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La mise à nu des époux Ransome

  • Alan Bennett, c’est l’auteur de La Reine des lectrices, un roman que j’avais dévoré et adoré. Son nom sur la couverture a donc suffi pour me donner envie de lire La Mise à nu des époux Ransome. En parlant de couverture, je dois dire que si celle du roman ne flatte pas l’œil, son atmosphère et sa mise en scène reflètent, quant à elles, à la perfection l’histoire et l’image qui se dégage, au fil des pages, des époux Ransome.

    À leur retour de l’opéra, les Ransome ont la très désagréable surprise de constater que leur appartement a été cambriolé. Le mot cambriolage est même ici trop faible puisque leur appartement a été entièrement vidé ! Tout a été pris jusqu’au papier toilette condamnant ainsi un gentleman à faire preuve d’audace dans l’exercice de ses fonctions naturelles.

    Mais les époux font honneur au célèbre flegme britannique et accueillent la situation sans effusion… D’ailleurs, M. Ransome, en grand mélomane, se réjouit déjà à la pensée du nouvel équipement audio que les indemnisations de son assurance lui permettront d’acheter. Il laisse donc carte blanche à son épouse, femme au foyer, pour remeubler l’appartement. Et c’est comme ça qu’un événement désobligeant va offrir à Mme Ransome la possibilité de sortir du carcan étriqué de sa vie. Petits bourgeois, la vie de ce couple est faite de silence, de non-dits, de solitude, de conventions, de snobisme et d’hypocrisie.

    Mme Ransome trouve donc un certain réconfort dans sa nouvelle vie qui sera émaillée de découvertes et de rencontres puisqu’elle n’hésite pas à transgresser ses habitudes pour aller dans des endroits où elle n’aurait jamais osé mettre les pieds avant le cambriolage. Son vocabulaire intègre même quelques mots « populaires », une petite hérésie pour une bourgeoise qui se doit bien sûr d’offrir une image irréprochable aux amis que les époux Ransome n’ont pas. M. Ransome lui ne change pas d’un iota. Intransigeant, tatillon et peu avenant, il demeure fidèle à lui-même. Petit à petit, le fossé entre les deux époux se creuse jusqu’à ce que se creuse quelque chose de bien plus dramatique…

    Alors qu’il pensait le plus bizarre derrière eux, le couple va devoir faire face à une nouvelle révélation tout aussi déroutante ! Un mystère qui rend encore plus opaque les raisons qui ont poussé des individus à vider leur appartement. Je ne vous en dirai pas plus si ce n’est que cette découverte apporte une bonne dose de suspense supplémentaire. Et il marquera le point de départ d’une prise de conscience aigüe de la part de Mme Ransome sur la vacuité de sa vie d’antan et sur celle qu’elle souhaiterait vivre dorénavant.

    Cette histoire m’a fait sourire à de nombreuses reprises étant complètement sous le charme de la plume de l’auteur et de son humour grinçant et pince-sans-rire. Il arrive à dépeindre, avec la précision d’un chirurgien en salle d’opération, les travers d’une classe sociale qui est tellement engluée dans le paraître et des conventions absurdes qu’elle arrive à en oublier de simplement être. Se profile également une critique sociétale plus générale, l’auteur n’hésitant pas à se moquer plus ou moins gentiment de tous ces talk-shows qui pullulent, mais aussi de la course effrénée à la consommation. Si l’histoire demeure amusante, elle se pare parfois d’élans plus tristes, notamment si l’on considère les silences et les manques que M. Ransome, de par son caractère, à imposer à sa femme…

    En conclusion, sous la houlette d’Alan Bennett, un événement aussi trivial qu’un cambriolage prend une tournure totalement inattendue et quelque peu loufoque. Avec humour, parfois cynisme, et un flegme tout britannique, l’auteur arrive à offrir une caricature de la bourgeoisie anglaise truculente. C’est drôle, parfois plus triste, mais que c’est addictif !

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