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Rentrée littéraire : renaître de ses cendres, une affaire d’écriture

Au cœur de cette rentrée d'hiver, 5 romans étonnants qui racontent la renaissance et la métamorphose

Rentrée littéraire : renaître de ses cendres, une affaire d’écriture

Il serait un peu cliché d’évoquer la figure du Phoenix qui renaît de ses cendres, pourtant celle-ci reste la plus adaptée pour illustrer un nouveau départ, une métamorphose ou un nouveau souffle.

Cet état vivifiant se trouve d’ailleurs décrit dans de nombreux classiques de la littérature. Cet hiver, plusieurs auteurs français et étrangers abordent le sujet. De l’histoire personnelle à l’avènement de toute une nation, en voici une sélection.

 

Couverture du livre « Border la bête » de Lune Vuillemin aux éditions La Contre Allee

S’inspirant du nature writing dans son roman Border la bête (éditions La Contre Allée, à paraître le 12 janvier 2024), Lune Vuillemin exorcise les blessures internes de sa narratrice. Assistant au sauvetage d’un orignal, elle fait la rencontre de deux êtres comme on en fait peu : Arden et sa maison à l’odeur « chiens-poils-cuir-écorce-terre-femmes », et Jeff, l’homme à l’œil mort. Tous deux s’occupent d’un refuge au cœur de la forêt, travaillent pour les animaux et non « avec eux ». Le duo propose à la narratrice de rester et d’y œuvrer aussi, malgré la grande difficulté des tâches qui lui seront attribuées. Dans une langue pleine de silences et de pudeur, les trois personnages évoluent dans un écosystème brut, orné de poésie et de violence. Là où la vie et la mort se côtoient sans arrêt et devant lesquelles l’impuissance prend une place prépondérante. Cet environnement bucolique deviendra peu à peu le lieu de toutes les reconstructions pour enfin respirer à nouveau. Lune Vuillemin livre un roman qui nous pousse à exercer une langue nouvelle, porteuse de mille possibilités. Un roman incontournable de cette rentrée.

 

 

 

Couverture du livre « Soixante kilos de soleil » de Hallgrimur Helgason aux éditions Gallimard

Saviez-vous que l’Islande était initialement un pays d’une grande pauvreté ? L’écrivain et artiste peintre Hallgrímur Helgason propose une immersion totale dans l’histoire de ce pays à travers Soixante kilos de soleil (éditions Gallimard, à paraître le 11 janvier 2024), une fresque historique, politique et familiale vertigineuse. Lorsqu’Eilífur Guðmundsson retourne dans son fjord, il découvre que sa maison a été emportée par une avalanche. Son fils est seul survivant de cet événement dramatique. Le pays est encore une terre hostile et pauvre, colonisée depuis de nombreuses années par le peuple danois. Il verra son destin prendre un tournant décisif lorsqu’un riche marchand le prendra sous son aile avant d’être renvoyé au sein du fjord en décrépitude. L’arrivée des Norvégiens et la pêche aux harengs deviendront pourtant l’élément déclencheur d’une renaissance imminente pour toute une nation. D’un optimisme à toute épreuve, les Islandais voient la face de leur monde changer, eux qui n’avaient que peu de choses à troquer. Hallgrímur Helgason déroule l’histoire de la colonie la plus fastidieuse à exploiter et dont seuls les Islandais avaient réellement le secret.

 

 

Couverture du livre « Solal ou la chute des corps » de Louis Vendel aux éditions Seuil

Louis Vendel, quant à lui, signe un premier roman puissant et émouvant inspiré par l’histoire de l’un de ses plus fidèles amis. Solal ou la chute des corps (éditions du Seuil, à paraître le 5 janvier 2024) fait le portait contrasté du personnage éponyme. Atteint de bipolarité, le jeune homme rencontre régulièrement des phases « hautes » et des phases « basses » durant lesquelles ses émotions mènent la danse plus que pour le commun des mortels. Elles sont souvent accentuées par la prise d’alcool et de stupéfiants, le plongeant dans un flot d’addictions difficilement contrôlables. C’est suite à une malheureuse bière proposée par le narrateur que notre histoire commence, Solal sombre petit à petit dans l’une des phases les plus compliquées de sa vie. S’orchestre alors une enquête autour de ce personnage poussée par ce désir de comprendre réellement l’ami que le narrateur a en face de lui et l’aider. Une multitude d’événements amèneront Solal à renaître autrement tout en acceptant les remous de la maladie. Il débutera ainsi son tour du monde à pied, une expérience initiatique et nouvelle. Le primo-romancier esquisse une aventure entre beauté des mondes et beauté de l’être où l’amitié, l’urgence de vivre et l’espoir se prennent par la main dans une ronde à couper le souffle.

 

 

Couverture du livre « J'étais un héros » de Sophie Bienvenu aux éditions Anne Carriere 

Chez Sophie Bienvenu, les addictions ont aussi leur part de responsabilité dans son roman J’étais un héros (éditions Anne Carrière). Cela fait plusieurs années qu’Yvan Langlois fait face à un diagnostic inévitable. En colocation avec Miche depuis plusieurs années, elle et lui boivent. Tous deux peinent à quitter cette habitude de vie qui leur permet de ne pas sombrer face aux fêlures provoquées par la vie. Après un passage à l’hôpital et une violente dispute avec son amie, Yvan récupère le chat domestique pour qui il ressent une grande affection. Une certitude en tête : vouloir repartir à zéro. Que deviendrait ce chat, s’il mourait ? Dans la difficulté du sevrage, sa vie d’avant lui revient. Particulièrement Gabrielle, sa fille, qu’il n’a pas revue depuis des années à cause de son addiction. Le chat devient cette métaphore imperturbable du changement, lui qui est « maître de son destin », qui recommence sa vie « là où la bouffe est plus juteuse et où les oiseaux chantent mieux. ». L’autrice écrit un récit particulièrement beau autour de cette relation père-fille initiatrice d’un renouveau salvateur.

 

Couverture du livre « La Nuit chienne » de Rachel Yoder aux éditions Flammarion

Pour conclure cette sélection, l’écrivaine et rédactrice en chef Rachel Yoder propulse son lecteur au cœur de la maternité. Loin de l’image rêvée que l’on peut parfois brandir, La nuit chienne (éditions Flammarion, à paraître le 3 janvier 2024) révèle ce qu’il y a de plus animal dans l’état maternel. A l’arrivée du bébé, la narratrice doit quitter son emploi de rêve au sein d’une galerie d’art au profit de celui de son mari. Tout s’effrite autour d’elle, sa vie sociale, ses aspirations et son être tout entier afin de ne garder que ce statut de mère. Petit à petit, cet état d’emprisonnement mutera d’une bien drôle de façon. A la nuit tombée, la jeune femme se découvre « Nightbitch ». Sa métamorphose s’opère : des canines luisantes à sa queue, elle devient une créature canine digne d’un roman kafkaïen. C’est pourtant bien cet étrange phénomène qui mènera la narratrice, dans la violence et l’affirmation, à une ultime renaissance. L’autrice américaine déstabilise volontiers son lecteur pour lui laisser la possibilité de lire un texte à plusieurs niveaux de compréhension. De l’onirisme fantasmé à l’engagement féministe, on se délecte intensément de ce texte qui fait écho à la créature qui loge en chacun de nous.

 

 

Marie Jouvin

 

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