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Aucun livre n’est complètement indépendant de l’époque à laquelle il a été écrit. Et si nous établissions la chronologie littéraire d’une période donnée ?
Le dernier roman de Pierre Lemaitre, Couleurs de l’incendie, débute en 1927. Voyons donc ce que l’on publiait entre 1920 et 1930.
Parmi les auteurs vivant à cette époque, quelques noms fameux : Marcel Proust, Agatha Christie, Francis Scott Fitzgerald… Mais vous en connaissez certainement d’autres.
Alors, choisissez un livre publié à cette époque et présentez-nous l’intrigue, l’auteur, les personnages. Puis choisissez une citation et partagez-la avec nous.
Vous pouvez illustrer votre texte avec un portrait de l’auteur, la couverture du livre, ou tout autre photo appropriée.
Dix ans avant l'invention de la télévision, John Dos Passos inventait le zapping. Le procédé consistant à « engager » une troupe de personnages puis à les mettre en scène à tour de rôle, de façon récurrente, sur de très courtes séquences, le plus souvent par des dialogues sans autre introduction ou explication que l'endroit de la ville où ils ont lieu, fit de ce roman un monument qu'on étudie, aujourd'hui encore, en licence de lettres.
La troupe est nombreuse : Bud le fermier désespéré, Gus le laitier pour qui la chance tourne du bon côté le jour où il se fait renverser par un tramway, Ellen la jolie comédienne de Broadway, Ed Thatcher son père, Jimmy le journaliste, Maisie sa cousine, Georges l'avocat, Tony qui consulte (déjà) un psychanalyste, Joe le spéculateur de Wall Street condamné à la mendicité, Congo le marin qui devient bootlegger pendant la Prohibition en se faisant appeler Armand Duval, aussi comblé qu'était désespéré celui de « la Dame aux camélias », Joe le syndicaliste, Dutch le braqueur…au total une vingtaine de personnages nous accompagnent chaque fois que l'auteur leur donne l'occasion de réapparaître. Ils travaillent, ils parlent, ils rient, ils dansent, ils aiment, ils pleurent, ils boivent, ils réussissent, ils perdent, ils volent, ils mentent, ils meurent… mais la vraie, la seule vedette, c'est New York, qui, à l'époque où le roman est écrit (trois ans avant le Jeudi Noir de Wall Street), ne compte qu'une centaine d'années de développement et devient la ville dominante.
On y évoque la vie urbaine qui dévore le temps et l'énergie des habitants, les immigrants, la faim, l'alcool omniprésent, le travail qu'on cherche, qu'on trouve ou non, les syndicats qui commencent à se créer, les premières grèves, l'argent et Wall Street, les rêves de réussite et d'ascenseur social, les anarchistes, le formidable élan de la construction (bientôt le verre et l'acier remplacent les briques), les paquebots transatlantiques, l'amour, le sexe, les avortements, le divorce, l'émancipation des femmes, la guerre en Europe, les faits divers : incendies, accidents, escroqueries, vols, attaques à main armée, qui constituent un spectacle quasi permanent dans les rues et qui nourrissent les journaux qu'on s'arrache. Il y a aussi la Prohibition qui nous ramène à l'alcool, vraiment très présent même quand il est interdit. On regarde ou on subit la publicité qui envahit les devantures et qui scintille dans la nuit, « Il allait par la ville aux fenêtres resplendissantes, la ville aux alphabets bouleversés, la ville aux réclames dorées ». On sent les murs de la chambre vibrer à chaque passage du métro aérien, on respire les vapeurs d'essence, la poussière, l'enthousiasme et le découragement : « Il se sentait fatigué, malade, lourd de graisse. Un garçon de courses à bicyclette passa dans la rue. Il riait et ses joues étaient roses. Densch se vit, se sentit pendant une seconde, mince, ardent, à l'époque où, bien des années auparavant, il descendait Pine Street, au galop, nu-tête, en guignant les chevilles des femmes. »
On admire au loin « la statue de la Liberté. Une grande femme verte, en peignoir, debout sur un îlot, le bras en l'air.
_ Qu'est-ce qu'elle tient dans la main ?
_ C'est une torche, mon chéri...La liberté éclairant le monde »... et on arpente Manhattan dans un tourbillon, passant de Broadway à Battery Park, déjeunant à l'hôtel Astor, assistant à un match de boxe à Madison Square Garden, attendant, au bord du quai, le Mauretania à défaut du Titanic ou changeant de train à Manhattan Transfer. On ne s'ennuie jamais, on partage espoirs et désillusions ainsi que l'épuisement de ceux qui marchent et piétinent le long des avenues ou dans les couloirs du métro. On est heureux de s'asseoir au bar avec eux et, comme un touriste ravi, d'avoir profité pleinement de cette magnifique promenade dans le temps et dans « la ville qui ne dort jamais ».
Il est temps de refermer le livre, un des personnages quitte la ville dont il a épuisé les joies et les peines. C'est le petit garçon qui admirait, autrefois, la statue de la Liberté avec sa maman. « le soleil levant le trouve en marche sur une route cimentée entre des terrains vagues pleins de détritus fumants. Il a faim. Ses souliers commencent à faire gonfler des ampoules sous ses gros orteils. A un carrefour, il y a un dépôt d'essence et en face un wagon-lunch, The Lightning Bug. Il emploie soigneusement son dernier quarter à déjeuner. Il a encore trois cents pour lui porter bonne chance, ou mauvaise. Un grand camion d'ameublement, brillant et jaune, vient d'arriver. « Dites-moi, voulez-vous me permettre de monter ? demande-t-il à l'homme aux cheveux roux qui tient le volant.
_ Vous allez loin ?
_ Je ne sais pas trop…assez loin. »
On imagine un vagabond, on pense aux milliers d'autres qui prendront la route en 1929, à Chaplin, et finalement on se souvient qu'on est en Amérique, que demain est un autre jour et que tout est encore possible pour Jimmy. Qui peut dire qu'il ne se relèvera pas ?
Manhattan Transfer est bien un monument, un peu à la manière du Flatiron Building, étrange et singulier mais tellement emblématique de la cité, un monument qui vaut vraiment la visite !
J'ai choisi L’Amant de Lady Chatterley publié en 1928. On imagine mal le scandale que ce roman de David Herbert Lawrence a alors provoqué, à la fois par son sujet, une femme libre qui délaisse un mari revenu blessé de la guerre pour vivre une sexualité épanouie avec le garde-chasse et par le style qui laisse s'épanouir la sensualité dans une Angleterre d'un puritanisme rigoureux.
Citation:
« Elle sentait qu’elle était arrivée au but le plus primitif de sa nature, et qu’elle était essentiellement sans honte. Elle était soi-même, dépouillée et sans honte. Ce fut un triomphe, presque une gloire. C’était donc ainsi! C’était là la vie! »
Et le roman de Pierre Lemaître, Couleurs de l'incendie, l'avez-vous lu ? Pourquoi ne pas l'ajouter à votre session de rattrapage de l'été ? Pour vous mettre en appétit, revoyez l'interview de l'auteur en suivant ce lien : Rencontre avec Pierre Lemaître pour son roman "Couleurs de l'incendie".
Bonjour , je vous propose L'ATLANTIDE de Pierre BENOIT , publié le 19 février 1919 , selon l'auteur catholique Louis CHAIGNE interviewé en 1936" L'Atlantide est le livre que beaucoup attendaient pour sortir du cauchemar des terribles années vécues dans la boue , sous les obus et pour s'appuyer avec douceur sur des jours plus sereins " Pierre BENOIT recevra le grand prix du roman français pour cet écrit qui relate la capture d'officiers lors d'une exploration du Sahara et vont découvrir un monde merveilleux caché par les sables : l'ATLANTIDE . Les personnages , le capitaine André Saint Avit , soupçonné d'avoir tué son meilleur ami et supérieur , le capitaine Morhange . Le Lieutenant Ferrières , le confident du capitaine Saint Avit qui lui racontera l'histoire . Antinéa , la reine de L'ATLANTIDE, la sultane , descendante du roi Neptune.
CITATION
"Un jardin s'étendait là, les palmiers berçaient mollement leurs grandes palmes . A leurs pieds , tout le fouillis des petits arbres qu'ils protègent dans les oasis , amandiers, citronniers , orangers , d'autres , beaucoup d'autres , dont je ne discernais pas encore , d'une telle hauteur , les essences....."
Bonjour , je reviens vers vous avec quelques livres que j'ai lu voilà longtemps , il a fallu que je cherche dans les méandres de ma mémoire et je les ai retrouvés pour certains dans ma bibliothèque , les romans entre 1920 à 1930 ...les voici
LA POUPEE SANGLANTE de Gaston LEROUX :Bénédicte Masson amoureux de la fille de l'horloger . On baigne dans une angoisse permanente , la laideur de ce relieur laisse planer le doute , ferait-il disparaître ses stagiaires? . Et Christine , cette jeune femme dont Bénédicte est éperdument amoureux , qui n'éprouve rien pour lui , que cache-t-elle ?
J'ai aimé cette ambiance lourde , angoissante , fantastique ... J'ai aimé ces phrases poétiques...
"Le monde est plein de petits vampires. Il n'y a guère de couples ici-bas qui ne se dévorent. Il faut que l'un mange l'autre ! Que l'un profite au détriment de l'autre !"
"Pour les uns,je suis un grand poète, pour les autres un saltimbanque, pour moi je suis un mendiant...sous mes sanglots gonflés de rhétorique, une femme qui m'aimerait vraiment lirait tout de suite ces deux mots :"Embrasse-moi."
"Un malheur présent est égoïste, il exige tous vos soins, vous courbe sur ses plaies et ne vous permet de regarder autour de vous que lorsque celles-ci commencent à se refermer"
SOUS LE SOLEIL DE SATAN de George BERNANOS 1926
Mouchette , jeune et jolie fille tombe amoureuse d'un marquis. Mais quand elle tombe enceinte , il la repousse . Prise de folie , Mouchette le tue .Perdue elle se réfugie auprès du curé de son église. Il la prendra sous son aile ....mais lui même tourmenté se bat contre ses démons et il va le rencontrer.
"Il voyait de ses yeux de chair ce qui reste caché au plus pénétrant...une conscience humaine"
"Car il emporta en lui cette chose qu'il ne peut nommer accroupie dans son cœur,son angoisse , Satan ."
"Il traîne au dedans ce fardeau ; il n'ose le jeter, où le jeterait-il ? Dans un autre cœur."
"A parler franc ,je vous quitte peu . Vous me portez dans votre chair obscure,moi dont la lumière fut l'essence-dans le triple recès de vos tripes - moi, Lucifer "
LE DÉSERT DE L'AMOUR de François MAURIAC 1925 : un soir Raymond Courrèges rencontre Maria Cross , dont adolescent ,il était éperdu d'amour... L'auteur nous raconte alors toutes les pensées qui traversent l'esprit de Raymond , sa vie , ses regrets... On est pris dans la tristesse du protagoniste , on soupire , on partage , on étouffe, on attend...
"Ce n'est pas la mort qui nous prend ceux que nous aimons ; elle nous les garde au contraire et les fixe dans leur jeunesse adorable ; la mort est le sel de notre amour..."
"La porte du collège franchie, il entrait dans le secret de la petite route humide qui avait tantôt son odeur de brouillard et tantôt son haleine de froid sec"
"Ah! L'importunité de ces êtres à qui notre cœur ne s'intéresse pas, et qui nous ont choisis, et que nous n'avons pas choisis !_si extérieurs à nous,dont nous ne désirons rien savoir,dont la mort serait aussi indifférente que la vie.. et pourtant ce sont ceux-là qui remplissent notre existence"
LE BLÉ EN HERBE de COLETTE : Deux adolescents tombent amoureux sur les côtes de Bretagne , les émois de deux adolescents , leurs espoirs , leurs colères , leur amour qui grandit ... Puis le temps qui passe et l'Amour adolescent qui se délite , qui disparaît avec le temps... Les blessures , les doutes sur l'avenir....
"Il fut pour la première fois, seul à décider du sort de leur couple, maître de l'abandonner au flot ou de l'aggriper à la saillie du rocher, comme la graine têtue qui, nourrie de peu, y fleurissait.."
"Je crève, entends-tu, je crève à l'idée que je n'ai que seize ans !"
LA CHAMBRE DE JACOB 1922de Virginia WOOLF: tout tourne autour de Jacob , Jacob enfant , Jacob jeune adulte et au milieu de ses pensées , dansent autour de lui ,dans un incroyable ballet des morceaux de vies de personnes qui se croisent , se frôlent sans jamais vraiment se rencontrer. Des descriptions réalistes où il nous semble être à l'endroit même où se déroule l'action. L'autrice décrit avec forces détails les lieux que nous parcourons , les habitudes des gens..
"Cette petite pièce moisie n'était préservée de la brise marine que par l'épaisseur d'une brique, entre les rideaux de dentelles on voyait le phare de Hassan se laisser tomber comme une pierre et, les jours de tempête,les mouettes traversaient l'air de leur vol frissonnant..."
"Mrs Durant écrivait des lettres , Mrs Jarvis écrivait des lettres, la mère Stuart allait jusqu'à les parfumer "
"Elle portait des bas de soie,des souliers à boucles d'argent, seulement la plume rouge de son chapeau avait des airs penchés et le fermoir de son sac avait du jeu..."
"De ces petits volumes,il y en avait déjà dix ou douze ... Rentrant du jardin, Sandra ouvrirait ces livres,ses yeux se mettraient à briller (le texte n'y serait pour rien).."
MRS DALLOWAY 1925, de Virginia WOOLF : Madame DALLOWAY est une jeune femme qui s'ennuie , nous partageons sa vie remplie d'obligations , de mensonges ... Pleine d'amour , elle rêve de le donner à un homme du passé , prisonnière de sa vie pleine d'artifices , elle n'écoute plus ceux qui l'entourent et traverse sa vie comme une femme seule et désespérée ,... autour d'elle gravitent les vies de personnes aussi seules qu'elle et auxquelles elle ne prête aucune attention. Virginia WOOLF les fait surgir comme des grains de sable et nous souffrons de leur vie , ces vies où chacun est désespérément seul face à sa souffrance, physique , intellectuelle... Nous progressons au milieu de ces personnes qui se croisent sans avoir jamais le temps de se connaître , ni même essayer pour certains
"Elle avait le sentiment qu'il était très dangereux de vivre, ne fût-ce qu'un seul jour"
"Cela l'écorchait pourtant d'avoir en elle ce monstre brutal qui remuait ; d'entendre craquer les brindilles et de sentir des sabots s'enfoncer dans les profondeurs de cette forêt encombrée de feuilles,son âme ; de n'être jamais tout à fait heureuse ni tout à fait tranquille,car à tout moment là bête pouvait remuer , cette haine qui , spécialement depuis sa maladie, avait le pouvoir de la faire souffrir jusqu'à la moelle avec ses raclements
.." Et puis -ce matin elle l'avait perçu-il y avait la terreur ; l'impuissance qui la submergeait , cette vie dont nous charge nos parents, qu'il faut vivre jusqu'à son terme, qu'il faut parcourir sereinement,au plus profond de son cœur il y avait une peur affreuse "
"De longues raies de lumière campaient à ses pieds ...la beauté surgissait instantanément . Regarder une feuille trembler au moindre souffle d'air était une joie exquise ."
"Car maintenant que tout était terminé, l'armistice signé ,les morts enterrés ,il avait surtout le soir ,de foudroyants accès de panique"
"Il reposait sa tasse sur le petit guéridon de marbre. Il regardait les gens dehors . Ils avaient l'air heureux... Mais il ne ressentait rien"
Messages : 736
Le 18/04/2018 à 11h20
Le dernier roman de Pierre Lemaitre, Couleurs de l’incendie, débute en 1927. Voyons donc ce que l’on publiait entre 1920 et 1930.
Parmi les auteurs vivant à cette époque, quelques noms fameux : Marcel Proust, Agatha Christie, Francis Scott Fitzgerald… Mais vous en connaissez certainement d’autres.
Alors, choisissez un livre publié à cette époque et présentez-nous l’intrigue, l’auteur, les personnages. Puis choisissez une citation et partagez-la avec nous.
Vous pouvez illustrer votre texte avec un portrait de l’auteur, la couverture du livre, ou tout autre photo appropriée.
Messages : 8
Le 04/05/2018 à 17h12
Dix ans avant l'invention de la télévision, John Dos Passos inventait le zapping. Le procédé consistant à « engager » une troupe de personnages puis à les mettre en scène à tour de rôle, de façon récurrente, sur de très courtes séquences, le plus souvent par des dialogues sans autre introduction ou explication que l'endroit de la ville où ils ont lieu, fit de ce roman un monument qu'on étudie, aujourd'hui encore, en licence de lettres.
La troupe est nombreuse : Bud le fermier désespéré, Gus le laitier pour qui la chance tourne du bon côté le jour où il se fait renverser par un tramway, Ellen la jolie comédienne de Broadway, Ed Thatcher son père, Jimmy le journaliste, Maisie sa cousine, Georges l'avocat, Tony qui consulte (déjà) un psychanalyste, Joe le spéculateur de Wall Street condamné à la mendicité, Congo le marin qui devient bootlegger pendant la Prohibition en se faisant appeler Armand Duval, aussi comblé qu'était désespéré celui de « la Dame aux camélias », Joe le syndicaliste, Dutch le braqueur…au total une vingtaine de personnages nous accompagnent chaque fois que l'auteur leur donne l'occasion de réapparaître. Ils travaillent, ils parlent, ils rient, ils dansent, ils aiment, ils pleurent, ils boivent, ils réussissent, ils perdent, ils volent, ils mentent, ils meurent… mais la vraie, la seule vedette, c'est New York, qui, à l'époque où le roman est écrit (trois ans avant le Jeudi Noir de Wall Street), ne compte qu'une centaine d'années de développement et devient la ville dominante.
On y évoque la vie urbaine qui dévore le temps et l'énergie des habitants, les immigrants, la faim, l'alcool omniprésent, le travail qu'on cherche, qu'on trouve ou non, les syndicats qui commencent à se créer, les premières grèves, l'argent et Wall Street, les rêves de réussite et d'ascenseur social, les anarchistes, le formidable élan de la construction (bientôt le verre et l'acier remplacent les briques), les paquebots transatlantiques, l'amour, le sexe, les avortements, le divorce, l'émancipation des femmes, la guerre en Europe, les faits divers : incendies, accidents, escroqueries, vols, attaques à main armée, qui constituent un spectacle quasi permanent dans les rues et qui nourrissent les journaux qu'on s'arrache. Il y a aussi la Prohibition qui nous ramène à l'alcool, vraiment très présent même quand il est interdit. On regarde ou on subit la publicité qui envahit les devantures et qui scintille dans la nuit, « Il allait par la ville aux fenêtres resplendissantes, la ville aux alphabets bouleversés, la ville aux réclames dorées ». On sent les murs de la chambre vibrer à chaque passage du métro aérien, on respire les vapeurs d'essence, la poussière, l'enthousiasme et le découragement : « Il se sentait fatigué, malade, lourd de graisse. Un garçon de courses à bicyclette passa dans la rue. Il riait et ses joues étaient roses. Densch se vit, se sentit pendant une seconde, mince, ardent, à l'époque où, bien des années auparavant, il descendait Pine Street, au galop, nu-tête, en guignant les chevilles des femmes. »
On admire au loin « la statue de la Liberté. Une grande femme verte, en peignoir, debout sur un îlot, le bras en l'air.
_ Qu'est-ce qu'elle tient dans la main ?
_ C'est une torche, mon chéri...La liberté éclairant le monde »... et on arpente Manhattan dans un tourbillon, passant de Broadway à Battery Park, déjeunant à l'hôtel Astor, assistant à un match de boxe à Madison Square Garden, attendant, au bord du quai, le Mauretania à défaut du Titanic ou changeant de train à Manhattan Transfer. On ne s'ennuie jamais, on partage espoirs et désillusions ainsi que l'épuisement de ceux qui marchent et piétinent le long des avenues ou dans les couloirs du métro. On est heureux de s'asseoir au bar avec eux et, comme un touriste ravi, d'avoir profité pleinement de cette magnifique promenade dans le temps et dans « la ville qui ne dort jamais ».
Il est temps de refermer le livre, un des personnages quitte la ville dont il a épuisé les joies et les peines. C'est le petit garçon qui admirait, autrefois, la statue de la Liberté avec sa maman. « le soleil levant le trouve en marche sur une route cimentée entre des terrains vagues pleins de détritus fumants. Il a faim. Ses souliers commencent à faire gonfler des ampoules sous ses gros orteils. A un carrefour, il y a un dépôt d'essence et en face un wagon-lunch, The Lightning Bug. Il emploie soigneusement son dernier quarter à déjeuner. Il a encore trois cents pour lui porter bonne chance, ou mauvaise. Un grand camion d'ameublement, brillant et jaune, vient d'arriver. « Dites-moi, voulez-vous me permettre de monter ? demande-t-il à l'homme aux cheveux roux qui tient le volant.
_ Vous allez loin ?
_ Je ne sais pas trop…assez loin. »
On imagine un vagabond, on pense aux milliers d'autres qui prendront la route en 1929, à Chaplin, et finalement on se souvient qu'on est en Amérique, que demain est un autre jour et que tout est encore possible pour Jimmy. Qui peut dire qu'il ne se relèvera pas ?
Manhattan Transfer est bien un monument, un peu à la manière du Flatiron Building, étrange et singulier mais tellement emblématique de la cité, un monument qui vaut vraiment la visite !
Messages : 4
Le 04/05/2018 à 21h27
Citation:
« Elle sentait qu’elle était arrivée au but le plus primitif de sa nature, et qu’elle était essentiellement sans honte. Elle était soi-même, dépouillée et sans honte. Ce fut un triomphe, presque une gloire. C’était donc ainsi! C’était là la vie! »
Bande-annonce de l'adaptation de Pascale Ferran
Messages : 736
Le 14/05/2018 à 14h30
Messages : 736
Le 04/07/2018 à 14h04
Et replongez-vous dans le Paris des années 30 !
Messages : 646
Le 21/01/2019 à 10h10
CITATION
"Un jardin s'étendait là, les palmiers berçaient mollement leurs grandes palmes . A leurs pieds , tout le fouillis des petits arbres qu'ils protègent dans les oasis , amandiers, citronniers , orangers , d'autres , beaucoup d'autres , dont je ne discernais pas encore , d'une telle hauteur , les essences....."
Messages : 646
Le 21/09/2020 à 12h43
LA POUPEE SANGLANTE de Gaston LEROUX :Bénédicte Masson amoureux de la fille de l'horloger . On baigne dans une angoisse permanente , la laideur de ce relieur laisse planer le doute , ferait-il disparaître ses stagiaires? . Et Christine , cette jeune femme dont Bénédicte est éperdument amoureux , qui n'éprouve rien pour lui , que cache-t-elle ?
J'ai aimé cette ambiance lourde , angoissante , fantastique ... J'ai aimé ces phrases poétiques...
"Le monde est plein de petits vampires. Il n'y a guère de couples ici-bas qui ne se dévorent. Il faut que l'un mange l'autre ! Que l'un profite au détriment de l'autre !"
"Pour les uns,je suis un grand poète, pour les autres un saltimbanque, pour moi je suis un mendiant...sous mes sanglots gonflés de rhétorique, une femme qui m'aimerait vraiment lirait tout de suite ces deux mots :"Embrasse-moi."
"Un malheur présent est égoïste, il exige tous vos soins, vous courbe sur ses plaies et ne vous permet de regarder autour de vous que lorsque celles-ci commencent à se refermer"
SOUS LE SOLEIL DE SATAN de George BERNANOS 1926
Mouchette , jeune et jolie fille tombe amoureuse d'un marquis. Mais quand elle tombe enceinte , il la repousse . Prise de folie , Mouchette le tue .Perdue elle se réfugie auprès du curé de son église. Il la prendra sous son aile ....mais lui même tourmenté se bat contre ses démons et il va le rencontrer.
"Il voyait de ses yeux de chair ce qui reste caché au plus pénétrant...une conscience humaine"
"Car il emporta en lui cette chose qu'il ne peut nommer accroupie dans son cœur,son angoisse , Satan ."
"Il traîne au dedans ce fardeau ; il n'ose le jeter, où le jeterait-il ? Dans un autre cœur."
"A parler franc ,je vous quitte peu . Vous me portez dans votre chair obscure,moi dont la lumière fut l'essence-dans le triple recès de vos tripes - moi, Lucifer "
LE DÉSERT DE L'AMOUR de François MAURIAC 1925 : un soir Raymond Courrèges rencontre Maria Cross , dont adolescent ,il était éperdu d'amour... L'auteur nous raconte alors toutes les pensées qui traversent l'esprit de Raymond , sa vie , ses regrets... On est pris dans la tristesse du protagoniste , on soupire , on partage , on étouffe, on attend...
"Ce n'est pas la mort qui nous prend ceux que nous aimons ; elle nous les garde au contraire et les fixe dans leur jeunesse adorable ; la mort est le sel de notre amour..."
"La porte du collège franchie, il entrait dans le secret de la petite route humide qui avait tantôt son odeur de brouillard et tantôt son haleine de froid sec"
"Ah! L'importunité de ces êtres à qui notre cœur ne s'intéresse pas, et qui nous ont choisis, et que nous n'avons pas choisis !_si extérieurs à nous,dont nous ne désirons rien savoir,dont la mort serait aussi indifférente que la vie.. et pourtant ce sont ceux-là qui remplissent notre existence"
LE BLÉ EN HERBE de COLETTE : Deux adolescents tombent amoureux sur les côtes de Bretagne , les émois de deux adolescents , leurs espoirs , leurs colères , leur amour qui grandit ... Puis le temps qui passe et l'Amour adolescent qui se délite , qui disparaît avec le temps... Les blessures , les doutes sur l'avenir....
"Il fut pour la première fois, seul à décider du sort de leur couple, maître de l'abandonner au flot ou de l'aggriper à la saillie du rocher, comme la graine têtue qui, nourrie de peu, y fleurissait.."
"Je crève, entends-tu, je crève à l'idée que je n'ai que seize ans !"
LA CHAMBRE DE JACOB 1922de Virginia WOOLF: tout tourne autour de Jacob , Jacob enfant , Jacob jeune adulte et au milieu de ses pensées , dansent autour de lui ,dans un incroyable ballet des morceaux de vies de personnes qui se croisent , se frôlent sans jamais vraiment se rencontrer. Des descriptions réalistes où il nous semble être à l'endroit même où se déroule l'action. L'autrice décrit avec forces détails les lieux que nous parcourons , les habitudes des gens..
"Cette petite pièce moisie n'était préservée de la brise marine que par l'épaisseur d'une brique, entre les rideaux de dentelles on voyait le phare de Hassan se laisser tomber comme une pierre et, les jours de tempête,les mouettes traversaient l'air de leur vol frissonnant..."
"Mrs Durant écrivait des lettres , Mrs Jarvis écrivait des lettres, la mère Stuart allait jusqu'à les parfumer "
"Elle portait des bas de soie,des souliers à boucles d'argent, seulement la plume rouge de son chapeau avait des airs penchés et le fermoir de son sac avait du jeu..."
"De ces petits volumes,il y en avait déjà dix ou douze ... Rentrant du jardin, Sandra ouvrirait ces livres,ses yeux se mettraient à briller (le texte n'y serait pour rien).."
MRS DALLOWAY 1925, de Virginia WOOLF : Madame DALLOWAY est une jeune femme qui s'ennuie , nous partageons sa vie remplie d'obligations , de mensonges ... Pleine d'amour , elle rêve de le donner à un homme du passé , prisonnière de sa vie pleine d'artifices , elle n'écoute plus ceux qui l'entourent et traverse sa vie comme une femme seule et désespérée ,... autour d'elle gravitent les vies de personnes aussi seules qu'elle et auxquelles elle ne prête aucune attention. Virginia WOOLF les fait surgir comme des grains de sable et nous souffrons de leur vie , ces vies où chacun est désespérément seul face à sa souffrance, physique , intellectuelle... Nous progressons au milieu de ces personnes qui se croisent sans avoir jamais le temps de se connaître , ni même essayer pour certains
"Elle avait le sentiment qu'il était très dangereux de vivre, ne fût-ce qu'un seul jour"
"Cela l'écorchait pourtant d'avoir en elle ce monstre brutal qui remuait ; d'entendre craquer les brindilles et de sentir des sabots s'enfoncer dans les profondeurs de cette forêt encombrée de feuilles,son âme ; de n'être jamais tout à fait heureuse ni tout à fait tranquille,car à tout moment là bête pouvait remuer , cette haine qui , spécialement depuis sa maladie, avait le pouvoir de la faire souffrir jusqu'à la moelle avec ses raclements
.." Et puis -ce matin elle l'avait perçu-il y avait la terreur ; l'impuissance qui la submergeait , cette vie dont nous charge nos parents, qu'il faut vivre jusqu'à son terme, qu'il faut parcourir sereinement,au plus profond de son cœur il y avait une peur affreuse "
"De longues raies de lumière campaient à ses pieds ...la beauté surgissait instantanément . Regarder une feuille trembler au moindre souffle d'air était une joie exquise ."
"Car maintenant que tout était terminé, l'armistice signé ,les morts enterrés ,il avait surtout le soir ,de foudroyants accès de panique"
"Il reposait sa tasse sur le petit guéridon de marbre. Il regardait les gens dehors . Ils avaient l'air heureux... Mais il ne ressentait rien"