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Cette semaine Tlivres Tarts et Joëlle G ont lu Les indésirables de Diane Ducret (Flammarion)
L’avis de Tlivres Tarts :
La plume de Diane Ducret, j'en avais beaucoup entendu parler mais je ne l'avais encore jamais lue. Et puis, il y a eu un Salon du Livre sur Paris, une rencontre avec Dominique, en chair et en os, et une proposition d'intégrer le Club des Explorateur. Avec Joëlle, on décide de se lancer dans le duo sans connaître le titre du livre ni son auteur, et là, quelle chance, il s'agit de son dernier roman !
Diane Ducret s'est notamment fait connaître avec "Femmes des dictateurs", un best-seller. Je n'ai donc pas été très étonnée de découvrir une photo ancienne en page de couverture. Nous voilà parties pour un roman historique.
Nous sommes en mai 1940. La guerre déploie ses tentacules et touche Paris, cette capitale où bon nombre d'Allemands ont trouvé refuge depuis 1933, cette année où 150 000 personnes sont descendues dans les rues de Berlin pour scander des discours nationalistes. Eva est pianiste, elle a quitté Munich pour rejoindre la France. C'est là qu'elle rencontrera Louis, un résistant, dont elle tombera amoureuse, une promesse de mariage est faite mais leur avenir sur fond de guerre devient incertain. Lise, elle, est fille d'une modiste, Frieda. Toutes les deux ont pris la route pour fuir l'oppression des juifs. Un long périple via la Hongrie, la Tchécoslovaquie, l'Italie, pour rejoindre la terre promise. Eva et Lise font partie de ces "indésirables", cités par l'avis à la population signé le 12 mai 1940 par le Général Héring, Gouverneur militaire de Paris :
"Les ressortissants allemands, sarrois, dantzikois et étrangers de nationalité indéterminée, mais d'origine allemande, résidant dans le département de la Seine".
Dès lors, un rassemblement est organisé. Les femmes célibataires et mariées sans enfants sont attendues au Vélodrome d'Hiver 3 jours plus tard. Les regards de Lise et Eva se croisent, une relation s'instaure, pour le meilleur et pour le pire.
Dès les premières pages, les émotions m'ont prises à la gorge. Peut-être cela a-t-il à voir avec l'actualité politique, les élections présidentielles, et tous les discours populistes ambiants. Lire ce roman revient à mettre un visage et un nom sur un public ciblé, une certaine catégorie d'immigrés, et rend l'injustice du traitement insupportable.
Ces femmes "indésirables" parquées dans un équipement sportif ne tardent pas à perdre toute dignité humaine. Hébergées pendant une dizaine de jours, elles ne tardent pas à baigner dans leurs propres excréments. Sous-alimentées, les premières forces commencent à céder. Autant dire que le scénario est dramatique et qu'il ne fait que commencer, leur transfert est organisé par voie ferrée. Elles rejoindront les Pyrénées, le Camp de Gürs très précisément. Là-bas, les conditions de vie ne seront pas meilleures, les latrines inconfortables, le froid cinglant... et elles devront lutter contre des hommes tentés d'user, voire d'abuser de leur pouvoir.
Ce qui m'a profondément touchée dans cette tragédie humaine, c'est le sursaut collectif de quelques femmes de vouloir se sauver, non pas de s'évader du camp, mais d'éviter de sombrer dans la folie. Et là, elles trouvent je l'avoue une voie particulièrement originale, celle de l'art. L'idée de produire un cabaret relève du surnaturel et pourtant ! Je ne vous en dirai pas plus, parce c'est un passage qui offre une parenthèse de fantaisie et ouvre de nouveaux horizons.
J'ai été aussi troublée par les trajectoires individuelles qui viennent composer une à une l'histoire collective de ces "indésirables". Il y a cette cicatrice mystérieuse sur un ventre qu'il conviendra de protéger des regards, la source d'une fraternité incommensurable entre deux femmes.
J'ai été subjuguée enfin par des portraits de femmes époustouflantes de courage, de volonté, de générosité, alors que tout leur environnement n'est que ruine. Je ne peux m'empêcher de murmurer les paroles de la chanson de Gérard Goldman : "Né en 17 à Leidenstadt".
Les notes de piano résonnent... tellement appropriées ! Qu'aurais-je fait moi-même si j'avais été en 1940 dans ce Camp de Gürs ?
Je ne peux pas terminer cette chronique sans dire un mot sur le travail formidable réalisé par ces romanciers qui s'attachent à assurer la mémoire de pages méconnues de la grande Histoire. J'ai lu récemment Par amour de Valérie Tong Cuong, Un paquebot dans les arbres de Valérie Goby, et puis maintenant Indésirables de Diane Ducret. Je ne leur serai jamais assez reconnaissante de nous enseigner ce qui ne l'est pas dans les manuels scolaires, de nous éclairer sur notre passé pour mieux affronter l'avenir dans notre costume de citoyen. Immense coup de cœur pour ce roman, qu'on se le dise !
L’avis de Joelle G :
C'est grâce au Club des Explorateurs de Lecteurs.com et à la proposition d'Annie que j'ai eu la chance de lire ce roman. Inscrite avec Annie pour cette aventure sans savoir quel livre nous allions recevoir, j'ai été ravie en ouvrant le paquet de voir qu'il s'agissait du dernier roman de Diane Ducret, une auteure que je rêvais de découvrir pour avoir beaucoup entendu parler de son best-seller Femmes de dictateurs.
Diane Ducret est historienne et nous raconte ici un pan de notre histoire à proprement parler incroyable dont je n'avais jamais entendu parler.
En mai 1940, avant même la création du gouvernement de Vichy, le gouvernement français organise à Paris une rafle de 5000 femmes, comme un triste prélude à ce qui se passera deux ans plus tard en juillet 42... Un avis à la population du 12 mai 1940 annonce que les femmes célibataires et mariées sans enfant doivent rejoindre le Vélodrome d'Hiver le 15 mai 1940. Cette injonction concerne les immigrées d'origine allemande qui ont fui l'Allemagne nazie en 1933 pour trouver refuge à Paris, ce sont des juives ou des opposantes au régime nazi. Ces femmes perçues comme un danger pour la France deviennent tout d'un coup des indésirables et sont regroupées au Vélodrome d’Hiver avant d'être internées au camp de Gurs dans les Pyrénées-Atlantiques.
Nous allons suivre le destin de deux jeunes femmes Lise et Eva. Lise est une jeune juive qui a fui Berlin avec sa mère Frieda quand les persécutions contre les juifs ont commencé. Eva est une brillante pianiste qui a fui Munich et sa famille partisane d'Hitler. Lise et Eva vont très vite se lier d'amitié et se soutenir dans cette épouvantable épreuve.
A travers leur histoire, Diane Ducret nous décrit les conditions de la rafle et du rassemblement dans le stade, la peur, la faim, le froid, la promiscuité et les brimades pendant la dizaine de jours où elles sont parquées au Vel'd'hiv. Puis c'est le départ dans un wagon à bestiaux pour le camp de Gurs qui abrite dans une autre partie du camp 20 000 hommes "indésirables", des espagnols qui ont combattu Franco. Les conditions de vie dans ce camp y seront aussi terribles. De nombreuses artistes et des intellectuelles sont internées à Gurs, la vie dans le camp en sera fortement influencée car certaines femmes vont résister ou simplement survivre en chantant ou en jouant du Shakespeare. L'art pour ne pas sombrer, quelle magnifique image !
J'ai été bouleversée par cette belle histoire d'amitié et de solidarité entre Lise et Eva qui vont se soutenir dans l'épreuve, j'ai lu ce roman d'une traite le cœur serré. Diane Ducret a eu l'idée originale de ponctuer ses chapitres avec des paroles de chansons typiques des années 30-40 qu'elle a inventées, elle allège ainsi la lecture de ce roman au sujet particulièrement grave.
Ce roman basé sur des faits historiques est très documenté, l'auteure y mêle des personnages inventés et des personnages qui ont existé comme l'infirmière du camp de Gurs Elsbeth Kasser et le commandant Davergne, chef du camp à qui elle rend hommage. J'ai énormément aimé ce livre qui constitue un vibrant hommage à toutes ces femmes qui ont refusé de se soumettre, nous y découvrons des portraits de femmes extrêmement courageuses. Ce pan de notre histoire est malheureusement peu connu et il est important de se souvenir que la France d'avant Vichy a été capable d'une telle atrocité. Un sujet grave qui trouve hélas écho dans l'actualité avec la situation des millions de réfugiés à travers le monde, malheureusement trop souvent stigmatisés. Un grand merci à Diane Ducret de nous rappeler ce triste épisode de notre Histoire.
Gros coup de cœur pour ce roman !
© Joëlle G
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Ce que j'aime chez Diane Ducret, c'est qu'elle soit capable de faire le grand écart entre un tel livre fort et puissant et un livre beaucoup plus léger comme "L'homme idéal existe, il est québécois"
C est sûrement un tres bon livre a decouvrir mais déchirant de ses 2 filles et le calvaire su elle vont vivre la terre fait peur surtout pour l avenir .....