, de savourer ces quelques lignes comme des pépites, d’aller me plonger dans les poèmes entiers.
Derrière la fiction, on sent une documentation solide, que ce soit littéraire, historique et sociologique.
J’ai retenu beaucoup de bonnes raisons de lire ce livre :
- L’intrigue qui m’a embarquée sans un moment d’ennui dans les trente ans de la vie de Nicolas/Arthur, maniant avec subtilité le rapport entre fiction et réalité ;
- La biographie documentée et experte qui se construit tout au long du texte ;
- L’œuvre de Rimbaud, citée à bon escient. Il est inutile d’être un lecteur averti de la poésie de Rimbaud pour apprécier ces citations ;
- L’analyse du rapport de l’artiste à la création. Cette analyse n’est pas exhaustive, mais elle permet à chacun de réfléchir sur la place de la création dans la vie ;
- Le plaisir d’un texte bien écrit, jamais pesant malgré des descriptions érudites, bien construit, qui ne m’a pas lâchée au fil des 400 pages.
Le livre s’est autant adressé à ma réflexion qu’à mon émotion. Ou plus exactement, il m’a permis de connaître par l’imagination et les sentiments. Objectif atteint, Monsieur Beinstingel.
Je n’ai pas été bouleversée, j’ai été conquise.
Exploratrice littéraire - Avis de la page 100:
Mon avis de la 100eme page, que je ne suis pas habituée à analyser. Ce n'est pas un exercice aisé.
Le style au début du roman est une véritable parti turion de musique. C'est un peu comme si le lecteur poussait la porte d'un conservatoire et était assailli par les sons qui progressivement prennent la forme d'une mélodie staccato. C'est rythmé, haché, déconcertant. Puis il entend l'orchestre dans son ensemble, prend un siège et se laisse happer.
Le lecteur, au moment précis de cette 100eme page commence à deviner les contours de ce destin prolongé d'Arthur Rimbaud, a s'attacher à cet échalas dégingandé. On verra bien ce qui l'attend. Comment va-t-il renouer avec sa sœur, mais surtout sa mère Vitalie, qui le croient mort et enterré?
Avis final:
Qui n'a jamais entendu parlé d'Arthur Rimbaud? Comme beaucoup, j'ai appris "Le dormeur du Val" à l'école, je sais également que c'était un très jeune poète, et l'amant de Verlaine. Mais cela s'arrête à peu près là. En réalité, le jeune poète a eu une vie bien tumultueuse, entre son entrée dans le monde de la littérature, le célèbre "drame de Bruxelles", il se cherche une vocation, d'abord en Europe puis à l'étranger. Il a la bougeotte ce cher Arthur. Après moult péripéties et problèmes de santé, il devient marchand et sillonne l'Afrique. Quand le roman de Thierry Beinstingel s'ouvre, le poète a 37 ans. Il vient a subi une amputation, mais la maladie et la fièvre sont toujours là. Sa sœur Isabelle fatiguée, le croque dans son cahier de dessins, puis s'endort dans une chambre voisine. C'est la dernière fois qu'elle verra son frère, du moins sous cette identité-là. Ce premier chapitre se détache du reste du roman par sa véracité, mais surtout par son style percutant et fascinant. L'incipit en est un exemple marquant (cf. ci-dessus).
L'auteur, fasciné par le personnage d'Arthur Rimbaud, réinvente la vie qu'il aurait pu avoir. Après sa résurrection, Arthur, devenu Nicolas, est un homme taciturne, diminué physiquement, mais absolument pas sur les autres plans. Il ne sait pas bien ce qu'il va devenir, mais il décide de remonter la France en direction de la maison qui l'a vu naître. Ses semelles de vent le conduise un peu partout dans cette direction, jusqu'à ce qu'il finisse par trouver un lieu où s'établir.
Thierry Beinstingel est prolixe en détails, le lecteur sent la passion qui anime l'homme pour le personnage, il veut en extraire la substantifique moelle. Il profite de son postulat de départ avec ivresse, et va au fond des choses. Paradoxalement, le lecteur n'arrive que peu à cerner les pensées de Nicolas Cabanis. C'est un être secret. D'autres personnages se laissent plus facilement deviner facilement, telle Marie ou Isabelle qui acquièrent rapidement une épaisseur, lui reste en retrait, presque inaccessible, mais toujours très respecté pour ses décisions, ses idées innovantes et son charisme de patron juste et bon.
Vers la fin du roman, lors qu’éclate la première guerre mondiale, le lecteur sent une scission dans la vie de Nicolas. Une nouvelle période de son existence commence. Les êtres sont séparés, les familles déchirées. Le lecteur, à travers les souvenirs d'Hortense Cabanis, découvrira l'autre face de cet homme torturé et insatisfait. Il apparaît alors comme un être caractériel et emporté, que l'on ne peut raisonner. Un peu comme ce jeune poète, Arthur Rimbaud, dont on se souvient parfois; et qui défrayait régulièrement les chroniques de la vie littéraire parisienne, par ses frasques et ses emportements. Des longueurs s'installent. Et l'auteur use et abuse de la vie prolongée de Rimbaud avec un peu trop d'excès. Le récit s’essouffle, le lecteur sent que c'est la fin, mais Thierry Beinstingel a du mal à raccrocher sa plume et ajoute scène après scène. Il a du mal à laisser partir son personnage et à conclure son histoire.
Tout au long du récit, le lecteur découvre, outre des citations parsemées ça et là des poèmes écrits par Arthur Rimbaud - mais pas que, la vocation de sa sœur, Isabelle, pour faire perdurer l'âme et la notoriété du poète; mais surtout l’époque, brossée à grands traits : La naissance de futurs grands auteurs, l'affaire Dreyfus, la publication de romans qui sont devenus des classiques, les courants artistiques tels que le fauvisme, et puis la guerre qui arrive, et redonne un sursaut au roman avant la fin. (...)
La vie prolongée d’Arthur Rimbaud est une vraie fiction comme on en lit peu.
Une erreur d’identification de cadavre dans un hôpital suffit pour enterrer un inconnu sous le nom du poète.
Handicapé mais vivant , Rimbaud commence une nouvelle vie sous une nouvelle identité. S’il joue de ce subterfuge, Rimbaud reste taraudé par son passé et notamment le souvenir de sa sœur.
Va -t-il finir par céder aux sirènes de l’enfance et du passé ?
Un Rimbaud inattendu et un thème d'exception. Vivement la 101° page !!
Chronique:
Quelle belle idée que la résurrection d’Arthur Rimbaud !
Suite à une lamentable confusion dans un hôpital, un inconnu est déclaré mort et enterré sous le nom de Rimbaud ; par l’imagination de Thierry Beinstingel, Arthur Rimbaud commence une deuxième vie sous une nouvelle identité ; pour cultiver ce subterfuge, il se crée un personnage très investi dans de nouveaux métiers sans liens avec l’écriture ni ses années d’Afrique.
Deux personnes cohabitent dans un même corps. Sa réussite sociale voire familiale l’aide à cacher ce lourd secret qui va tarauder son existence. Le nouveau Rimbaud se reconstruit en voulant ignorer son passé de poète et son attraction pour sa sœur, sa mère et sa ville natale.
Le questionnement est le suivant : est-il possible d’oublier son passé et ses origines ?
A travers la personne de Rimbaud, l’auteur interpelle le lecteur sur le destin de chacun avec ses chemins, ses obstacles, ses frénésies et ses hésitations; à travers la sœur d’Arthur, il nous interroge sur la part d’idéalisation d’une personne aimée et disparue.
Porté par un style élégant et un souffle tantôt réaliste ou hallucinatoire, Thierry Beinstingel offre une très belle et riche réflexion sur la vie et son accomplissement confronté à ses rêves.
Loin de toute « Rimbaldolatrie », cette « vie prolongée » est une séduisante rencontre avec l’auteur du « Dormeur du val » . Presque par magie, Thierry Beinstingel a la faculté de faire oublier le mythe du poète adulé et critiqué pour retrouver un homme insaisissable et toujours pressé.
D’une grande originalité, voici un roman talentueux au cœur de l’intime qui constitue une divine surprise.
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