Merci à toutes et à tous pour cette aventure collective
Quelque part dans une cité lointaine battue par les vents en bordure d’océan, règne un Empereur excentrique et vaniteux. Lorsque Martabée, historienne des peuples maritimes à l’université impériale, est chargée par l’Empereur de mener des fouilles archéologiques, elle en est fière, ignorante que son destin va basculer.
Car il ne s’agit ni plus ni moins pour l’Empereur mégalomane de provoquer une fierté nationale chez son peuple en manque d’ambition.
« Je veux que la nation retrouve son souffle, son unité, son panache. »
En charge pour la jeune historienne de rédiger les bulletins d’informations qui rendront compte des avancées des fouilles sur cette civilisation perdue qui, assure l’Empereur, ne pourront que venir corroborer la thèse des valeureux guerriers et intrépides marins qu’étaient les Morgondes
« Bien entendu, les Morgondes ne chassaient pas les monstres, et ne chevauchaient pas les vagues dorées par un soleil plus jeune – mais c’est ainsi que les présentaient les chants et les poèmes, c’est donc ainsi que l’Empereur souhaitait les voir. »
Adulée, couverte de cadeaux par l’Empereur, Martabée va s’enfoncer doucement dans le luxe et la vanité. Elle vit à l’écart de la foule, dans une somptueuse villa avec des domestiques à ses ordres. Ses journées se déroulent sur le chantier archéologique protégé des importuns. Ainsi, Martabée, coupée du réel, ne se rend pas compte de la perte de confiance du peuple qui accepte mal les taxes supplémentaires pour couvrir le faste et les caprices d’un souverain mégalomane.
L’historienne travaille aux côtés de l’archéologue Elmund Fruskal, « homme doux et coulant », et sorte de père de substitution pour la jeune femme.
Dans un premier temps, tout va bien puisque les fouilles révèlent le mausolée finement décoré d’une nation civilisée, ce qui flatte la vanité de l’Empereur. Mais que réservent les fouilles à venir ? Seront-elles conformes à cette civilisation brillante que veut l’Empereur ?
Cette histoire est celle d’une dystopie racontée comme un conte, l’histoire d’un empire et de son despote outrancier, au bord du ridicule. L’héroïne, Martabée, doit passer une épreuve pour garder l’estime de l’Empereur. Elle se complait dans le luxe et la vanité, sa conscience anesthésiée par les générosités impériales. Mais, elle est très seule. Malgré cela, il est difficile d’éprouver une véritable empathie pour cette historienne ambitieuse qui se laisse si facilement corrompre. Elle assiste à la falsification du passé pour servir les ambitions d’un manipulateur cynique déguisé en gentil original.
Enfin, changement de ton, lorsque l’histoire bascule vers une découverte terrifiante qui remet tout en question. Un dilemme difficile pour Martabée et le vieil archéologue Elmund.
Le style se fait plus direct, le malaise est palpable. Aucune menace n’est proférée mais l’inquiétude grandit. Martabée a des nausées, elle ne dort plus, tout cela l’épuise. On éprouve une vraie empathie pour la jeune héroïne devenue lucide.
Avec une inventivité fertile, Perrine Tripier nous entraine dans un monde imaginé pas si éloigné que cela d’une sombre réalité du monde politique. Derrière la description lyrique des œuvres d’art, des festins somptueux, des palais et des villas fastueux on découvre un monde glaçant, une manipulation des opinions et on en a des frissons.
Dans un univers parallèle très semblable au nôtre, des fouilles archéologiques révèlent une zone de vie Morgonde. Ce peuple ancestral de chasseurs de baleines est légendaire. Il a même inspiré une berceuse connue dans tout l'empire... Martabée est fière de figurer parmi la liste des privilégié.e.s qui peut travailler sur ce vaste chantier, fière d'être l'historienne qui rédigera les bulletins d'information à destination du grand public. Mais sous les ors se cache une terrible vérité, que l'orgueilleux empereur préférerait cacher... Allons-nous percer les mystères entourant ce peuple mythique dont les fouilles déterrent les secrets ?
Malaise... Déçue par cette lecture dont on m'avait dit tant de bien... D'abord parce que j'ai eu beaucoup de mal à me situer dans cette dystopie si semblable à notre présent, excepté les Morgondes. Je me suis enlisée dans cet univers aux contours mal définis à mon goût. Trop de choses restent en suspend pour que mon imagination puisse s'y accrocher... Et cela ne me met pas à l'aise. J'aurai été davantage intéressée et intriguée si l'univers avait été plus tranché dès le départ, ou si l'écriture avait été plus facile d'accès, peut-être.
On pourrait le qualifier de "roman d'ambiance", mais cette ambiance m'a semblé trop sereine et banale au début, avant d'être fortement alourdie par la chape de plomb qui modifie l'atmosphère au moment de LA découverte : le malaise s'aggrave...
L'écriture travaillée, le vocabulaire précis et les licences poétiques nombreuses en font une lecture exigeante. Mais ce style aussi m'a mise mal à l'aise... Parfois un peu pompeux voire ampoulé, le ton donné correspond pourtant très bien à la personnalité des personnages phares (Martabée et l’Empereur en tête de cortège). Il n'empêche que cela a fini par m'ennuyer sévèrement, aux alentours de la soixantième page (c'est tôt !). Les descriptions aussi détaillées qu'envolées (et parfois incompréhensibles) m'ont lassée - surtout s'agissant de décoration ou de nourriture... J'ai ressenti un sursaut d'intérêt au début de la partie intitulée "Le malaise", mais ce regain n'a pas duré, et arrivée vers la page 150, j'étais découragée. J'ai tout de même persisté pour finir le roman, et j'ai trouvé la fin un peu bâclée... ce qui est paradoxalement positif car sans cette accélération de la narration, je pense que j'aurais abandonné par manque d'entrain et de curiosité...
Pour son second roman, Conque, Perrine Tripier invite à une fable politique au ton acerbe sur la falsification de l’histoire et de la vérité, aux accents actuels dans nos vieilles démocraties.
Martebée Gaeldish est une historienne renommée, professeure d’histoire des peuples maritimes à l’Université impériale. Son empereur, d’un pays imaginaire, lui demande de participer aux fouilles qui semblent pouvoir mettre à jour une civilisation du passé, les Morgondes. Seulement, que sont des fouilles, si on ne transmet pas ses découvertes !
Pour l’empereur, une façon de servir une histoire à un peuple assoiffée de mythes et asseoir son pouvoir et sa grandeur supposée. Pour l’ambitieuse Martabée, c’est le moyen d’accéder à une reconnaissance tant réclamée et à un statut social de niveau supérieur enfin !
Seulement, peut-elle continuer à fermer les yeux sur la première compromission à l’Histoire que son Empereur lui demande.
Perrine Tripier interroge l’éthique de l’historien. « Vos collègues creusent la terre mais vous, vous creusez le sens, vous tracez un sillon où se couleront bientôt les légendes et les mythes. »
Seulement, la vérité historique peut-elle accepter quelques mensonges. Perrine Tripier illustre cette réflexion éthique au moment où, de plus en plus, et même en France, on détourne la vérité, en affirmant des mensonges sans une once de trouble.
Perrine Tripier ajoute à son conte une dimension sociologique : la méfiance envers les élites intellectuelles mais surtout une vraie notion féminisme que je ne peux pas dévoiler sans divulguer son intrigue.
Ainsi, ce conte retentit avec ardeur et force dans notre présent. Impossible de ne pas repenser aux images que Perrine Tripier suggère par son écriture. Un roman puissant !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/12/21/conque-le-nouveau-roman-politique-de-perrine-tripier/
La gloire efface tout, excepté le crime
Je me souviens parfaitement lorsque je terminais Les guerres précieuses m’être dit : il faut retenir ce nom Perrine Tripier. J’étais sûre d’avoir lu le premier roman d’un talent qui ne saurait mentir.
Avec Conque le talent se confirme, le sujet est le même : le passé ; mais sous un prisme plus universel, à l’aune de l’Histoire.
Ici, pas de définition de lieu ni de temps, une époque passée, un Empereur à la tête d’un pays.
Martabée , historienne dont la renommée est arrivée jusqu’aux oreilles de l’empereur, est engagée pour mettre au jour la civilisation des Morgondes.
« Elle se sentait récompensée, reconnue et ça, ça elle l’avait attendu toute sa vie. »
Passionnée elle s’atèle à la tâche, l’Empereur lui déroule le tapis rouge, il l’installe dans une villa somptueuse quoique froide, où elle pourra bénéficier de tous les avantages lui facilitant le travail et le compte-rendu périodique qu’elle doit en faire, car l’Empereur tient absolument à ce que le peuple soit informé de la grandeur de cette civilisation enfouie.
À la gloire des Morgondes, à la gloire de l’empereur !
« L’Empereur, galvanisé par la découverte, fouetté par les cris guerriers de ses ancêtres, souleva des montagnes pour créer les fonds, ou plutôt instaura de nouvelles taxes. »
Le lecteur éprouve très vite un vertige qui n’a rien à voir avec le prestige de la situation de Martabée, il ressent qu’un piège est sur le point de se refermer sur elle.
Les équipes travaillent d’arrache-pied et elle doit retranscrire au fur et à mesure les découvertes, mais celles-ci montrent une civilisation barbare vis-à-vis des femmes notamment, c’est au-delà du possible.
Le passé enchanteur vire à l’horreur absolue.
Mais l’Empereur ne veut rien savoir et entend bien se mêler de refaire l’Histoire et enfouir les exactions de ces barbares.
Au début il ne s’agissait que de glisser, dans le bulletin rédigé, une phrase du cru impérial, mais très vite la situation devient glauque et sans retour possible. Le désaccord de Martabée vire au cauchemar absolu, le piège se referme.
Et c’est à se moment de la narration que se déploie le génie de notre narratrice, de métaphore en métaphore, elle fait parler les éléments, chaque conque, chaque moulure a quelque chose à dire.
Les phrases reprennent inlassablement les mots des découvertes archéologiques, comme autant de dessins, qui au fur et à mesure deviennent opaques, sèment le trouble.
J’ai noté cette expression dans une maison Perrine Tripier écrit : « les plafonds sont courts », toute la magie est là dans cette contorsion du vocabulaire pour nous pénétrer de part en part, comme une épée, pour nous faire ressentir le dilemme d’une vie face aux exigences abusives du pouvoir.
Ce livre nous offre une réflexion non sur le passé mais sur notre monde contemporain notamment l’Amérique qui nous contamine avec la révision de l’Histoire, chacun mettant dans le chaudron de la pensée commune tout et n’importe quoi. Ni plus ni moins qu’une manière de barrer la route à la réflexion, avec cette lecture de l’Histoire, Zola n’aurait jamais écrit son J’accuse.
Un roman qui analyse finement tous les ressorts des totalitarismes et qui nous amène à être vigilant, nous renseigner et à ne pas répandre n’importe quoi.
Un talent qui se confirme au-delà de mes espérances, tout est là le fond, le style qui devient reconnaissable et ça c’est l’apanage des grands.
J’aurais aimé voir ce livre sur les listes des grands Prix.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/10/26/conque/
Après son magnifique et émouvant premier roman Les guerres précieuses, Perrine Tripier poursuit son investigation de l’emprise du passé, non plus sur une narratrice enfermée dans les vestiges de son enfance, mais sur une société mythifiant son Histoire pour asseoir sa grandeur.
Dans un pays sans nom aux technologies très actuelles, des fouilles archéologiques ont mis au jour les vestiges d’une antique civilisation tournée vers la mer, dont on n’avait jusqu’ici conservé que la seule mémoire d’une geste héroïque. Ravi de cette occasion de renforcer le prestige national au travers de ces glorieux ancêtres, des guerriers capables, sur leurs frêles esquifs, de se mesurer aux océans et aux gigantesques baleines, l’Empereur en même temps soucieux de détourner l’attention de dépenses somptuaires de plus en plus contestées réquisitionne l’historienne et professeur d’université Martabée Gaeldish pour qu’elle se fasse le chantre, sous son contrôle bienveillant, de l’immense portée de cette découverte. Afin qu’elle puisse publier ses bulletins d’information dans les meilleures conditions, il lui donne les pleins pouvoirs sur le chantier de fouille et l’ensevelit sous les cadeaux princiers.
Flattée et elle-même enthousiasmée, la scientifique étouffe sa gêne face aux intrusions dirigistes et souvent ridicules du monarque pour se consacrer à ses nouvelles tâches. Tout va pour le mieux, jusqu’à ce que, donnant soudain corps au malaise jusqu’ici imprécis et insidieux persistant à infiltrer le texte en même temps que l’esprit de Martabée, l’avancement des fouilles finisse par dévoiler un visage inattendu et pour le moins ignominieux des tant fantasmés Morgondes. Le dilemme est cruel pour l’historienne. Aura-t-elle le courage de publier la vérité, elle qui a désormais tout à perdre, en plus de son indépendance ?
Toujours aussi envoûtante et sensorielle, la plume de Perrine Tripier excelle à suggérer atmosphères et sensations. D’un côté la minéralité des vestiges, de l’autre les variations de la lumière, du vent et de la mer, viennent refléter la diffraction entre l’effrayante pesanteur de la réalité historique et l’immatérialité du temps et de la mémoire. Ecrire l’Histoire est un pouvoir, de l’Histoire l’on ne retient toujours que ce que l’on veut bien, son récit est indissociable du regard et de l’interprétation de l’auteur. Alors, à l’ère post-vérité où les leaders politiques usent du langage et de l’émotion davantage que des faits et de l’argumentation, ce conte imaginaire pointe l‘instrumentalisation politique des mythes, dans un jeu de pouvoir trouble et violent évoquant aussi bien les grandes dictatures que le nouveau storystelling idéologique à l’américaine.
Aussi dérangeante que somptueusement écrite, une fable dont l’imaginaire renvoie aux réalités passées et contemporaines des manipulations politiques de la mémoire collective.
C'est la première fois que je lis cette autrice et l'expérience a été à la fois déroutante et captivante.
L'histoire nous entraîne dans une grande aventure archéologique où une équipe de chercheurs découvre une civilisation ancienne, les Morgondes. Très vite, ces trouvailles sont utilisées par le pouvoir en place pour glorifier le passé et renforcer la fierté nationale. Mais au fil des pages, ce qui semblait n’être qu’une célébration de héros antiques se transforme en quelque chose de bien plus sombre.
Le début du roman m’a un peu déstabilisé, principalement à cause du style d’écriture que j’ai trouvé parfois trop chargé. Les descriptions détaillées ralentissent le rythme et m'ont semblé superflues. Cependant, l’intrigue prend une tournure inattendue et captivante. Ce qui commence comme une simple exploration archéologique devient une réflexion profonde sur la vérité historique, les manipulations politiques et les mensonges que le pouvoir est prêt à camoufler.
Ce basculement est la vraie force du roman. L’auteur nous pousse à questionner notre propre relation avec le passé et à réfléchir sur les récits historiques que l’on glorifie ou occulte, pour des raisons politiques ou idéologiques.
Malgré les longueurs initiales, le roman parvient à marquer les esprits par ses thématiques d’actualité et ses révélations troublantes. Une lecture qui dérange et fait réfléchir sur notre société moderne, où l'Histoire peut être réécrite selon les besoins du moment.
Martabée est enseignante en histoire et elle est engagée par l’Empereur dans des fouilles archéologiques mettant à jour des vestiges des Morgondes, des anciens guerriers marins, symboles et légendes locales. Ces fouilles sont une opportunité pour l’Empereur de mettre en avant son territoire, de renforcer son emprise en confirmant son lien familial avec ces anciens guerriers. Tout d’abord perplexe sur ces découvertes, notamment pour le coût que cela va engendrer, le peuple va suivre semaine après semaine le cheminement de ces travaux. Ils vont éprouver une certaine passion à ce sujet et cela va décupler leurs attentes. Seulement, voilà, après toutes les découvertes qui mettent en joie les archéologues, l’Empereur et le peuple, les découvertes vont faire apparaître un tout autre pan de l’Histoire que personne ne doit savoir.
Je suis clairement sortie de ma zone de confort et parfois, ça fait du bien. Je me suis mise à aimer cette passionnante histoire d’un empire à la recherche d’un symbole d’un roman national. J’ai été emportée par cette histoire, qui peut aisément nous ramener à un contexte politique, pas bien éloigné du nôtre : on suit les dessous de la politique et de ses institutions, de la communication ou de la censure envers le peuple, le mutisme sur ce que le peuple ne doit pas savoir.
Il y a pas mal de descriptions qui permettent de s’immerger dans l’histoire mais parfois, elles sont alambiquées et contemplatives. Je me suis un peu perdue quelque fois, dans des détails qui n’apportaient pas grand-chose à l’intrigue. En tout cas, je n’y ai pas été sensible, même si j’avoue que certaines descriptions « de trop » pouvaient laisser à penser qu’elles étaient là pour mettre en valeur le bonheur des personnages dans leur travail de recherche, leurs découvertes de plus en plus incroyables et passionnantes.
En bref, avec ce roman relativement court, j’ai apprécié les dessous d’une recherche archéologique, la pression que cela engendre quand la politique s’en mêle, les principes que se fixent certaines personnes mais qui sont prêtes à y mettre fin et ce, pas toujours pour de bonnes raisons. La fin m’a profondément marquée. Ce livre est à lire !
Un auteur inconnu pour moi, une decouverte à faire pourquoi pas ,est ue découverte de découvrir se peuple est ses intrigues
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Merci à toutes et à tous pour cette aventure collective
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